Mycose vaginale: les antifongiques oraux à privilégier en première ligne

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

28 avril 2022

Lisbonne, Portugal — Le traitement des mycoses vaginales n'est pas toujours réalisé de manière optimale. Selon les dernières recommandations de la British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) sur la prise en charge de la candidose vulvo-vaginale, c'est le traitement oral à dose unique de l'antifongique fluconazole (Triflucan®) qui est à envisager en première ligne, après confirmation du diagnostic par examen microscopique, a indiqué la Dr Riina Richardson (NHS Mycology Reference Centre, Manchester University, Royaume-Uni), lors du congrès de l'ECCMID 2022 (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases) [1].

le premier conseil à donner aux femmes est d’arrêter d’utiliser du savon pour leur toilette intime et de le substituer par des crèmes émollientes et hydratantes

En attendant d'avoir le diagnostic confirmé, « le premier conseil à donner aux femmes est d'arrêter d'utiliser du savon pour leur toilette intime et de le substituer par des crèmes émollientes et hydratantes », précise l'infectiologue. Un lavage simple à l'eau claire ou avec des produits d'hygiène adaptés peut aider à restaurer la flore vaginale et limiter le risque de récidive.

La candidose vulvo-vaginale est fréquente puisqu'elle affecte trois femmes sur quatre au cours de leur vie, le plus souvent lorsqu'elles sont en âge de procréer. Provoquée par une prolifération anormale de levures du genre Candida, présentes naturellement sur les muqueuses, la mycose se manifeste par des démangeaisons, des brûlures, des pertes blanches abondantes et des douleurs pendant les rapports sexuels.

Des symptômes non spécifiques

Les symptômes sont toutefois non spécifiques et peuvent être associés à d'autres pathologies, comme l'eczéma vulvaire ou la vulvodynie. Ils se distinguent, en revanche, de ceux de la vaginose bactérienne, caractérisée notamment par des pertes grisâtres ou jaunâtres malodorantes.

Pour limiter le risque de mauvais diagnostic, la British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) recommande désormais de confirmer un premier épisode de candidose vulvo-vaginale par un examen bactériologique en recherchant des spores et des filaments mycéliens avant d'initier un traitement. La culture en laboratoire visant à identifier la souche est à réserver aux récidives de mycose.

Mises à jour en 2020, ces recommandations sur la prise en charge de la candidose vulvo-vaginale ont été supervisées par le NICE (National Institute for Health and Care Excellence). Après confirmation du diagnostic, elles préconisent en première intention le traitement oral par fluconazole (150 mg à dose unique), qui reste contre-indiqué chez les femmes enceintes, en raison d'un risque accru de fausse couche.

En cas de contre-indication au traitement oral, le clotrimazole à 500 mg en comprimé vaginal (MycoHydralin®) est à privilégier avant d'envisager d'autres traitements topiques sous forme de crème ou d'ovule intravaginal.

Les traitements locaux mal utilisés

Accessibles sans ordonnance, les antifongiques topiques sont largement utilisés en cas de mycose vaginale. Or, ils peuvent, notamment par une utilisation répétée, aggraver le tableau clinique, d'autant plus que les ovules intravaginaux et les crèmes antimycosiques sont rarement employées ensemble pour traiter à la fois les atteintes vaginale et vulvaire, ce qui favorise les récidives.

Les antifongiques oraux éliminent probablement mieux les levures du vagin que les antifongiques intravaginaux

Dans une récente revue Cochrane visant à évaluer les médicaments antifongiques contre les infections vaginales aux levures, les conclusions de l'analyse des données de plus de 5000 femmes traitées pour une mycose sont en faveur de l'utilisation des antifongiques oraux, qui « éliminent probablement mieux les levures du vagin que les antifongiques intravaginaux », même si les deux traitements semblent avoir une efficacité similaire sur les symptômes [2].

En cas de candidose vaginale récidivante (4 épisodes dans les 12 mois dont deux confirmés par culture ou par microscope), un test de sensibilité au fluconazole est à réaliser. Si la souche responsable est sensible, le traitement par fluconazole est reconduit, mais pendant une durée de six mois (3x150 mg, puis 1x150 mg/ semaine).

Après six mois sans symptômes, le traitement par fluconazole est progressivement réduit (une prise de 150 mg toutes les deux semaines, puis toutes les trois semaines…). Six mois après la fin du traitement, l'absence de récidive est observée chez plus de 80% des femmes traitées par fluconazole [3].

Bannir savon et lingettes intimes

En cas de résistance au fluconazole et aux autres médicaments azotés, un traitement local par nystatine (antifongique de contact) est recommandé (Tergynan®, ovule intravaginal à 100 000 UI pendant 14 nuits). L'acide borique (ovule intravaginal à 600 mg pendant 14 nuits) est à envisager comme deuxième option en l'absence de sensibilité à la nystatine.

Les femmes qui consultent pour une récidive de mycose vaginale doivent être informées sur la nécessité d'adopter de bonnes habitudes concernant l'hygiène intime, a insisté la Dr Richardson. En plus de troquer savons et lingettes pour des émollients, « il convient d'identifier les potentielles sources d'irritation », comme les sous-vêtements en fibre synthétique (le coton est préférable).

Avec des habitudes moins agressives pour la peau et les muqueuses vaginales, les femmes ayant une récidive de mycose « perçoivent une amélioration dans près d'un cas sur cinq, avant même d'avoir initié un traitement antifongique », a commenté l'infectiologue. « La crème émolliente devrait être le seul produit à utiliser sur la zone vulvaire ».

Certains facteurs favorisent les récidives, comme la prise répétée d'antibiotiques, qui participe au déséquilibre de la flore vaginale, le diabète ou l'utilisation de certains contraceptifs oraux combinés. Les fluctuations hormonales lors de la grossesse ou de la ménopause peuvent aussi favoriser la prolifération des levures.

Concernant les traitements alternatifs, il n'y a pas de preuves de l'efficacité d'une application de yaourt mélangé à du miel, d'huile essentielle d'arbre à thé ou de consommation d'ail, a tenu à souligner la Dr Richardson, en faisant référence à des thérapies largement vantées sur internet. De même, le bénéfice des probiotiques vaginaux n'est pas clairement démontré.

 

Références

1.Richardson R, Update on diagnosis and treatment of recurrent vulvovaginal candidiasis, ESCMID 2022, Lisbonne, 23 avril 2022.

2.Denison HJ, Worswick J, Bond CM, Les médicaments antifongiques contre les infections vaginales aux levures (mycose vaginale) sont-ils plus efficaces lorsqu'ils sont pris par voie orale ou lorsqu'ils sont placés dans le vagin (par voie intravaginale) ? Cochrane, 24 août 2020.

3.Fan S, Liu X, Wu C, Vaginal nystatin versus oral fluconazole for the treatment for recurrent vulvovaginal candidiasis, Mycopathologia, few 2015; 179(1-2):95-101.

 

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