Guangzhou, Chine — Le jeûne intermittent est une des stratégies les plus tendance pour maigrir. Mais, ses bénéfices sont-ils confirmés par la littérature ? Pas si vite! Selon les auteurs d'une nouvelle étude publiée dans le NEJM , le jeûne intermittent ne serait pas plus efficace sur la perte de poids que la réduction de l’apport calorique (seule)[1]. Cette nouvelle étude apporte de nouveaux éléments de réflexion sur le sujet ; les études publiées auparavant n’ayant pas apporté de certitudes.
Une fenêtre de 8h00 à 16h00
Au cours d'une année, les participants à l'étude qui ne mangeaient que de 8h00 à 16h00 n'ont pas perdu beaucoup plus de poids que les personnes qui mangeaient quand elles le voulaient. En outre, l'indice de masse corporelle (IMC) ou le risque métabolique n’étaient pas significativement améliorés, a rapporté l'auteur principal le Dr Deying Liu de l'hôpital Nanfang , Southern Medical University, Guangzhou, Chine, et ses collègues.
« [Le jeûne intermittent] a gagné en popularité car il s'agit d'une stratégie de perte de poids simple à suivre, qui peut améliorer l'observance », indiquent les chercheurs. Cependant, « l'efficacité et l'innocuité à long terme de l'alimentation limitée dans le temps en tant que stratégie de perte de poids sont encore incertaines par rapport à la restriction calorique quotidienne seule. »
Pour en savoir plus, le Dr Liu et ses collègues ont recruté 139 patients adultes avec un IMC compris entre 28 et 45 (surpoids/obésité). Les personnes souffrant de maladies graves (cancer, diabète, maladies rénales chroniques…) ont été exclues de l’étude. Les autres critères d'exclusion comprenaient le tabagisme, la participation à un programme de perte de poids, la chirurgie gastro-intestinale au cours de l'année précédente, l'utilisation de médicaments ayant un impact sur l'équilibre énergétique et le poids, et la grossesse planifiée ou en cours.
Il a été conseillé à tous les participants de suivre un régime hypocalorique, avec des fourchettes de 1 500 à 1 800 kcal par jour pour les hommes et de 1 200 à 1 500 kcal par jour pour les femmes. Pour déterminer l'impact supplémentaire du jeûne, les participants ont été randomisés selon un rapport 1: 1 jeûne intermittent (possibilité de manger de 8h00 à 16h00) ou absence de jeûne intermittent (pas de restriction horaire).
A 6 mois et 12 mois les paramètres suivants ont été mesurés : variations de poids, de graisse corporelle, d'IMC, de pression artérielle, de masse maigre et de facteurs de risque métaboliques, notamment la glycémie, la triglycéridémie et autres.
La restriction calorique semble expliquer la plupart des bénéfices
À un an de suivi, 118 participants (84,9 %) étaient encore dans l'étude. Bien que les participants du groupe à jeun aient perdu un peu plus de poids en moyenne que ceux du groupe non à jeun (moyenne, 8,0 kg contre 6,3 kg), la différence entre les groupes n'était pas statistiquement significative (intervalle de confiance à 95 %, -4,0 à 0,4 ; P = 0,11).
De même, sur les autres paramètres, des améliorations ont été observées dans le groupe à jeun mais non statistiquement significatives. La circonférence abdominale à 1 an, par exemple, a diminué en moyenne de 9,4 cm dans le groupe à jeun contre 8,8 cm dans le groupe non à jeun, soit une différence nette de 1,8 cm (IC à 95 %, -4,0 à 0,5).
« Nous avons constaté que les deux régimes que nous avons évalués avaient un succès similaire chez les patients obèses, qu'ils réduisent leur consommation de calories en limitant le temps d'alimentation ou en limitant uniquement les calories », ont conclu le Dr Liu et ses collègues.
Pour le Dr Huijie Zhang (département d'endocrinologie et de métabolisme à l'hôpital Nafang), auteur de l’étude, les résultats sont « conformes aux résultats des études précédentes ».
« Nos données suggèrent que la restriction de l'apport calorique explique la plupart des effets bénéfiques d'un régime intermittent », précise-t-il.
Pourtant, le Pr Zhang qualifie le régime intermittent « d'approche intéressante et durable pour une personne qui veut perdre du poids ». Il appelle toutefois à réaliser des travaux supplémentaires pour analyser l’effet du jeûne intermittent dans « divers groupes », y compris chez les patients atteints de maladies chroniques comme le diabète et les maladies cardiovasculaires mais aussi pour comparer les effets entre les hommes et les femmes et avec d'autres durées de jeûne.
Les points forts de l’essai
Interrogée par Medscape édition internationale, la Pre Kristina Varady, professeure de nutrition (kinésiologie et nutrition, Université de l'Illinois) indique que le « point fort » de l'essai est sa durée, de 12 mois, ce qui en fait le plus long essai sur le jeûne intermittent à date ».
Aussi, dans un éditorial accompagnant l’article, les Prs Blandine Laferrère et Satchidananda Panda (Columbia University Irving Medical Center, New York, Salk Institute for Biological Studies, La Jolla, respectivement) indiquent que « les résultats de l'essai suggèrent que le jeûne intermittent avec restriction calorique, lorsqu'il est accompagné d'un coaching et d'un suivi intensifs, est une approche aussi sûre, durable et efficace pour perdre du poids que la restriction calorique seule. »
Des questions en suspens
Cependant, les différents experts soulignent des limites à l’étude.
Les Prs Blandine Laferrère et Satchidananda Panda émettent des doutes quant à l’intérêt de jeûne intermittent pour d’autres populations.
« L’applicabilité de cet essai à d’autre populations est discutable » car en dehors de la Chine, des périodes de jeûne plus courtes ont été étudiées. Aussi, l’encadrement et la surveillance stricte des participants à l’essai rend difficile de savoir s’il est plus facile de respecter un jeûne intermittent ou une restriction calorique seule.
De son côté, Kristina Varady questionne la méthodologie de l’essai.
« Très franchement, je suis surprise que cette étude soit publiée dans une revue médicale aussi prestigieuse. Il n'y a même pas de groupe de contrôle ! Cela montre à quel point ces régimes sont populaires et à quel point les gens veulent en savoir plus à leur sujet. »
Aussi, « l'étude est imparfaite en ce sens qu'elle n'examine pas vraiment les effets d'un véritable jeûne intermittent ». Combiner la restriction calorique avec un jeune intermittent « va en quelque sorte à l'encontre de l'objectif » d’un jeûne intermittent.
« Le principal avantage d'un régime intermittent est que vous n'avez pas besoin de compter les calories pour perdre du poids », précise-t-elle citant deux de ses propres études de 2018 et 2020. « Juste en limitant la fenêtre d'alimentation à 8 heures par jour, les gens éliminent naturellement 300 à 500 calories par jour. C'est pourquoi les gens aiment tant [manger sur une période limitée]. »
La Pre Varady est également « très surprise » des données d'adhésion. « À 1 an, environ 85% des patients suivaient toujours le protocole, un taux nettement plus élevé que la plupart des études d'intervention diététique, qui rapportent généralement des taux d'adhésion de 50 à 60% ». C’est particulièrement inattendu en raison de la fenêtre d’alimentation de 8h00 à 16h00 car cela signifie sauter « le repas familial / social tous les soirs pendant 1 an! »
L'étude a été financée entre-autre par le National Key Research and Development Project. Les chercheurs n'ont signalé aucun conflit d'intérêts. La Pre Varady a rapporté des honoraires du groupe Hachette Book pour son livre "The Every Other Day Diet".
Cet article a été initialement publié sur le site MDEdge, membre du réseau Medscape. Traduit et adapté par Aude Lecrubier.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Perte de poids : une étude chinoise relativise l’intérêt du jeûne intermittent - Medscape - 27 avr 2022.
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