Chicago, Etats-Unis — Chez les patients atteints d’un cancer colorectal métastatique (mCCR) sans mutations RAS non résécable, l’ajout de l’anticorps anti-EGFR panitumumab (Vectibix®, Takeda) à la chimiothérapie standard s’avère plus bénéfique que l’ajout de l’anticorps anti-VEGF bevacizumab (Avastin®), selon l'étude de phase 3 PARADIGM, dont les résultats ont été présentés lors du congrès annuel de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO)[1].
Après un suivi médian de cinq ans, les patients traités par panitumumab en plus de la chimiothérapie ont présenté une survie globale améliorée de 16%, par rapport au groupe sous bevacizumab. Le bénéfice supplémentaire est significatif en cas de localisation tumorale sur côlon gauche (survie globale augmentée de 18%), mais pas en cas d’atteinte initiale sur côlon droit.
« Si les tests génétiques révèlent une tumeur de type RAS sauvage, un traitement de première ligne associant l’anticorps panitumumab et le protocole mFOLFOX6 est supérieur, mais seulement pour les individus avec une localisation tumorale gauche », a souligné le Pr Takayuki Yoshino (department of Gastrointestinal Oncology, National Cancer Center Hospital East, Chiba, Japon), principal auteur de l’étude, dans un communiqué de presse.
« Avec cette étude, ce standard thérapeutique est désormais acté, avec des effets secondaires bien connus parce que l’on utilise ces molécules depuis plus de 15 ans », a commenté la Dr Esma Saada-Bouzid, oncologue médical au Centre Antoine Lacassagne à Nice lors d’une conférence de presse Unicancer en direct de Chicago.
Survie globale de 38 mois
Les résultats rapportent une survie globale de près de 38 mois chez ces patients sous panitumumab. Il s’agit de « la plus longue survie rapportée dans un essai projectif de phase 3 avec un traitement de première intention dans le cancer colorectal métastatique non opérable », a commenté pour sa part la Dr Cathy Eng (Vanderbilt, Ingram Cancer Center, Nashville, Etats-Unis), experte en oncologie digestive pour l’ASCO.
Selon la spécialiste, cette étude souligne l’importance des biomarqueurs pour caractériser un cancer avant de choisir un traitement. C’est particulièrement le cas avec les tests portant sur les gènes RAS, « qui sont essentiels pour tous les patients atteints d’un cancer colorectal lors du diagnostic d’une forme métastatique ».
Ces résultats devraient mettre fin aux interrogations persistantes sur le meilleur traitement à administrer en première intention dans cette indication assez fréquente. Le choix entre un traitement ciblé par anticorps anti-VEGF ou un anticorps anti-EGFR dans le traitement du cancer colorectal métastatique faisait l’objet de controverse en raison d’un manque de données cliniques.
L’étude vient dont établir « une nouvelle combinaison thérapeutique standard de première ligne chez les patients avec un cancer colorectal métastatique sans gènes RAS mutés et de localisation colique gauche », a déclaré le Pr Yoshino.
Un tiers des patients diagnostiqués à un stade avancé
Le panitumumab est un anticorps monoclonal humain dirigé contre le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR). Il a été approuvé en 2006 par la Food and Drug Administration (FDA) en association avec la chimiothérapie FOLFOX dans le traitement de première intention du mCCR sans KRAS muté, après s’être révélé aussi efficace dans cette indication que le cétuximab, un autre anticorps anti-EGFR.
Le bevacizumab est un anticorps se liant au VEFG, un facteur clé de la vasculogénèse et de l’angiogénèse. Il a été validé par la FDA en 2004 dans le traitement du cancer colorectal métastatique en association avec une chimiothérapie en intraveineuse à base de 5-fluorouracile (5-FU).
Au cours de son intervention, le Pr Yoshino a rappelé que 36% des patients atteints de cancer colorectal sont diagnostiqués à un stade avancé avec présence de métastases. Dans cette population, l’ajout d’un anticorps anti-VEGF ou anti-EGFR à la chimiothérapie permet d’obtenir jusqu’à 30 mois de survie globale supplémentaire.
Dans 35% des cas de cancer colorectal métastatique, la localisation de la tumeur principale est au niveau du côlon gauche. Cette localisation est connue pour être de meilleur pronostic qu’une tumeur située dans le côlon droit. Des études rétrospectives ont suggéré qu’en cas de localisation gauche, l’ajout de panitumumab pouvait être plus bénéfique en terme de survie.
Pas de différence de survie sans progression
Mené par le Pr Yoshino et ses collègues, PARADIGM est le premier essai prospectif à comparer les deux anticorps. Il a inclus 823 patients atteints d’un cancer mCCR avec RAS non muté, naïfs de traitement et non opérables. Les trois-quarts présentaient une tumeur primitive au niveau du côlon gauche.
Ils ont été randomisés pour recevoir soit du panitumumab, soit du bevacizumab en plus de la chimiothérapie mFOLFOX6 (xaliplatine, de l’acide folique, 5-FU et irinotecan).
Après un suivi médian de 61 mois, les résultats rapportent une amélioration significative de la survie globale, qui est augmentée de 16% dans le groupe sous panitumumab, en comparaison avec le groupe bevacizumab (risque relatif de 0,84).
L’amélioration est légèrement plus importante dans le sous-groupe de patients avec une tumeur colique gauche, la survie globale étant de 37,9 mois sous panitumumab, contre 34,3 mois sous bevacizumab, soit une différence de 18% (risque relatif de 0,82).
En revanche, il n’y a pas de différence significative concernant la médiane de survie sans progression entre les deux groupes. Elle est de 12,9 mois sous panitumumab, contre 12 mois sous bevacizumab et respectivement de 13,7 mois et 13,2 mois chez les patients avec des tumeurs initiales du côté gauche.
Concernant le taux de réponse au traitement, il apparait meilleur avec le panitumumab chez les patients avec une tumeur initiale au côlon gauche (80,2% contre 68,6% sous bevacizumab). Le taux de résection chirurgicale à visée curative est respectivement de 18,3% et de 11,6%.
Un bénéfice significatif au-delà de 28 mois
Invitée à commenter l’étude, la Pre Chiara Cremolini (Pisa Universiy Hospital, Pise, Italie), a souligné la nécessité de tenir compte de l’emplacement initial de la tumeur lorsqu’il s’agit d’un cancer colorectal métastatique.
En comparant les courbes de survie à 28 mois, elle précise que les 40% de patients avec des tumeurs sur côlon gauche ayant survécu jusque-là ont tiré un bénéfice égal des deux traitements. Ceux encore en vie au-delà de ce délai ont un meilleur pronostic avec le panitumumab.
Selon elle, ces résultats sont en faveur d’une utilisation du schéma combinant panitumumab et chimiothérapie mFOLFOX6 dans le traitement de première ligne du mCCR avec une stabilité micro-satellitaire, un statut RAS et B-RAF non mutés, ainsi qu’une tumeur initiale sur côlon gauche.
La Pre Cremolini estime que les patients doivent être avertis qu’ils risquent une perte médiane de 3,6 mois de survie globale et une réponse au traitement plus faible si le schéma thérapeutique combinant le bevacizumab à la chimiothérapie est privilégié.
En revanche, en cas de de tumeurs présentant une instabilité micro-satellitaire (les cellules tumorales sont alors plus immunogènes), l’immunothérapie est à prescrire d’emblée, rappelle l’oncologue, tandis que celles avec BRAF muté sont à traiter avec le schéma FOLFOX associé au bevacizumab, puis à l’encorafenib avec cetuximab en cas de progression.
Pour finir, l’oncologue a précisé qu’il reste à comparer l’effet dans le traitement du mCCR d’un doublet de chimiothérapie plus un anti-EGFR avec un triplet de chimiothérapie associé au bevacizumab.
L’étude a été financée par le laboratoire Takeda.
Le Pr Takayuki Yoshino a rapporté des liens d’intérêt avec Bayer Yakuhin, Chugai Pharmaceutical, Merck et MSD
La Dr Cathy Eng a rapporté des liens d’intérêt avec Bayer Health, Gilead/Forty Seven, GlaxoSmithKline, Hookipa Biotech, Mirati Therapeutics, Natera, Pfizer, Elevar, Fruquitinib, Merck et Pfizer.
Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Panitumumab Beats Bevacizumab in Left-Sided mCRC. Traduit et adapté par Vincent Richeux.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Cancer colorectal métastatique: survie globale améliorée avec une thérapie ciblée anti-EGFR - Medscape - 10 juin 2022.
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