Paris, France — Afin de définir la meilleure stratégie de revascularisation dans la prise en charge d’un syndrome coronaire stable avec lésions multiples, la méthode non invasive Quantitative Flow Ratio (QFR) utilisée pour évaluer l'impact de la sténose sur le flux sanguin a donné des résultats similaires à la mesure invasive Fractional Flow Reserve (FFR) habituellement employée, selon l'essai DECISION-QFR. Les résultats ont été présentés lors de l’EuroPCR 2022 [1].
Cet essai japonais vient ainsi confirmer l’intérêt de la mesure du QFR à partir de l’analyse d’une simple coronarographie diagnostique pour aider à choisir entre un pontage de l’artère coronaire, une intervention coronarienne percutanée ou décider d’appliquer les deux traitements chez les patients présentant plusieurs lésions coronaires (lésions pluritronculaires).
« Une approche basée sur la méthode QFR peut apporter une simplification des pratiques au moment de décider du traitement de revascularisation optimal par l’analyse physiologique de l’impact des lésions coronaires », a commenté lors de sa présentation, le Dr Taku Asano (St Luke’s International Hospital, Tokyo, Japon).
En complément de l’angiographie
Lors de la prise en charge d’un syndrome coronaire stable, la décision de revasculariser est souvent difficile. Les praticiens peuvent alors recourir à la mesure de la réserve coronaire par FFR, en complément de l’angiographie, pour évaluer le risque ischémique associé à la lésion. En aidant à déterminer si une angioplastie est nécessaire, la méthode réduit les poses de stent inutiles.
Elle a toutefois l’inconvénient d’être invasive. La mesure se fait après vasodilatation à l’aide d’un capteur de pression introduit par voie percutanée via un cathéter d’angioplastie. La FFR permet de déterminer un score SYNTAX fonctionnel par le rapport entre la pression coronaire mesurée après la lésion et la pression mesurée en amont. Un ratio < 0,8 indique que la lésion est significative.
Au cours de son intervention, le Dr Asano a rappelé que le recours au score SYNTAX par une analyse à la fois fonctionnelle (mesure de la réserve coronaire) et anatomique (angiographie coronaire) permet de mieux anticiper le bénéfice potentiel d’une revascularisation, comparativement à une simple évaluation anatomique par analyse de l’angiographie.
Malgré son intérêt, la méthode utilisée en pratique courante pour mesurer la FFR reste peu employée pour guider la revascularisation, en raison probablement de son caractère invasif. Dans le cas de lésions multiples, cette intervention s’avère également peu adaptée et plus risquée en raison de la répétition des mesures dans les différentes vaisseaux affectés.
Pour pallier ces inconvénients, des approches non invasives, comme la QFR, ont été développées. Le score SYNTAX fonctionnel est alors déterminé en s’appuyant uniquement sur les images d’une angiographie coronaire, grâce à la reconstruction du vaisseau en 3D et l’application d’un algorithme dédié.
Corrélation de 91% entre les patients
L’essai DECISION-QFR a été mené pour évaluer la pertinence de la méthode non invasive QFR en comparaison avec la méthode invasive pour aider à déterminer le traitement optimal dans la prise en charge de patients présentant des lésions coronariennes multiples. De précédents travaux ont déjà montré l’intérêt du QFR pour décider d’une revascularisation sur lésion unique.
Dans cette étude, 260 patients atteints d’un syndrome coronarien stable (âge moyen de 71 ans, environ 80% d’hommes) avec lésions pluritronculaires ont été inclus. Ils avaient en moyenne 4 lésions avec sténose de 50% et plus. La réserve coronaire a été déterminée par FFR et par QFR. Les patients ont ensuite été randomisés pour une prise en charge basée soit sur la FFR, soit sur la QFR afin de choisir de traiter les lésions par pontage, par intervention percutanée ou les deux.
Les résultats ont montré un bon accord entre les méthodes QFR et FFR pour décider du traitement le mieux adapté, le score du test kappa de Cohen étant de 0,73 (accord fort entre deux décisions thérapeutiques). La corrélation entre QFR et FFR dans la prise de décision pour un patient est de 91% (comparaison uniquement sur le pontage seul et le traitement associant pontage et angioplastie). En considérant les lésions individuellement, elle est de 86% pour le traitement percutané et de 88% pour le pontage.
« Basés sur la mesure du QFR, le score SYNTAX fonctionnel I et le score SYNTAX II 2020 qui en dérive ont quasiment atteint un accord presque parfait avec les scores obtenus par l’approche FFR », a affirmé le Dr Asano. Un accord « presque parfait » entre deux décisions thérapeutiques indépendantes est défini par un kappa de Cohen > 0,81.
De plus, le temps d’analyse pour la mesure avec la méthode non invasive est plus court que le temps total nécessaire pour mesurer la FFR avec la méthode invasive.
Potentiel pour rechercher une INOCA
Intervenant en tant que modératrice en fin de présentation, la Pre Alexandra Lansky (Yale School of Medicine, Branford, Etats-Unis) a affirmé que l’étude a été menée correctement pour déterminer, dans de bonnes conditions, si la prise de décision peut s’appuyer sur une mesure du QFR.
« Les chercheurs ont pu démontrer une corrélation entre le QFR et l’examen de référence par FFR. Bien que ce ne soit pas parfait, cette corrélation entre la méthode invasive FFR et le score SYNTAX fonctionnel combiné au score SYNTAX II 2020 basés sur le QFR est excellente », a commenté la cardiologue auprès de The heart.org/Medscape édition internationale.
« Au final, la corrélation est de 91% entre les deux approches pour orienter le patient soit vers un pontage seul, soit vers une utilisation à la fois du pontage et de l’angioplastie pour traiter les lésions multiples. En considérant uniquement le choix du traitement percutané, la corrélation est de 86% ».
« Lorsque le QFR est associé à des critères cliniques, il apporte des informations fiables pour aider à choisir la stratégie de revascularisation, en comparaison avec le FFR. L’avantage du QFR est sa facilité d’application à partir d’une coronarographie diagnostique. Le résultat s’obtient rapidement, sans passer par l’approche invasive de la FFR ».
Egalement modérateur de la session, le Dr Giuseppe di Gioia (Università degli Studi di Napoli Federico II, Naples, Italie) a souligné que les bons résultats de cette étude s’ajoutent à ceux déjà obtenus dans l’évaluation de l’outil QFR et étend son application aux patients coronariens présentant des lésions multiples.
Le spécialiste y voit aussi un autre avantage dans son utilisation en pratique clinique: « la possibilité d’évaluer la microcirculation par l’estimation d’un indice de résistance représente un plus pour cet outil déjà très intéressant car il permet de rechercher une éventuelle INOCA (Ischemia and Non Obstructive Coronary Disease) », une ischémie myocardique sans lésion coronaire à l’angiographie.
L’essai japonais DECISION-QFR a été financé par les fonds publics National Grants-in-Aid for Scientific Research.
Le Dr Asano na pas déclaré de liens d’intérêt.
Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Non invasive Approach to Revascularization Decisions Shows Promise. Traduit et adapté par Vincent Richeux.
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Crédit image de Une : Getty
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Citer cet article: Syndrome coronaire stable : validation d’une méthode non invasive pour identifier une ischémie - Medscape - 24 mai 2022.
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