Houston, Etats-Unis— Une nouvelle étude suggère que l’infertilité – du moins chez certains hommes – pourrait venir de l'épigénétique ; c’est-à-dire de changements dans l'activité des gènes n'impliquant pas de modification de la séquence d'ADN (méthylations…).
Selon cette étude américaine, un test nommé Path SpermQT (Inherent Biosciences) serait capable de détecter les anomalies épigénétiques et d’évaluer la probabilité que les spermatozoïdes soient viables pour la conception.
Pendant des décennies, l'analyse du sperme a été basée sur la motilité, la morphologie et la concentration des spermatozoïdes. Mais ces mesures, bien qu'utiles, sont limitées. Le sperme peut ne pas permettre une grossesse même lorsque ces trois paramètres sont normaux, a expliqué le Dr Larry I. Lipshultz, chef du service de médecine et de chirurgie de la reproduction masculine au Baylor College of Medicine, Houston, Texas, qui a présenté ces résultats lors du congrès annuel 2022 l'American Urological Association (AUA)[1].
Comment fonctionne le test ?
En pratique, le test Path SpermQT détecte les promoteurs instables : régions d'ADN situées à proximité d'un gène et indispensables à leur expression qui ici ont subi des changements au niveau de leur méthylation.
Auparavant, des travaux portant sur plus de 1300 de gènes ont montré que l'expression de gènes spécifiquement régulés par ces promoteurs était liée à une grande variété de fonctions impliquées dans la fécondation, telles que la spermatogenèse.
Le test ne cherche pas l'expression des promoteurs instables, mais les quantifie pour caractériser la qualité du sperme comme excellente (≤ 10 promoteurs instables), moyenne (11 à 42) ou mauvaise (≥ 43).
Dans les études qui ont mené au développement du test SpermQT, le nombre de promoteurs instables était corrélé au succès de la grossesse. A noter que des grossesses ont été obtenues même dans le groupe dont la qualité du sperme était médiocre, mais à des taux très faibles.
Stratification de la qualité du sperme sur 172 échantillons
Sur les 172 échantillons de sperme collectés jusqu'à présent dans l'analyse en cours, la qualité du sperme a été qualifiée d'excellente dans 31% des cas, moyenne dans 59% des cas et mauvaise dans 10% des cas.
Or, la stratification de la qualité du sperme n'était pas significativement corrélée avec les mesures habituelles de la viabilité du sperme, comme la concentration, a précisé le Dr Lipshultz.
Certaines caractéristiques étaient associées à une meilleure qualité du sperme, notamment la supplémentation en antioxydants et les faibles niveaux d'œstrogènes.
A ce stade, une seule conception naturelle est survenue dans le groupe avec un sperme de « mauvaise qualité » contre huit dans ceux avec une qualité moyenne ou excellente.
Un rôle pronostique mais pas seulement…
« Ce qui est passionnant, c'est que l'épigénétique peut être modifiée », a indiqué le Dr Lipshultz à Medscape. Sur la base des données obtenues jusqu'à présent, il envisage de débuter des supplémentations en antioxydants et des modifications hormonales lorsque la qualité du sperme est mauvaise.
La capacité du test Path SpermQT à identifier des cibles thérapeutiques pourrait révolutionner la gestion de l'infertilité masculine, a commenté le Dr Lipshultz, mais le test a un potentiel plus immédiat : celui d’aider les couples à se décider ou non pour une fécondation in vitro (FIV), ajoute-t-il.
« Nous voyons souvent des patients hésiter avant d’opter pour la FIV », a-t-il expliqué. « Un test comme celui-ci pourrait les aiguiller. Si la qualité du sperme est bonne, le conseil pourrait être de continuer à essayer. Si elle est médiocre, un couple pourrait vouloir passer plus rapidement à la FIV. »
Un test de qualité du sperme sur la base de l'épigénétique « pourrait changer la façon dont nous voyons les couples qui tentent de concevoir », a convenu le Dr Peter N. Schlegel, professeur d'urologie et de médecine de la reproduction, Weill Cornell Medicine, New York.
Le Dr Schlegel a fait l'éloge de plusieurs caractéristiques du test épigénétique, notamment celle de mettre en évidence que 70% à 80% des hommes ayant un sperme de mauvaise qualité selon le test SpermQT avaient des résultats normaux lors des évaluations classiques du sperme ; une information unique.
Cependant, alors que le test est déjà commercialisé, le Dr Schlegel a averti que peu de données étaient actuellement disponibles.
« Les résultats à ce jour, bien qu'ils soient statistiquement significatifs, n'ont été observés qu'avec un petit groupe de patients », a-t-il précisé. « Des études beaucoup plus importantes sont nécessaires avant qu'un changement de pratique ne soit envisagé. »
Aussi, l’intérêt du test SpermQT pour identifier les risques d’infertilité modifiables est encore loin d’être prouvé.
« Il est bien connu que les changements environnementaux et de mode de vie peuvent affecter la méthylation [épigénétique], mais on ne sait pas si les anomalies observées jusqu'à présent pourraient être influencées par des changements de mode de vie », a déclaré le Dr Schlegel. Parmi les nombreuses étapes nécessaires pour répondre à cette question, il a suggéré qu'il faudrait probablement d’abord « évaluer pourquoi de tels changements de méthylation se produisent ».
Le Dr Lipshultz a des liens d’intérêt financiers avec plusieurs sociétés pharmaceutiques, dont Inherent Biosciences, qui commercialise le test SpermQT. Le Dr Schlegel a des liens d’intérêts avec Theralogix, Posterity Health et Roman Health.
Cet article a été initialement publié sur Medscape.com sous l’intitulé New Test Might Transform Male Infertility. Traduit par Aude Lecrubier
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org |Medscape Cardiologie sur Twitter.
Crédit image de Une : BSIP
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: L’épigénétique en cause dans l’infertilité masculine ? - Medscape - 1er juin 2022.
Commenter