France — Lors de son discours inaugural du congrès SANTEXPO , le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) Frédéric Valletoux s'en est violemment pris aux médecins libéraux qui fuiraient la permanence des soins. Médecins libéraux et hospitaliers ont été outrés par cette saillie.

Frédéric Valletoux
Son discours s'enracine dans une crise hospitalière, qui se concrétise par la mise en difficulté d'au moins 120 services d'urgence selon l'association des médecins urgentistes de France (Amuf).
En cause : le manque de médecins, mais aussi d'infirmières, d'aides-soignants, de lits en aval de l'hospitalisation... qui risquent de causer des fermetures de services dès le mois d'août prochain, si l'on en croit les associations représentant les centres hospitalo-universitaires. C'est dans pareil contexte que Frédéric Valletoux a donc prononcé un discours jugé incendiaire par les médecins, pour l'ouverture de SANTEXPO.
Crise(s)
Après une longue introduction consacrée aux diverses crises qu'a connues le monde ces deux dernières années, du Covid en passant par la crise environnementale et la guerre en Ukraine, Frédéric Valletoux s'est voulu, dans un premier temp, inclusif : « Dans nos points forts, il y a notre capacité collective, en ville, à l’hôpital, et dans le médicosocial à délivrer des soins et un accompagnement de qualité et à faire bénéficier chacun des dernières innovations. »
Puis, le président de la FHF a ébauché ce qui, selon lui, devrait être la feuille de route du ministère de la santé pour les cinq prochaines années : « Le sens de l’action, en ce début de mandat, doit être tout entier consacré à la question de la préservation de l’accès aux soins pour tous, à toute heure. Le dire sonne comme une évidence : il y a urgence à agir, il y a urgence pour les patients, il y a urgence pour les hôpitaux publics et nous demandons à être entendus ».
Il y a en effet urgence à agir, tant les professionnels de santé hospitaliers ont été harassés par les crises qui se sont succédé, et ont maintenant tendance à déserter : « Chez les professionnels, la lassitude s’exprime dans des mouvements que l’on observe à nombreux endroits du territoire. Des lits sont fermés dans plus de trois quarts des établissements, y compris médico-sociaux. »
Pas de pénurie de médecins ?
Toutefois, si les médecins se font rares, ce n'est pas tant pour une question d'inadéquation de la démographie médicale, que pour des questions d'organisation : « la France est-elle frappée d’une pénurie de médecins ? La réponse est « non, pas tant que ça » [...] La France manque d'abord de médecins qui prennent en charge des malades, disons-le. On retrouve le débat sur l'organisation de notre système de santé, sur les tâches administratives. »
Mais Frédéric Valletoux passe la ligne rouge, en comparant les obligations des médecins hospitaliers avec celles des libéraux : « les professionnels des hôpitaux publics doivent assumer la permanence des soins, répondre à une obligation de gardes et astreintes. [...] Il y a les 40% de médecins généralistes qui participent aux gardes, qui acceptent que le non programmé fasse partie de leur exercice et prennent plus que leur part et, en même temps, une autre partie de la profession, 60%, qui ne participe pas aux gardes. »
Et de proposer, pour répondre à l'urgence de la situation, des obligations de garde pour tous les médecins, libéraux compris : « Compte tenu de la situation, une obligation de participation de tous les praticiens devrait être décidée en urgence. Chaque praticien devrait s’inscrire sur une ligne de garde ou d’astreinte, en ville (PDSA) ou à l’hôpital (PDSES), lorsqu’elle est jugée indispensable pour l’accès aux soins sur le territoire d’exercice. Nul ne devrait pouvoir s’y soustraire sauf dérogations en raison de son état de santé ou de son âge. »
Communiqué commun des médecins libéraux
La réponse des principaux intéressés ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué commun, Avenir spé, la CSMF, la FMF, le BLOC, MG France, le SML et l'UFML-S, qualifient les propos de Frédéric Valletoux de « dérapages », et de « mensonges ».
Les syndicats de médecins ont dans un premier temps rappelé la réalité des chiffres : « Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a publié en 2021 une étude relative à l’organisation de l’effection de la Permanence des Soins Ambulatoires (PDSA) en fonction du créneau horaire. Le taux de couverture est de 96% les week-end et jours fériés. Il est de 95% en soirée entre 20h et 24h. En nuit profonde, ce taux chute à 23%, les ARS arrêtant la prise en charge des lignes de PDSA en nuit profonde. »
Et de rappeler, également, que le temps moyen de travail hebdomadaire des médecins libéraux dépasse les 50 heures par semaine, « et que près de 9 consultations sur 10 sont assurées par un médecin libéral ».
Soutien des médecins hospitaliers
En soutien aux médecins libéraux, des syndicats de praticiens hospitaliers ont eux-aussi stipendié les propos du président de la FHF, en les qualifiant de « doctor bashing ».
À l'instar des médecins de ville, les médecins hospitaliers contestent les statistiques de Frédéric Valletoux : « Quand en 13 ans, le nombre de médecins – déjà insuffisant en 2007– augmente de 2 % alors que la population augmente de 6,6 % et vieillit (accroissement de 25% des plus de 75 ans), imputer la carence d’accès aux soins à un non-exercice de la médecine par les médecins est une explication pour le moins périlleuse ! »
Plus vindicatif, les syndicats APH, CPH et AH accusent également la FHF de connivence avec le pouvoir en place : « La FHF, dont la connivence avec le pouvoir en place et la République En Marche est désormais officielle, se félicite d’avoir signé le Ségur. »
Surtout, les médecins hospitaliers dénoncent les marques de mépris des directeurs d'hôpital et de la FHF à l'endroit des médecins : « Il y a quelques semaines, une directrice d’hôpital taxait sur les ondes nationales les médecins de divas. Aujourd’hui, le président de la FHF nous accuse de ne pas faire assez d’activité clinique. Et le ministre nous a reproché d’être mal organisés. De là à dire que les médecins sont les responsables de la mort de l’hôpital public et du système de santé en général, et qu’il faudrait les remplacer par d’autres, il n’y a qu’un pas, qui est quasiment franchi. »
Pour pallier la crise des vocations hospitalières, les syndicats proposent trois mesures essentielles :
-octroi de quatre ans d'ancienneté à tous les PH,
-ouverture du chantier de la permanence des soins,
-révision du décret sur les moyens syndicaux.
Quoi qu'il en soit, les sorties intempestives du président de la FHF n'auront eu qu'un résultat : liguer l'ensemble des médecins contre la tutelle, la FHF et les directions hospitalières.
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Crédit image de Une : Dreamstime
Crédit image texte : FHF
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Citer cet article: Frédéric Valletoux ligue l’ensemble des médecins contre lui - Medscape - 25 mai 2022.
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