Implants Essure® : l’étain mis en cause dans la toxicité du dispositif

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

16 mai 2022

Lyon, France— Mis sur le marché en 2002 et retirés en 2017, les implants Essure® étaient proposés aux femmes de plus de 45 ans ayant déjà des enfants et souhaitant une contraception définitive. Présenté comme une alternative à la technique de ligature des trompes par cœlioscopie, ce dispositif médical a induit des effets secondaires rares mais qui ont tout de même touché des milliers de femmes : troubles du système nerveux, cardiovasculaires, endocriniens, musculo-squelettiques.

Protocole d’expertise des implants

Une équipe lyonnaise a mis au jour une cause possible de la toxicité de ces implants, l'étain, en s’intéressant aux particules d’usure des dispositifs médicaux et à leurs potentiels effets toxiques sur la santé. « Mes recherches portent sur différents dispositifs médicaux, en particulier les prothèses articulaires, notamment de hanches. J’étudie les comportements de ces matériaux dans le corps humain et les effets des particules d’usure sur l’organisme », explique Ana Maria Trunfio Sfarghiu, chargée de recherche CNRS au laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures de l’INSA Lyon, spécialiste de la bio-ingénierie.

« La problématique des implants Essure® est venue d’une femme qui en portait un depuis une dizaine d’années et qui souffrait d’effets secondaires : problèmes de concentration et d’attention, saignements vaginaux importants, fatigue intense, perte de cheveux, etc. Elle s’est fait retirer l’implant et nous avons pu le récupérer grâce au médecin gynécologue qui l’a traitée. Nous l’avons expertisé avec d’autres implants », détaille la chercheuse.

« Nous avons mis en place un protocole pour l’expertise des implants, en collaborant avec l’hôpital. Nous sommes allés montrer aux équipes hospitalières comment faire les préparations des biopsies, incluses dans des blocs de paraffines, avant de nous les adresser pour expertise. On a donné les mêmes consignes de préparations de coupes pour toutes les femmes », développe Ana Maria Trunfio Sfarghiu.

Après un an d'expertises cliniques, un article sur 18 cas est paru dans la revue Journal of Trace Elements in Medicine in Biology[1].

Corrosion de la soudure de l’implant

L’implant Essure® mesure quelques centimètres et ressemble à un petit ressort. Une fois déployé à l’intérieur de la trompe de Fallope, il a pour but de créer une inflammation pour la boucher. Il provoque une fibrose, destinée à bloquer l’accès des ovules et des spermatozoïdes. Les tests préalables à la commercialisation avaient démontré que la fibrose entourant l’implant l’empêcherait de bouger. Mais l’entreprise pharmaceutique n’avait pas étudié la tenue mécanique de la soudure du ressort en argent-étain.

Lors de son expertise, effectuée avec le laboratoire Minapath, l’équipe d’Ana Maria Trunfio Sfarghiu a remarqué la corrosion de cette soudure, avec une diffusion des particules d’étain dans le corps des femmes. « Nous avons réalisé l’étude sur une quarantaine de femmes. Et nous avons retrouvé de l’étain chez toutes ces patientes », souligne la chercheuse.

La corrosion de cette soudure a plusieurs conséquences possibles. « Quand il se détériore, l’implant peut migrer dans tout le bassin : c’est comme une aiguille qui traverse le corps sans que l’on sache où elle va s’arrêter. Les chirurgiens qui doivent opérer pour le retirer décrivent des opérations similaires à celles de la médecine de guerre, quand le patient est traversé par une balle ! »

Toxicité de l’organoétain

Par ailleurs, si l’étain n’est pas très toxique pour l’organisme quand on l’ingère, il peut en revanche s’associer avec des éléments organiques s’il passe dans le sang. « Lorsque l’étain se retrouve associé à un atome de carbone, il devient de l’organoétain, qui est un neurotoxique », précise la spécialiste.

 
Lorsque l’étain se retrouve associé à un atome de carbone, il devient de l’organoétain, qui est un neurotoxique. Ana Maria Trunfio Sfarghiu
 

Cet organoétain peut migrer au cerveau et provoquer des symptômes semblables à ceux retrouvés chez les patientes porteuses d’implants Essure®, estime la chercheuse. « Pour le moment, nous n’avons pas assez de données pour dire qu’on trouve de l’organoétain sur toutes les femmes. Il faudrait faire une étude plus poussée pour savoir s’il peut migrer jusqu’au cerveau. Depuis 2 ans, nous essayons d’obtenir des financements académiques pour poursuivre nos recherches, en vain jusqu’à présent. Les instances académiques et politiques semblent avoir un peu peur de nos résultats », déplore Ana Maria Trunfio Sfarghiu.

 
Depuis 2 ans, nous essayons d’obtenir des financements académiques pour poursuivre nos recherches, en vain jusqu’à présent. Ana Maria Trunfio Sfarghiu
 

Pour elle, « la manière dont cet implant a été mis sur le marché pose problème. L’implant a été conçu pour créer une inflammation locale, or c’est difficile de contrôler une inflammation. Certaines femmes se voient retirer tout l’utérus et les ovaires pour régler les problèmes liés à l’implant ! », s’insurge-t-elle.

Préjudice reconnu aux États-Unis

Les recherches de son équipe ont permis à des victimes américaines de faire reconnaître leur préjudice aux États-Unis. « Mais en France, le préjudice des femmes lié à la défectuosité de ces implants n’est pas encore reconnu », glisse la chercheuse.

 
En France, le préjudice des femmes lié à la défectuosité de ces implants n’est pas encore reconnu. Ana Maria Trunfio Sfarghiu
 

Elle rappelle qu’Essure® a été retiré du marché en 2017 pour cause de non-rentabilité et non parce qu’il était dangereux. « Il ne faudrait pas mettre sur le marché un implant qui crée une inflammation, surtout si on a une solution chirurgicale alternative, qui est une ligature de trompes », considère-t-elle.

 

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