POINT DE VUE

« À côté de l'urgence climatique, il ne faut pas oublier l'urgence sanitaire »

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

8 juin 2022

France — Mardi 7 juin 2022, les soignants ont défilé, une nouvelle fois, dans les rues de Paris et d’une cinquantaine d’autres villes de France, pour dénoncer leurs conditions de travail dégradées et partager leurs craintes d’une très probable saturation des services hospitaliers, notamment des urgences, cet été.

Les manifestations, à l’initiative de neuf syndicats et collectifs hospitaliers, ont été organisées pour réclamer des hausses de salaires et d'effectifs sans attendre le résultat, fin juin, de la « mission flash » commandée par Emmanuel Macron.

Dr Arnaud Chiche

Dans ce contexte tendu, Medscape édition française a interviewé le Dr Arnaud Chiche, président du Collectif Santé en Danger , candidat malheureux à l'élection présidentielle, qui n'a pas pour autant baisser les bras.

Ce médecin anesthésiste-réanimateur de 46 ans a contribué à l'écriture d'un livre collectif dirigé par Hamama Boourabaa, « Rendre la santé aux soignants » et a participé les 2 et 3 juin derniers au sommet citoyen G500 où il a notamment été question de penser le modèle sanitaire de demain.

Medscape édition française : Vous avez participé à l'écriture du livre collectif de Hamama Bourabaa « Rendre le soin aux soignants », où vous nous livrez à un premier bilan de l'action du Collectif Santé en Danger. Pourquoi ?

Dr Arnaud Chiche : Malheureusement, l'actualité hospitalière la plus récente, à savoir la fermeture de services par manque de personnels, me fait dire que nous avions raison de tirer la sonnette d'alarme il y a deux ans, en créant le collectif santé en danger. Ils ne nous ont pas pris au sérieux, même si nous avons été reçus au ministère, même si nous gardions le contact avec la conseillère santé d'Emmanuel Macron.

L'actualité sanitaire la plus récente montre bien que le Ségur n'a pas boosté l'attractivité des métiers de la santé.  Qui plus est le chantier de refondation du système sanitaire est beaucoup plus vaste que cela. Notre actuel modèle de santé est en train de s'effondrer, cela craque de partout, la médecine de ville, les hôpitaux, la crise des vocations...

 
L'actualité sanitaire la plus récente montre bien que le Ségur n'a pas boosté l'attractivité des métiers de la santé.
 

Je ne comprends pas pourquoi l'exécutif ne profite pas de ce moment pour rebattre les cartes. J'ai le sentiment qu'ils ont peur, qu'ils en font un tabou alors que c'est indispensable. Le président Emmanuel Macron a dit qu'il allait s'attaquer aux urgences,  mais ces services sont l'arbre qui cache la forêt, c'est l'ensemble de l'hôpital qui est en crise, tout comme la médecine de ville. Il faut lancer de grandes réformes du système de santé.

 
C'est l'ensemble de l'hôpital qui est en crise.
 

Cela doit commencer par une réforme de la formations aux métiers de la santé. Un exemple : comment un étudiant infirmier peut-il être correctement encadré dans un hôpital par une infirmière débordée ? Nous pensons au sein de notre collectif qu'il faut absolument instaurer dans les établissements de santé un tuteur dont la tâche sera d'accompagner l'étudiant en stage.

Il faut aussi lancer des réformes à propos de la gouvernance hospitalière : la manière dont on maltraite les personnels de santé, qu'il s'agisse des paramédicaux, ou des médecins, est absolument honteuse. Il faut enfin fluidifier et simplifier la médecine de ville.... Les médecins généralistes sont étouffés par les charges administratives, lesquelles sont également asphyxiantes pour les médecins hospitaliers. N'oublions surtout pas l'attractivité qu'il faut relancer en valorisant les carrières, le travail de nuit, les week-ends... Il faut revaloriser le travail de nuit, la permanence des soins, et créer des ratios de paramédicaux, qui existent d'ores et déjà pour les soins critiques et qu'il faut étendre à tous les services.

 
Les médecins généralistes sont étouffés par les charges administratives, lesquelles sont également asphyxiantes pour les médecins hospitaliers.
 

Il faut absolument limiter le nombre de patients par soignants. Cela existe dans les pays nordiques, au Canada... La mise en place des ratios va permettre d'améliorer la qualité de vie au travail, d'éviter les burnouts, la fuite des personnels, mais cela permet aussi d'améliorer la sécurité des patients, et d'inciter les étudiants à rester dans la carrière hospitalière. Je pense que les professionnels de santé ont besoin d'espoir. Il nous parait évident qu'un pays moderne comme la France puisse assurer un bouclier sanitaire à ses concitoyens. À côté de l'urgence climatique, il ne faut pas oublier l'urgence sanitaire.

 
Il faut absolument limiter le nombre de patients par soignants.
 

Pourquoi le collectif santé en danger a-t-il participé à la convention citoyenne de Marseille ? Qu'en attendiez-vous ?

Dr Arnaud Chiche : Ce sommet citoyen a été organisé par une association qui s'appelle La France vraiment, présidé par Aurélie Gros, laquelle est maire dans l'Essonne, sans étiquette politique. L'objectif de son association est d'installer les idées citoyennes dans le débat démocratique. Du coup, « la France vraiment » a rassemblé des collectifs et associations sur différents sujets dont la santé, l'environnement mais aussi la promotion du vote électronique, etc. De nombreux sujets de société ont ainsi été débattus.

Quel a été le programme de Marseille ? Quels sujets ont été débattus ?

Dr Arnaud Chiche : Ce 2 juin était l'ouverture du sommet, puis nous avons honoré une réception officielle à la Mairie de Marseille. Il faut préciser que toutes ces associations représentent environ 500 000 personnes. Le 3 juin et samedi matin, nous avons présenté des solutions citoyennes par la voix d’Armelle Le Coz, Aurélie Gros a présenté ce pourquoi elle a créé son association. Gilles Mandré a présenté sa plateforme de vote électronique pour rendre cet acte citoyen plus participatif. À 13 heures, le 3 juin, Benoit Payan, maire de Marseille, nous a gratifié d'une allocution. Lors de la table ronde de l'après-midi, nous avons débattu de thèmes comme la fiscalité, l'engagement citoyen, mais aussi la francophonie... Parallèlement, la grande table ronde l'après-midi a été consacrée à une grande concertation autour de la santé, le handicap, l'action sociale et la santé environnementale. Nous y avons présenté nos travaux, exposé les raisons pour lesquelles nous nous mobilisons depuis deux ans, pourquoi le Ségur de la santé était insuffisant, pourquoi il faut reconstruire le système autour de bases solides comme la santé environnementale, la prévention, la préservation des soignants, etc.

 
Il faut reconstruire le système autour de bases solides comme la santé environnementale, la prévention, la préservation des soignants.
 

Est-ce un hasard si cette conférence citoyenne a été organisée à deux semaines des législatives ?

Dr Arnaud Chiche : À vrai dire, les organisateurs ont hésité à organiser ce sommet de la citoyenneté à proximité des législatives. J'ai plaidé pour que le sommet soit maintenu car je pensais justement que la proximité avec les législatives apporteraient un certain intérêt à ce sommet.  Néanmoins, l'organisatrice de ce sommet ne se présente pas aux législatives. Des député.es seront là présent.es, comme Emilie Cariou ou Anne Chapelier car ils nous ont beaucoup aidé ces deux dernières années. Mais ces deux députées par exemple ne se représentent pas. Donc, il n'y a aucune récupération électoraliste, mais nous nous servons du contexte politique pour susciter l'intérêt de tous.

RENDRE LE SOIN AUX SOIGNANTS !

Appel citoyen de métiers du soin

Hamama Bourabaa. Date de publication : 30 mars 2022

Broché - format : 15,5 x 24 cm • 380 pages. Fauves Editions.

 

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