Une gingivite non soignée peut conduite à une parodontite, un stade sévère de l’inflammation des tissus de soutien des dents qui serait associé, selon plusieurs études épidémiologiques, à un risque accru de diverses maladies, comme le diabète de type 2, les cancers ou encore la maladie d’Alzheimer. Le Dr Fabiano Serfaty, endocrinologue exerçant à Rio de Janeiro (Brésil) évoque les récentes données qui tendent à confirmer ce lien.
La parodontite est l’une des principales inflammations de la muqueuse buccale. Non soignée, elle peut progresser et toucher la totalité des tissus parodontaux qui entourent et soutiennent les dents. Elle est aussi associée au développement de diverses pathologies inflammatoires chroniques, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, mais aussi certains cancers, la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), ainsi que la maladie d’Alzheimer ou la stéatose hépatique non alcoolique (NASH) [1]. D’un point de vue médical et thérapeutique, il est important de prendre en considération le lien entre la parodontite et la présence de diverses comorbidités.
Une parodontite est une maladie inflammatoire chronique multifactorielle qui implique un déséquilibre au niveau du microbiote buccal et une réponse immunitaire. Elle est à l’origine d’une dégradation des tissus permettant l’ancrage des dents, ce qui entraine une perte osseuse. Les deux principaux facteurs de risque sont le tabagisme et le diabète.
Une inflammation très fréquente
La maladie parodontale est principalement le résultat d’une infection bactérienne et d’une inflammation de la gencive et des tissus osseux qui entourent les dents. À un stade précoce, on parle de gingivite : l’inflammation touche d’abord les gencives qui deviennent rouges, enflées et sujettes aux saignements. À un stade plus avancé, la gingivite évolue vers la parodontite, une forme plus grave qui peut induire un déchaussement dentaire, une perte osseuse, une mobilité des dents et, au stade ultime, une chute des dents.
Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains, les maladies parodontales et les caries dentaires représentent les deux principales menaces pour la santé buccodentaire. Les maladies parodontales sont très fréquentes puisqu’elles s’observent chez près de la moitié des adultes américains de 30 ans et plus [2]. Elles affectent plus souvent les hommes que les femmes (56,4% vs 38,4%), les individus vivant sous le seuil de pauvreté (65,4%), ceux ayant un faible niveau d’étude (66,9%) et les fumeurs réguliers (64,2%). La parodontite s’observe essentiellement chez l’adulte, en particulier les personnes âgées, mais peut également survenir chez les enfants et les adolescents.
Un diagnostic et un traitement précoces sont essentiels pour contrôler la maladie. Même si elle est au stade de la gingivite, il est conseiller d’assurer un suivi et un traitement régulier pour un meilleur contrôle de l’inflammation et des maladies systémiques associées.
Maladies chroniques et parodontite
Plusieurs études épidémiologiques ont suggéré des liens entre la parodontite et diverses pathologies, comme la maladie d’Alzheimer. Des marqueurs cliniques de la parodontite ont ainsi été corrélés à l’incidence de la maladie d’Alzheimer et à la mortalité associée, selon une étude retrospective récente s’appuyant sur une large cohorte de patients. L’infiltration dans le cerveau de bactéries pathogènes impliquées dans la maladie parodontale pourrait expliquer cette corrélation. Cette hypothèse a été corroborée par de nouvelles données qui attestent notamment un rôle de la bactérie Porphyromonas gingivalis dans ce processus [1].
La parodontite est également fréquente chez les personnes diabétiques et est d’ailleurs considérée comme une complication du diabète[3]. De manière intéressante, le lien entre la maladie parondotondale et le diabète est considéré comme bidirectionnel : dans un sens l’hyperglycémie aggrave la maladie bucco-dentaire, tandis que dans l’autre la parodontite affecte le contrôle glycémique, sans compter qu’il existe une association entre la maladie parodontale et la hausse du risque de complications liées au diabète [3]. À l’inverse, un traitement de la parodontite permettrait un meilleur contrôle du diabète.
Selon une revue de la littérature de 2018, la présence d’une parodontite est associée à des niveaux plus élevés d’hémoglobine glyquée (HbA1C) chez les diabétiques de type 2 et les non-diabétiques, mais aussi à une aggravation des complications du diabète chez les diabétiques de type 2 et une prévalence plus élevée des complications chez les diabétiques de type 1. Il a également été démontré que la parodontite est associée à une prévalence plus élevée de prédiabète et, en cas de forme sévère, à un risque accru de développer un diabète [3].
Un risque accru de cancer
D’autres travaux ont également mis en évidence un lien entre l’inflammation chronique provoquée par la maladie parodontale et le risque de développer plusieurs types de cancer, tels que les cancers oraux, de la tête et du cou, de l’œsophage, de l’estomac, du foie, du côlon, du col de l’utérus, de l’ovaire, de la vessie ou encore des poumons. La réaction inflammatoire et l’activation des cellules semblent être un microenvironnement favorable à la prolifération et à la différenciation cellulaires. C’est du moins ce qui est suggéré pour expliquer le rôle potentiel de l’infection parodontale dans la hausse du risque de cancer [4].
Compte tenu de ces risques, il apparait essentiel que les médecins abordent la question de la santé bucco-dentaire lors d’un examen clinique, étant donné qu’elle joue un rôle fondamental dans l’état de santé générale des patients. Le contrôle et la prévention des maladies parodontales doivent être perçus comme une approche préventive et thérapeutique essentielle dans la prise en charge de l’inflammation et des comorbidités associées.
Il faut se concentrer sur la lutte contre le tabagisme et de continuer à expliquer à quel point il est important d’avoir l’habitude de se brosser les dents régulièrement avec un dentifrice au fluor et d’utiliser du fil dentaire ou des brossettes interdentaires, en plus de prendre rendez-vous avec son dentiste pour une évaluation régulière de sa santé bucco-dentaire.
Suivez Medscape en français sur Twitter , Facebook et Linkedin .
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie en français sur Twitter.
Soins bucco-dentaires chez le patient cardiaque: quelles nouveautés?
Mauvaise hygiène dentaire dans l’enfance, un facteur de risque d’athérosclérose à l’âge adulte
Traiter la parodontite abaisse l’HbA1c et limite les complications du diabète de type 2
Et si la polyarthrite rhumatoïde était d'origine infectieuse ?
Parodontites et athérosclérose : la preuve d'un lien par les bactéries
Crédit image : Dreamstime
Medscape © 2022 WebMD, LLC
Les opinions exprimées dans cet article ou cette vidéo n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape.
Citer cet article: Santé buccodentaire et maladies systémiques : un lien de plus en plus évident - Medscape - 17 mai 2022.
Commenter