Ukraine : une ONG française ouvre un centre de formation à la médecine de guerre à Lviv

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

5 mai 2022

France — L’Union des organisations des secours et soins médicaux (UOSSM) a lancé il y a quelques semaines un projet de centre de formation à la médecine de guerre à Lviv, en Ukraine. L’initiative portée par le Pr Raphaël Pitti, professeur agrégé de médecine d'urgence et de catastrophe, vise à former dans un premier temps des médecins ukrainiens à Metz, chaque médecin étant ensuite en mesure de transmettre à ses confrères en Ukraine les méthodes de prise en charge des blessés de guerre. Engagée depuis dix ans en Syrie, l’ONG a l’expérience de ce type de situations.

Centre de formation à Lviv

« Former sauve des vies », tel est le credo de l’Union des organisations des secours et soins médicaux (UOSSM). L’ONG, qui s’est donnée pour mission de garantir un accès aux soins aux populations affectées par les conflits, revendique avoir formé depuis 2003 plus de 34 000 soignants à la prise en charge des blessés de guerre.

Depuis quelques semaines, c’est désormais en Ukraine que l’ONG s’investit pour ouvrir un centre de formation à la médecine de guerre à Lviv, ville de l'ouest du pays, située à environ 70 km de la frontière polonaise. Ce projet mené en partenariat avec la Chaîne de l’espoir est destiné aux sauveteurs, médecins, chirurgiens et infirmières des hôpitaux entraînés malgré eux dans les combats depuis l’invasion de leur pays par les Russes le 24 février.

La médecine de guerre demande un savoir-faire

« La situation sanitaire s’est dégradée ces dernières semaines, confie à Medscape édition française le Pr Raphaël Pitti, anesthésiste-réanimateur, à l’origine de cette initiative. Les hôpitaux militaires ukrainiens ont beaucoup plus de blessés et il n’est pas rare de voir jusqu’à 6 personnes par chambre dans les hôpitaux civils sans que l’Ukraine ne demande le transfert de patients à l’étranger. »

 
Les soignants sont amenés à prendre en charge des afflux de blessés avec des pathologies pour lesquelles ils sont peu préparés. Pr Raphaël Pitti
 

Les Ukrainiens n'étaient pas préparés à vivre un tel conflit. Alors qu’il se prolonge, il apparaît important de les former à la médecine de guerre. « Les soignants sont amenés à prendre en charge des afflux de blessés avec des pathologies pour lesquelles ils sont peu préparés, des brûlures, blessures par balle ou par écrasement (« crush syndrome ») ou consécutives à une explosion (blast), poursuit le responsable formation de l’UOSSM France. Il y a toute une procédure, un savoir-faire dans le triage et l'organisation générale de l'hôpital. »

Cinq jours de formation intensive

La médecine en zone de guerre est un exercice périlleux. « 50% des blessés de guerre meurent dans la première heure, aussi appelée la “golden hour”, d’asphyxie ou d’hémorragie, faute de prise en charge adéquate », rappelle l’UOSSM France. La stabilisation des victimes, surtout en urgence immédiate ou absolue, impose des gestes de réanimation, de chirurgie de sauvetage et la mise en pratique du « damage control ». Ce concept consiste à déterminer le plus rapidement possible la gravité des lésions du blessé, à mettre en œuvre des soins d’urgence pour limiter leurs effets et à orienter le patient vers une structure médicale adaptée à ses besoins.

 
50% des blessés de guerre meurent dans la première heure, aussi appelée la “golden hour”, d’asphyxie ou d’hémorragie, faute de prise en charge adéquate.
 

Dans un premier temps, un centre temporaire doit ouvrir ses portes à Metz pour accueillir des médecins ukrainiens. L’ONG a déjà sélectionné 9 praticiens, majoritairement anesthésistes-réanimateurs avec une expérience de la guerre, pour cinq jours de formation intensive. « Nous les formerons pour qu'ils puissent ensuite apprendre à d'autres les protocoles de prise en charge et les algorithmes de décision à suivre : faire une évaluation vitale du malade en quelques minutes, effectuer les procédures pour stabiliser leur état, prendre en charge la douleur », ajoute le Pr Pitti. Une fois formés et de retour en Ukraine, ces praticiens seront en mesure d’initier leurs confrères en trois jours de stage.

 
Nous les formerons pour qu'ils puissent ensuite apprendre à d'autres les protocoles de prise en charge  Pr Raphaël Pitti
 

Le Pr Pitti entouré du Dr Ahmed Bananeh à sa droite et du Pr Yuriy Stepanovskyy, coordinateur médical du futur centre de formation en Ukraine

Débuts de la formation ce vendredi

Le Pr Pitti s’est rendu à Lviv avec le Dr Ahmed Bananeh, médecin urgentiste de l'UOSSM France, début avril où ils ont trouvé des locaux, un médecin coordinateur du futur centre de formation en Ukraine, le Pr Yuriy Stepanovskyy, et les premiers médecins volontaires pour suivre la formation à Metz. Le lancement de la formation a été un peu retardé pour des raisons administratives, tous les hommes de moins de 60 ans étant mobilisés et n’ayant pas le droit de quitter leur territoire. La situation s’est finalement débloquée et les médecins ukrainiens doivent arriver cette semaine et démarrer vendredi leur formation à Metz.

Pour mener à bien la mise en place de ce centre de formation en Ukraine, l’ONG a lancé un appel aux dons pour permettre l’achat du matériel de formation : mannequins et équipements médicaux dédiés. Le Pr Pitti invite ses confrères français qui voudraient soutenir l’initiative à faire un don sur le site de l’UOSSM.

En mars, au début de la guerre en Ukraine, l’ONG avait interpellé les candidats à l’élection présidentielle à agir pour « garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire et permettre l’ouverture et la protection de tous les couloirs humanitaires pour assurer un acheminement immédiat de l’aide internationale vitale en Ukraine mais aussi en Syrie ».

 

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