DAPT post angioplastie complexe : 1 mois suffit en cas de risque hémorragique élevé

France — Chez les patients qui ont eu une angioplastie coronarienne transluminale (ATL) mais sont à risque hémorragique élevé, un mois de bithérapie antiplaquettaire (DAPT) est associé aux mêmes niveaux de risque d’accidents cardiaques ou cérébraux majeurs qu’avec une durée plus longue de DAPT. En revanche, cette durée raccourcie est associée à un risque plus faible de d’hémorragies, y compris chez les patients qui ont eu une ATL complexe.

Les résultats de cette analyse d’un sous-groupe préspécifié issu de l’étude MASTER DAPT composé d’ATL complexes ont été présentés par le Dr Pascal Vranckx (Hartcentrum Hasselt, Belgique) à l ’EuroPCR 2022 (Congress of European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions) à Paris.[1]

un mois de DAPT était associé à une réduction significative des hémorragies majeures ou cliniquement significatives.

Les données ont été publiées simultanément en ligne dans l’European Heart Journal.[2]

« Ces derniers résultats montrent que, quelle que soit la complexité de l’ATL, l’arrêt de la DAPT à 34 jours (médiane) comparée la poursuite du traitement double de 193 jours (médiane 6,5 mois) après l’ATL, est associée de façon claire aux mêmes taux de complications cliniques ou cardiaques ou cérébrales mais un taux moins important de complications hémorragiques majeures ou cliniquement significatives » précise le Dr Vranckx.

« Ces résultats restent vrais pour les toutes les ATL complexes qu’il s’agisse ou non d’un syndrome coronarien aigu (SCA) que celui-ci soit complexe ou non» ajoute-t-il.

L’orateur a expliqué que dans l’étude principale MASTER DAPT trial[3,4], conduite chez des patients à haut risque hémorragique, traitées par ATL avec un stent au sirolimus et polymère biodégradable Ultimaster stent (Terumo), un mois de traitement par DAPT était non-inférieur à 2 mois ou plus de DAPT en termes d’événements cliniques indésirables majeurs et de complications cliniques nettes mais qu’un mois de DAPT était associé à une réduction significative des hémorragies majeures ou cliniquement significatives.

L’étude présentée est une sous-étude pré-spécifiée de MASTER DAPT s’intéressant aux patients qui ont eu une ATL complexe. « Ces patients qui ont une maladie coronarienne athérosclérotique plus évoluée ont un risque plus élevé à court ou long terme d’accidents ischémiques » note le Dr Vranckx.

L’ATL complexe »

Une ATL complexe est définie ici, par au moins un des critères suivants : traitement de trois vaisseaux, trois stents ou plus implantés, bifurcation avec deux stents implantés, longueur totale du stent supérieure à 60mm, occlusion chronique totale de la lésion coupable. Pour l’analyse de sensibilité, deux définitions ont été ajoutées : stenting du tronc commun et stenting d’un pontage.

Parmi les 4 579 patients inclus dans l’étude princeps MASTER DAPT, 1 196 (26%) ont eu une ATL définie complexe.

Les caractéristiques basales et per-procédures, stratifiées selon la complexité de l’ATL, étaient équilibrées entre les deux régimes antiplaquettaires.

Même si la majorité des patients (74%) catégorisés «  lésions complexes » ne présentaient qu’un seul critère de complexité, un nombre conséquent, bien que minoritaire, présentaient deux critères ou plus, confirmant qu’il s’agissait bien d’une population ayant des lésions complexes, précise le Dr Vranckx.

L’étude comportait trois critères co-primaires devant être évalués selon un ordre hiérarchique :

  • Complications cliniques spécifiques : composite réunissant toutes les causes de décès, infarctus du myocarde (IdM), accident vasculaire cérébral (AVC) et saignement majeur selon les critères définis BARC de type 3 ou 5.

  • Complications cardiaques et cérébrales majeures : composite avec toutes les causes de décès, IdM, AVC et

  • Hémorragies majeures ou cliniquement significatives non majeures : composite des saignements classés de type BARC 2, 3 et 5.

Moins de complications hémorragiques majeures ou cliniquement significatives

Les résultats montrent que les complications cliniques spécifiques et les complications cardiovasculaires majeures étaient similaires dans les deux groupes de traitement antiplaquettaire et qu’il n’y avait pas de différence dans les résultats entre les patients qui avaient eu une ATL complexe ou non.

Concernant les complications spécifiquement cliniques, le rapport de risque (HR) était de 1,03 (IC 95% ; 0,69-1,52) dans la population à ATL complexes et 0,90 (IC 95% ; 0,71-1,15) dans le bras ATL non complexes (P=0,60 pour l’interaction).

Pour les accidents cardiaques et cérébraux, le HR était 1,24 (IC 95% ; 0,79-1,92) dans la population ATL complexes et 0,91 (IC 95% ; 0,69-1,21) pour les patients aux ATL non complexes (P=0,26 pour interaction).

Mais dans le groupe traitement DAPT court, il y avait un taux moins important de complications hémorragiques majeures ou cliniquement significatives. Pour les ATL complexes, le rapport de risque pour ce critère était 0,64 (IC 95% ; 0,42-0,98) et dans le groupe ATL non complexes le HR était 0,7 (IC 95% ; 0,55-0,89), et P= 0,72 pour l’interaction.

Le Dr Vranckx note que l’étude présente quelques limites. Il s’agit d’une étude ouverte, sans stratification pour l’ATL, et devant tenir compte de l’absence de définition universelle acceptée pour l’ATL complexe.

Il insiste sur le fait que ces résultats pourraient ne pas s’appliquer aux patients qui ne reçoivent pas un stent sirolimus biodégradable et que le type de monothérapie après l’arrêt de la double anti-agrégation était laissé à l’initiative du médecin traitant.

Changement de pratiques ?

Au cours de la conférence de presse dédiée à cette étude, l’investigateur principal de l’étude MASTER DAPT princeps, le Dr Marco Valgimigli, (Instituto Cardiocentro Ticino, Lugano, Suisse), a fait remarquer que ces résultats sont en rapport direct avec les études précédentes suggérant le bénéfice d’un traitement DAPT plus court par rapport au traitement plus long mais il note aussi que dans l’étude présentée, de nombreux patients ont poursuivi la monothérapie avec un inhibiteur P2Y12 plutôt qu’avec l’aspirine en monothérapie, et que cela pourrait être une explication aux résultats positifs avec un seul mois de DAPT.

ces résultats sont en rapport direct avec les études précédentes suggérant le bénéfice d’un traitement DAPT plus court par rapport au traitement plus long

Interrogé sur le fait qu’un mois de DAPT soit maintenant recommandé après ATL chez tous les patients à risque hémorragique élevé, Valgimigli a répondu : « Si les patients sont à haut risque hémorragique, c’est maintenant le standard que j’applique de plus en plus souvent dans ma pratique, à l’exception cependant des patients ayant une thrombose ou une sténose intrastent – ce sont les deux critères d’exclusion dans cette étude et, pour ces patients, un traitement plus long par DAPT parait raisonnable ».

Co-modérateur de la session EuroPCR, le Dr Chaim Lotan (chef de The Heart Institute of the Hadassah University Medical Center, Jérusalem, Israel) a félicité le Dr Vranckx pour cette étude. « Ces résultats auront une grande influence pour nos interventions quotidiennes en salle de cathé, particulièrement pour les patients complexes » a-t-il considéré.

Commentant l’étude un paneliste le Dr Petr Widimsky (University Hospital Kralovske Vinohrady, Prague, République tchèque), précise que l’étude a inclus les patients randomisés un mois après l’ATL : DAPT courte vs DAPT prolongée. « Pour moi le message principal et que nous pouvons décider de la durée de la DAPT à un mois et non le jour ou le lendemain de l’ATL comme nous le faisons actuellement, » a-t-il ajouté.

Un autre paneliste, le Dr Eliano Navarese, (Nicolaus Copernicus University, Pologne), suggère qu’il y a encore quelques d’incertitudes pour un tel traitement de courte durée quand il s’agit d’un SCA.

« Il faut rappeler l’importance des intervalles de non-infériorité dans l’essai principal, avec des taux plus faibles de complications qu’attendus et l’utilisation fréquente du clopidogrel en monothérapie, qui est un produit moins actif et non recommandé en première intention dans le SCA. Aussi, avant d’extrapoler l’utilisation de la monothérapie chez les patients ayant un SCA (plus de la moitié inférieure en nombre à la population de MASTER DAPT), il est nécessaire de disposer de données plus robustes dans le SCA basées sur le type d‘inhibiteur P2Y12 » explique a expliqué le Dr Navarese à theheart.org/Medscape Cardiology.

« Parmi la multitude de patients à risque ischémique, le SCA constitue le risque le plus élevé » ajoute-t-il. « Chez ces patients, ce risque se concentre cependant au cours du premier mois, avant de diminuer, alors que le risque hémorragique lui continue d’augmenter régulièrement. De nouvelles approches comme la désescalade thérapeutique avec le ticagrelor plus efficace pourront être testées dans le SCA. »

Le Dr Navarese a indiqué que l’essai en cours ELECTRA-SIRO évalue cette stratégie.

L'étude a été financée par une subvention de Research Grant de Terumo. Vranckx signale des honoraires de conseil de Daiichi Sankyo, Novartis, CSL Behring et Bayer AG ; honoraires de Daiichi Sankyo et Servier ; et en participant à un conseil consultatif pour Daiichi Sankyo. Valgimigli rapporte des subventions et des frais personnels d'Abbott; honoraires personnels de Chiesi, Bayer, Biotronik, Daiichi Sankyo, Amgen, Alvimedica, Biosensors, Idorsia ; subventions et frais personnels de Terumo ; et les frais personnels d'AstraZeneca et les frais personnels de Vesalio.

L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé “One-Month DAPT Enough for Complex PCI if Bleeding Risk High”.Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.

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