Les Padhue manifestent pour leur statut : reportage

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

2 juin 2022

France— Près de 5000 médecins diplômés hors Union européenne (Padhue) attendent leur autorisation d’exercice depuis 2019. Ils ont manifesté ce 23 mai sous les fenêtres de la ministre de la santé Brigitte Bourguignon pour l’inciter à rouvrir le dossier en souffrance de ces médecins étrangers.

« Deux médecins pour le prix d'un » : Padhue en colère

La santé et les hôpitaux, priorité du second quinquennat d'Emmanuel Macron ? C'est ce qui a été annoncé, à la sortie du premier conseil des ministres du 23 mai dernier. Et c'est ce qu'ont rappelé des Padhue en colère ce 31 mai sous les fenêtres de la toute nouvelle ministre de la Santé et de la prévention Brigitte Bourguignon, avenue Duquesne. « Deux médecins pour le prix d'un », « Sous les blouses la colère », « Padhue engagés pour la santé des Français », « Médecins étrangers, des soldes toutes l'année », ont scandé pendant plus d'une heure une soixantaine de ces médecins diplômés hors Union européenne, à l'appel de leurs syndicats, le SNPADHUE.

Que réclament-ils ? L'application immédiate et intégrale de l'article 70 de la loi du 24 juillet 2019, qui autorisent les médecins diplômes hors Union Européenne, qui n'ont pas satisfait le concours des épreuves de vérification des connaissances (EVC) mais pouvant justifier d'au moins deux années d'exercice dans des établissements français (entre autres conditions) de pouvoir décrocher une autorisation d'exercice. Sans cette autorisation, ces médecins diplômés sont confrontés à des situations précaires.

Comme Nathalie*, rencontrée lors de cette manifestation. « Je suis chirurgienne dentiste diplômée, j'étais praticien attaché jusqu'en 2019, j'ai déposé un dossier pour obtenir une autorisation d'exercice mais aucune commission nationale ne s'est réunie depuis la promulgation de la loi, en 2019. Résultat, je ne peux pas travailler comme chirurgienne dentiste. » Nathalie a décroché un emploi de formatrice d'assistante de chirurgienne dentiste. Mais ce n'est pas le cas de nombreuses autres personnes dans son cas, au chômage faute d'autorisation d'exercice.

Moins payés, et plus précaires

« On ne nous propose plus de CDD. Nous n'arrivons guère à décrocher que des postes en bénévolat, pour ne pas perdre la main », témoigne Stéphanie*, elle aussi chirurgienne dentiste de formation. Pierre*, lui, exerce sa profession de médecin gériatre dans un établissement de santé privé des Hauts de France. Diplômé en médecine générale en Côte d'Ivoire, il a obtenu une capacité en gériatrie, ce qui lui permet d'exercer. « Mais je suis rémunéré entre deux à trois fois moins que mes collègues praticiens hospitaliers. Pourtant, nous les praticiens Padhue, nous sommes en autonomie complète, nous ne sommes pas assistés par un médecin sénior. Non seulement nous sommes moins payés, mais nous sommes aussi plus précaires », informe Pierre.

En effet, en qualité de praticien attaché, il enchaine les CDD en tant que médecin depuis quatre ans, d'abord en Champagne-Ardennes, puis dans les Hauts-de-France. « C'est une situation totalement injuste, nous sommes 30% des effectifs de médecins dans les établissements publics de santé, nous avons sauvé bien des vies pendant la crise du Covid, mais nous n'avons reçu aucune gratification. »

Rencontre au ministère

Quoi qu'il en soit, la manifestation de ce 23 mai a permis à une délégation de syndicalistes d'être reçue par le directeur adjoint de la ministre de la santé, Guillaume du Chaffaut, par ailleurs ancien directeur général adjoint des hospices civils de Lyon. « Il était accompagné d'un autre directeur adjoint en charge des ressources humaines au ministère de la santé, informe le Dr Nefissa Nakhdara, porte-parole du SNPADHUE et membre de la délégation reçue ce 23 mai au ministère de la Santé. Il a l'air de bien connaitre le dossier des Padhue. Nous lui avons détaillé les problèmes que nous rencontrons, au-delà de ceux des padhue qui n'ont pas encore eu d'autorisation d'exercice dans le cadre de l'application de l'article 70 de la loi de juillet 2019.

Ceux qui ont réussi le concours des épreuves de vérification des connaissances (EVC) rencontrent des problèmes d'affectation : il faut leur trouver une solution pour qu'ils terminent leurs parcours de consolidation dans les délais, et les meilleures conditions possibles. Par ailleurs, nous avons rappelé au directeur adjoint du cabinet que les médecins étrangers, en attente de régularisation via la loi de juillet 2019 ne sont autorisés temporairement à exercer que jusqu'au 31 décembre 2022. Or jusqu'à présent, seuls 1700 dossiers, sur environ 5000, ont été examinés par les commissions régionales, sachant qu'ils doivent être ensuite approuvés par une commission nationale, puis par le ministre de la santé.  Il y a donc urgence à agir. Guillaume du Chaffaut s'est pour sa part engagé à trouver une solution avant le prochain été.

De nombreux soutiens

Le SNPADHUE a reçu le soutien de nombreux syndicats de praticiens hospitaliers, dont le syndicat Jeunes médecins. Son président, le Dr Emmanuel Loeb, était d’ailleurs présent lors de la manifestation du 23 mai. « Alors que les PADHUE font tourner tous les hôpitaux de France, Jeunes Médecins demande au Ministère qu’il régularise la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) appartenant au « stock » en attente d’affectation et d’autorisation de plein exercice, et qu’il reconnaisse les missions des PADHUE à hauteur du statut de praticien hospitalier pour ceux qui ont été reçus aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) », a réclamé le syndicat Jeunes médecins, dans un communiqué.

Par ailleurs, rappelle Jeunes médecins, « tous les PADHUE ayant validé les épreuves de vérification des connaissances (EVC), auraient dû être affectés à un poste avant le 31 décembre 2021. Compte tenu de la crise sanitaire, ce délai a été repoussé jusqu’au 31 décembre 2022, mais le retard pris par l’Administration est considérable (des milliers de dossiers doivent encore être étudiés) et la liste des postes ouverts est actuellement nettement insuffisante ». Les confédérations syndicales APH CPH et Avenir hospitalier ont également apporté tout leur soutien aux padhue. « Les PADHUE n’ont que trop attendu les validations de leur autorisation d’exercice en France (loi votée le 24 juillet 2019 après plusieurs années de tergiversation). Plus de 4000 dossiers notamment concernant les médecins sont encore en attente et bloqués à plusieurs niveaux ».

Les intersyndicales demandent une simplification du processus d'autorisation d'exercice, en supprimant par exemple, la validation régionale des dossiers des padhue par les ARS.

 

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