Fracture du col du fémur: une nouvelle stratégie de prévention préopératoire du risque infectieux

Becky McCall

Auteurs et déclarations

4 mai 2022

Lisbonne, Portugal — Avant traitement chirurgical en urgence d’une fracture du col du fémur, une stratégie combinant un dépistage rapide systématique de Staphylococcus aureus, une décolonisation nasale immédiate et une antibioprophylaxie par teicoplanine en cas de portage de S. aureus résistant à la méticilline (SARM) permet de réduire le risque d’infection sur prothèse, selon une étude monocentrique espagnole.

Dans cet hôpital, le nombre d’infection liée aux soins se développant sur prothèse de hanche a été divisé par trois grâce au nouveau protocole. Les résultats ont été présentés lors du congrès de l’ECCMID 2022 (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases), sous la forme d’un poster, l’un des rares à avoir été distingué par le prix « top-rated poster » [1].

« Avec cette stratégie préopératoire, nous avons observé que toutes les infections sur prothèse articulaire ont été réduites, celles provoquées par S. aureus, comme celles dues à des SARM », a commenté la Dr Natividad Benito (Hospital de la Santa Creu i de Sant Pau, Barcelone, Espagne), auprès de Medscape édition internationale.

Dépistage rapide par PCR

« Il s’agit d’un résultat satisfaisant car les infections sur prothèses articulaires sont des situations très compliquées, pour les patients, comme pour les chirurgiens. De plus, le protocole est relativement simple à mettre en place et, avec le temps, le dépistage rapide par PCR devrait devenir moins couteux », a ajouté l’infectiologue. « Les infections sur prothèses articulaires sont désormais rares dans notre établissement ».

Environ 200 implantations de prothèse sont réalisées chaque année à l’hôpital barcelonais de la Santa Creu i de Sant Pau pour remplacer la partie sphérique de l’articulation de la hanche (hémiarthroplastie) après fracture du col du fémur. Depuis 2016, année de la mise en pratique de cette stratégie de prévention, seules trois cas d’infection sur prothèse par SARM ont été enregistrés.

Aucune étude n’a été menée pour évaluer le meilleur moyen de réduire le risque d’infection par S. aureus et par SARM chez les patients âgés qui doivent être opérés le plus rapidement possible après une fracture du col du fémur pour une hémiarthroplastie. Or, habituellement, la recherche du portage nasal de S.aureus et la décolonisation menée en cas de résultat positif nécessitent plusieurs jours avant une opération orthopédique.

Dans le protocole mis en place par l’équipe de Barcelone, la méthode s’appuie sur un dépistage rapide par PCR, qui donne un résultat en 1 heure 30, et la décolonisation est immédiate. La décolonisation nasale (qui entraine une décolonisation cutanée) se fait par application intranasale de mupirocine (Bactroban®) et des bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine) pendant cinq jours.

Antibioprophylaxie modifiée

En cas de portage de SARM révélé par le dépistage, les patients ont été mis sous antibiothérapie prophylactique par teicoplanine, à la place de la céfazoline, un antibiotique habituellement recommandé avant implantation d’une prothèse orthopédique. La mise en place du traitement n’a pas interféré sur le moment choisi pour réaliser la chirurgie.

Ce protocole a été élaboré pour répondre aux besoins particuliers des unités de soins de longue durée (USLD), qui accueillent majoritairement des patients provenant d’établissement d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad), où l’incidence des SARM est élevée. Environ 30% des résidents d’Ehpad sont porteurs de SARM.

« Le problème avec la population âgée n’est pas seulement lié à l’incidence élevée de SARM, c’est aussi le fait que l’antibioprophylaxie n’est pas adaptée aux SARM », a souligné la Dr Benito. La teicoplanine serait plus appropriée que la céfazoline dans le traitement prophylactique avant chirurgie orthopédique.

Entre 2016 et 2020, après application du protocole, 14 infections sur prothèse ont été observées pendant cette période sur les quelque 800 hémiarthroplasties, soit un taux de 1,5%. En comparaison, le taux était de 4,7% entre 2012 et 2015 (36 infections pour près de 800 interventions chirurgicales) avant modification de la stratégie de prévention préopératoire.

Taux d’infection à S. aureus abaissé à 0,3%

Au cours des années 2012 à 2015, S. aureus a été responsable de 36 à 50% des infections, contre 25 à 29% dans les années 2016-2020. Il s’agissait d’un SARM dans 25 à 100% des cas pendant la première période, contre 33 à 64% dans la deuxième période. Le taux d’infection par S. aureus est ainsi passé de 1,8 à 0,3% entre les deux périodes (1,2% à 0,3% d’infections à SARM).

Aucun cas d’infection sur prothèse par S. aureus n’a été constaté dans les deux années qui ont suivi l’utilisation de la stratégie. En 2018 est apparu le premier cas d’infection à SARM. Deux autres ont été signalés en 2020 et en 2021. « Dans tous les cas, l’intervention n’avait pas été menée correctement », a précisé la Dr Benito.

L’infection sur prothèse articulaire est très grave. « Etant donné que le traitement par antibiotique n’a pas été suffisant, il faut alors opérer à nouveau. Le biofilm et les sécrétions purulentes générées par l’infection doivent être nettoyés et une nouvelle prothèse est nécessaire. Ensuite, d’autres antibiotiques sont administrés pendant deux mois, ce qui peut être mal toléré, et même ainsi, on n’est pas assuré d’éliminer totalement l’infection ».

A confirmer dans un essai randomisé

« Les infections sur prothèse articulaire dans cette population [de patients âgés et fragiles] ont un effet dévastateur, avec une morbidité, une mortalité non négligeable et des dépenses de santé élevées », a commenté auprès de Medscape édition internationale, le Dr Jesús Rodríguez Baño (Hospital Universitario Virgen Macarena, université de Séville, Espagne). Avec les méthodes habituelles, « le délai pour évaluer une colonisation [par E. coli] peut être trop court », étant donné l’urgence de l’opération.

Commentant les résultats obtenus avec la stratégie mise en place à l’hôpital barcelonais, l’infectiologue estime que le protocole choisi est justifié et qu’il méritait d’être mis en avant lors du congrès. « La réduction importante du risque infectieux invite à la mise en place d’un essai randomisé multicentrique pour confirmer ces résultats intéressants ».

 
La réduction importante du risque infectieux invite à la mise en place d’un essai randomisé multicentrique pour confirmer ces résultats intéressants. Dr Jesús Rodríguez Baño
 

L’étude a, en effet, l’inconvénient majeur d’avoir été menée dans un seul centre, sans randomisation préalable. « Une évaluation des facteurs confondants est également nécessaire », a ajouté le Dr Rodríguez Baño.

 

Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Rapid MRSA and S aureus Decolonization Beneficial for Emergency Hip Surgery. Traduit et adapté par Vincent Richeux.

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