Simple mal de dos ou rhumatisme ? Un diagnostic parfois compliqué en cas d'inflammation

Julia Rommelfanger

Auteurs et déclarations

25 mai 2022

Wiesbaden, Allemagne – Même pour un spécialiste, il n'est pas toujours simple de réaliser un diagnostic différentiel entre des douleurs banales, passagères voire persistantes – par exemple au niveau dorsal –, et l'une des quelque 100 "vraies" maladies rhumatismales.

« Les maladies inflammatoires du tissu conjonctif, qu'on trouve dans tout l'organisme, peuvent se développer partout : dans les articulations, les muscles, les vaisseaux, les organes… », rappelait le Pr Ulf Müller-Ladner (Université Justus-Liebig de Giessen, Allemagne) à l'occasion du dernier congrès annuel de la Société allemande de médecine interne (DGIM).

A la recherche d'indices

Lorsqu'une douleur ou une inflammation apparaît à l'un ou l'autre endroit du corps, le médecin doit déterminer s'il s'agit d'un problème banal ou si le patient souffre d'un rhumatisme. Les limites entre l'état de santé "normal" et la maladie ne sont pas toujours claires, et « elles diffèrent un peu pour chaque maladie rhumatismale », ajoute le Pr Ulf Müller-Ladner.

« Il est particulièrement difficile de s'y retrouver entre les symptômes typiques des maladies rhumatismales ou inflammatoires systémiques comme des douleurs articulaires ou musculaires persistantes, des poussées de fièvre récurrentes ou des performances en chute constante sans indication d'une maladie maligne ou d'une réaction à un analgésique courant. »

Pour progresser dans la recherche diagnostique, la symptomatologie est généralement combinée à l'imagerie et aux examens de laboratoire. A l'instar des enquêteurs dans une "scène de crime", les médecins recherchent les pistes menant vers le "coupable" – à savoir la maladie – à partir d'un "réseau d'indices." 

« La recherche de signes rhumatologiques et immunologiques est aussi fréquemment compliquée par le fait qu'un ou plusieurs paramètres de laboratoire mesurés peuvent – de manière comparable à une affaire criminelle – mener au coupable mais également diriger vers une fausse piste », ajoute le Pr Ulf Müller-Ladner. « Les paramètres de laboratoire peuvent être révélateurs, mais ils sont parfois trompeurs; leur évaluation correcte est donc indispensable à la recherche du diagnostic. »

Le rhumatologue donne deux exemples illustrant le dilemme auquel sont confrontés les médecins qui recherchent des éléments indiquant une maladie rhumatismale :

  • « un facteur rhumatoïde positif associé à une oligoarthrite de courte durée après une infection virale ne correspond certainement pas une polyarthrite rhumatoïde. En revanche, une lombalgie matinale importante et associée à un HLA-B27 positif permet de diagnostiquer une maladie rhumatismale qui prend la forme d'une lombalgie inflammatoire, le stade initial d'une spondylarthrite ankylosante.

  • Un taux d'AAN positif chez une jeune femme présentant de légères rougeurs cutanées après une exposition au soleil ne signifie pas automatiquement qu'il s'agit d'un lupus érythémateux systémique. En revanche, plusieurs fausses couches combinées à une présence d'anticorps anti-cardiolipine signent pour un syndrome des antiphospholipides, qui pourra être présent durant le reste de la vie. »

Le problème est que le diagnostic d'une maladie rhumatismale réclame souvent beaucoup de temps. Or, pour nombre de ces affections (et en particulier les rhumatismes inflammatoires telle la polyarthrite rhumatoïde), plus tôt la maladie sera diagnostiquée et un traitement instauré, plus il est probable que la raideur articulaire soit retardée et que des lésions irréparables soient évitées.

Des critères souvent manquants pour les traitements dans le cadre de l’AMM

D'après le Pr Ulf Müller-Ladner, « le dilemme va encore plus loin en ce qui concerne le traitement des maladies rhumatismales : pour respecter leur autorisation de mise sur le marché, certains médicaments ne peuvent être prescrits que si le diagnostic a été établi selon certains critères. »

Il n'est pas rare qu'un médicament « bien qu'autorisé pour une maladie rhumatismale donnée et pouvant entraîner une rémission à long terme, ne puisse pas être prescrit dans le cadre de l’AMM à un patient, en l'absence d'un ou plusieurs critères nécessaires au diagnostic de cette maladie. » Un critère potentiellement manquant serait, par exemple, une arthrite carpienne symétrique prouvée par IRM comme forme précoce très sûre de polyarthrite rhumatoïde. Le praticien est alors confronté à un problème : « traiter le patient selon les connaissances scientifiques les plus récentes, protéger les articulations et la fonction à long terme, mais sans pouvoir disposer d'un médicament autorisé à cet effet. »

Objectif : traiter précocement pour éviter les lésions permanentes

Pour le rhumatologue, la seule possibilité de distinguer les douleurs musculaires ou articulaires classiques d'une maladie rhumatismale et de trouver un traitement adapté à cette dernière consiste à « examiner régulièrement tous les symptômes qui indiquent une maladie rhumatismale sur base des critères actuels de classification des différentes entités » et à inclure de manière tout aussi régulière les symptômes nouveaux ou modifiés, qu'ils correspondent ou non à l'indication concernée. Dans ce contexte, la coopération entre différents spécialistes (par exemple entre internistes et rhumatologues, ou entre rhumatologues et néphrologues) est nécessaire « afin d'offrir le meilleur au patient. »

« Les nouvelles connaissances, issues par exemple d'études cliniques, permettent d'adapter les classifications de certaines maladies rhumatologiques au niveau international, comme cela a été le cas pour les critères de la sclérose systémique. Auparavant, il n'existait que 4 à 5 critères pour cette maladie chronique rare; aujourd'hui, il y en a au moins 10, et il en va de même pour le lupus systémique, de sorte que la diversité et la variabilité des maladies sont reflétées dans les critères. »

« Dans le futur, il faudra continuer à adapter les critères de classification en fonction des nouvelles connaissances, de manière à ce que les maladies nécessitant un traitement puissent effectivement être traitées à un stade où il est encore possible d'éviter des lésions permanentes. »

Cet article a été publié initialement sur Medscape et intitulé Hat er „Rücken“ oder Rheuma? Indizien-Suche ist bei entzündlichem Leiden auch für Experten schwierig – so könnte es gelingen. Traduction/adaptation par le Dr Claude Leroy.

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