Lisbonne, Portugal — Les symptômes persistants observés pendant un « Covid long » apparaissent différents selon le type de variant du SARS-CoV2 à l'origine de l'infection, selon une étude italienne, dont les résultats ont été présentés lors du congrès de l'ECCMID 2022 (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases) [1]. Ces différences concernent essentiellement des symptômes neurologiques et neurosensoriels.
Chez les patients présentant encore des symptômes plus d'un mois après l'infection, ceux infectés en 2021, lorsque le variant alpha du coronavirus devient prédominant, rapportent plus souvent des douleurs musculaires, de l'insomnie, un brouillard cérébral et une anxiété, que ceux infectés en 2020 par la souche virale d'origine. En revanche, ils sont beaucoup moins touchés par la perte de goût et d'odorat.
« Ces différences s'observent sur le plan neurologique, neurosensoriel ou psychologique. Nous n'avons pas constaté de différences concernant les symptômes cardio-vasculaires ou respiratoires », a commenté l'auteur principal de l'étude, le Dr Michele Spinicci (Département de médecine clinique et expérimentale, Université de Florence, Italie), lors de sa présentation.
Un syndrome post-Covid encore mal compris
Après une infection par le SARS-CoV2, les signes de la maladie disparaissent, dans la plupart des cas, en deux à trois semaines. Néanmoins, chez certaines personnes, les symptômes peuvent se maintenir ou réapparaitre. Lorsqu'ils persistent au-delà des trois mois, on parle de syndrome post-Covid ou, plus communément, de « Covid long ».
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 25% des personnes atteintes du Covid-19 présentent encore des symptômes plus d'un mois après l'infection. Au moins 10% ont un « Covid long » avec des symptômes persistants plus de trois mois. Les principaux facteurs de risque sont la sévérité initiale, le nombre de symptômes présents à la phase aigüe et le sexe féminin.
Les symptômes du « covid long » les plus fréquemment rapportés sont une fatigue intense, des malaises post effort, des troubles cognitifs (manque de concentration, perte de mémoire…), sensoriels (bourdonnements, vertiges…), mais aussi des maux de tête, des difficultés respiratoires, une toux persistante ou encore des troubles digestifs, du sommeil, une irritabilité.
Une dysfonction du nerf vague en cause ? Des atteintes au niveau du nerf vague lors de l'infection par le SARS-CoV2 pourraient expliquer la persistance de certains symptômes. C'est ce que suggère une petite étude espagnole, également présentée lors de cette session de l'ECCMID consacrée au syndrome post-Covid [2]. Dans cette étude, les chercheurs ont évalué la structure et la fonction du nerf vague par divers examens chez des patients ayant développé un Covid-19 avec ou sans symptômes persistants. Les examens par échographie ont révélé une hyperechogénicité et un épaississement du nerf vague, signes d'une altération, chez les patients avec un Covid long. De plus, ceux-ci présentent plus fréquemment des troubles de la déglutition et une perte de mobilité du diaphragme. « Nos résultats suggèrent que la dysfonction du nerf vague est une caractéristique physiopathologique majeure du syndrome post-Covid », a commenté la Dr Gemma Lladós (University Hospital Germans Trias i Pujol, Badalona, Espagne), l'une des auteurs de l'étude, lors de sa présentation. Les résultats devront toutefois être confirmés dans d'autres études, a-t-elle ajouté. |
Malgré la multiplication des travaux sur le sujet, « le Covid long reste mal compris », a commenté le Dr Spinicci. La définition même du syndrome post-covid est encore discutée. « Il manque des données sur la physiopathologie et les manifestations cliniques ne sont pas encore bien caractérisées ».
Afin d'en savoir plus sur ce syndrome post-Covid, l'infectiologue et son équipe ont mené une étude observationnelle rétrospective sur des patients hospitalisés pour Covid-19. Ils ont ainsi inclus 428 patients (59% d'hommes) pris en charge en ambulatoire à l'hôpital universitaire Careggi, à Florence (Italie), entre juin 2020 et juin 2021. Ils étaient âgés en moyenne de 64 ans.
Entre 4 et 12 semaines après leur sortie d'hôpital, il leur a été demandé de se présenter à une consultation de suivi pendant laquelle ils ont répondu à un questionnaire pour évaluer la présence éventuelle de symptômes persistants. Les chercheurs ont, en parallèle, repris les données concernant leurs antécédents médicaux et l'évolution clinique du Covid-19.
Essoufflement et fatigue chronique majoritaires
Les résultats montrent que, après un délai médian de 53 jours post-hospitalisation, plus des trois-quarts des patients ont rapporté au moins un symptôme persistant. Ils se sont plaints en majorité d'essoufflement (37% des patients), de fatigue chronique (36%), de troubles du sommeil (16%), de problème visuel (13%), d'une sensation d'avoir le cerveau embrumé (13%) et de toux persistante (11%).
L'analyse des données médicales a permis de mettre en évidence des facteurs de risque. Les patients qui ont développé une forme sévère de la maladie nécessitant la prescription d'un immunosuppresseur, comme le tocilizumab, ont un risque six fois plus élevé d'avoir des symptômes persistants. Ceux qui ont été mis sous oxygène ont un risque augmenté de 40%.
En plus de la sévérité du Covid-19, on retrouve le facteur de risque lié au sexe, puisque les femmes s'avèrent deux fois plus susceptibles de signaler des symptômes post-Covid que les hommes. En revanche, de manière surprenante, les patients avec un diabète de type 2 apparaissent moins à risque de développer des symptômes persistants (baisse du risque de 60%), ce qui devrait faire l'objet d'études plus approfondies, estiment les auteurs.
En distinguant les patients infectés entre mars et décembre 2020, lorsque la souche d'origine du SARS-Co2 était prédominante, et ceux infectés entre janvier et avril 2021, une fois le variant alpha devenu majoritaire, les chercheurs ont pu constater des différences significatives pour certains symptômes persistants rapportés.
Moins de dysgueusie et d'anosmie avec le variant alpha
Si le taux de symptômes apparait similaire entre les deux groupes, les troubles cognitifs décrits comme un brouillard mental (difficulté à se concentrer, oublis…) sont plus fréquemment rapportés par les patients infectés par le variant alpha (16% vs 10% chez ceux infectés en 2020). De même, ils sont plus nombreux à se plaindre de myalgie (10% vs 4%) et d'anxiété ou de dépression (13% vs 6%).
A l'inverse, la perte de l'odorat (anosmie) était moins souvent rapportée (2% vs 12%), tout comme l'altération du goût (dysgueusie) (4% vs 11%).
Les auteurs précisent que l'étude est observationnelle et que, par conséquent, la relation de cause à effet concernant l'impact des variants sur les symptômes ne peut pas être établie. De plus, l'infection par le variant alpha ou par la souche du virus d'origine n'a pas été établie, mais seulement supposée.
« Les variants du SARS-CoV2 semblent induire des phénotypes différents de Covid long. D'autres études doivent être menées pour mieux comprendre l'influence des variants, mais aussi l'impact de la vaccination contre le Covid-19, sur l'évolution des symptômes », a conclu le Dr Spinicci.
Interpellé en fin de session sur l'interprétation du sur-risque d'anxiété et de dépression observé chez les patients infectés en 2021, le chercheur a reconnu qu'il pourrait également s'agir d'une conséquence du stress lié à une situation épidémiologique prolongée et aux restrictions associées.
Spinicci M, A post-COVID syndrome: a never-ending story, SARS-CoV-2 variants may induce different long COVID phenotypes, ESCMID 2022, présentation du 23 avril 2022, Lisbonne, Portugal.
Llados G, A post-COVID syndrome: a never-ending story, Vagus nerve dysfunction in post-COVID-19 condition, ESCMID 2022, présentation du 23 avril 2022, Lisbonne, Portugal.
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Citer cet article: Covid long: des symptômes différents selon le variant à l’origine de l’infection - Medscape - 29 avr 2022.
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