France— 120 services d’urgences en difficulté à travers toute la France, dont 14 CHU. Tel est le constat alarmant dressé par le syndicat Samu-Urgences de France. De son côté, le SNPHARE réclame un Plan Marshall pour les urgences et pour l’hôpital public. Le Dr Anouar Ben Hellal, urgentiste à l’hôpital de Versailles, appelle à « redonner des perspectives aux soignants ».
14 CHU en grande difficulté
D’après le syndicat Samu-Urgences de France, 120 services d’urgences sont en détresse en ce mois de mai, soit six semaines avant les vacances d’été.
Mediapart, qui a établi une carte des « urgences qui vacillent », note que « toutes les régions françaises sont touchées, toutes les tailles d’hôpitaux sont représentées ».
Petits centres hospitaliers de proximité ou grands centres hospitaliers universitaires (CHU), les profils des services d’urgence en difficulté en France sont variés mais le constat reste le même : le personnel manque et certains services sont obligés de fermer certaines plages horaires.
C’est le cas par exemple au CHU de Bordeaux, qui a annoncé le 18 mai la fermeture la nuit d’un de ses deux services d’urgences. A travers toute la France, ce sont 14 CHU qui sont en grande difficulté : Amiens, Angers, Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lyon, Metz-Thionville, Nice, Orléans, Reims, Rennes et Strasbourg. Les hôpitaux de proximité ne sont pas épargnés, comme à Chinon, Sélestat, Mâcon ou Valence.
Situation critique
« A l’hôpital de Versailles, nous avons déjà failli fermer deux fois, en septembre et il y a un mois », confie à Medscape le Dr Anouar Ben Hellal, urgentiste à l’hôpital de Versailles et membre du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE). « La situation aux urgences est critique. Ce n’est pas une posture de notre part, c’est la réalité. Il y a 120 structures d’urgences qui ont fermé complètement ou partiellement et de nombreuses autres sont au bord de la fermeture par manque de soignants. En novembre dernier déjà, nous avions alerté le ministère d’une multiplication des fermetures mais rien n’a été fait », déplore-t-il.
Pour lui, « tout est réuni pour que l’effet s’amplifie » et il anticipe un été « catastrophique ». « Les personnes vont arriver aux urgences et vont trouver portes closes », prédit-il.
Soignants qui s’épuisent
Il pointe aussi un « effet boule de neige ». « Quand on est dans une structure où les ressources humaines ont diminué, il y a une cascade de conséquences. Le travail se reporte sur d’autres soignants, qui font 70 à 80 heures par semaines. Ils s’épuisent et s’en vont à leur tour. Certains changent de métier. Le recours à des intérimaires ne fonctionne pas non plus, on voit bien que cela ne permet pas de couvrir les besoins nécessaires au fonctionnement des services d’urgences », développe-t-il.
Pour lui, ces difficultés vont conduire immanquablement à une « dangerosité de la prise en charge des patients aux urgences ». « Il y a déjà des gens qui décèdent par manque de surveillance, de bras et de lits », déplore-t-il.
Dans ce contexte, le SNPHARE réclame un « plan Marshall » pour « redonner des perspectives aux soignants ». « Tout se dégrade et il n’y a pas de solutions. Le Ségur de la santé n’a rien résolu. Nous ne pourrons pas faire revenir ceux qui sont partis mais nous pouvons essayer de faire rester ceux qui sont encore là », espère le Dr Ben Hellal.
Revaloriser les gardes et astreintes
Le SNPHARE appelle notamment à adapter les ressources humaines et matérielles à l’activité des services concernés. « On ne peut pas laisser une seule infirmière avec 15 à 20 patients, ou deux médecins de garde pour 60 patients », témoigne l’urgentiste.
Le syndicat réclame des normes ou des ratios opposables afin de mettre en adéquation les ressources aux besoins. Il souhaite aussi des surfaces adaptées en termes d’architecture. « Nous travaillons dans des structures toutes petites et les patients se retrouvent dans les couloirs », pointe le Dr Ben Hellal.
Les soignants réclament également une revalorisation immédiate des indemnités de garde et d’astreinte, qui n’ont pas changé depuis 2003 et restent à 250 euros. Ils plaident aussi pour la mise en place d’un compte pénibilité pour le travail de nuit et de week-end, comptant pour la retraite. Ils demandent également l’intégration des praticiens nommés avant 2020 sur la nouvelle grille salariale pour récupérer les 4 ans d’ancienneté dont ils ont été privés et une réelle prise en compte du temps de travail.
« Nous demandons à ce que tous les services passent en temps continu, car actuellement les praticiens qui sont en temps non continu et qui font des gardes de nuit n’ont que deux demi-journées comptabilisées au lieu de trois. Au total, sur un an, c’est comme s’ils offraient gratuitement 2 mois de travail à l’hôpital public », s’insurge le Dr Ben Hellal.
Un groupe de soignants réunis pour trouver des solutions
Pour préparer rapidement des préconisations destinées aux pouvoirs publics, une vingtaine de soignants se sont rassemblés au sein du Groupe de réflexion pour l’amélioration des parcours de soins urgents (GRAPSU). « Ce groupe indépendant est dédié aux solutions pragmatiques », explique le Dr Céline Jardy-Triola, ancienne médecin urgentiste et désormais généraliste dans le Gard, fondatrice d’Urgences chrono.
« Le groupe a été constitué il y a un mois et nous avons déjà eu nos deux premières réunions », indique-t-elle. Le GRAPSU a commencé à travailler sur les raisons qui poussent les patients à venir aux urgences.
« Nous lancerons prochainement un questionnaire sur le sujet », prévoit-t-elle. L’objectif du groupe est d’avoir de premières préconisations avant l’été pour agir dans l’urgence.
Par ailleurs une journée de mobilisation des soignants est prévue le 7 juin pour réclamer des hausses de salaire et des recrutements supplémentaires.
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Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: Les urgentistes tirent la sonnette d’alarme et appellent à des mesures immédiates - Medscape - 27 mai 2022.
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