France — Quelles réponses le médecin traitant peut-il apporter aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou apparentées ? Cette thématique complexe a fait l’objet d’une session conjointe avec l’association France Alzheimer et maladies apparentées lors du Congrès de Médecine Générale France fin mars 2022[1].
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les médicaments ont une efficacité limitée, des effets indésirables et ne sont pas prescrits systématiquement. En 2016, la Haute Autorité de Santé (HAS) a réaffirmé que leur intérêt était très limité, avant de décider de les dérembourser en août 2018.
Lors du suivi des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, le médecin traitant quitte donc sa casquette de prescripteur pour endosser le rôle de coordonnateur des soins avec l’ensemble des autres professionnels de santé et la famille.
C’est souvent le médecin traitant qui a la tâche d’organiser une prise en charge globale, non médicamenteuse, adaptée au patient, pour contribuer à améliorer la qualité de vie des patients et des aidants.
« Je passe un temps bien plus long avec mes patients sur les thérapies non-médicamenteuses que sur les thérapies médicamenteuses. Les médicaments sont peu efficaces, souvent contre-indiqués, notamment sur le plan cardiaque et beaucoup des patients les arrêtent en raison des effets secondaires », a commenté le Dr Melissa Tholomier, experte gériatre et médecin généraliste à Arcueil lors de la session.
Que peut proposer aux patients ?
Dans un premier temps, ce que les patients et les aidants attendent du médecin traitant, ce sont un certain nombre de repères.
Invitée à partager son expérience, une patiente atteinte de maladie d’Alzheimer précoce a décrit la détresse qui a suivi le diagnostic et déploré le peu d’informations communiquées par le corps médical. « Peut-être que le médecin traitant pourrait donner un flyer indiquant vers quelles associations ou organismes se tourner ? », a-t-elle suggéré timidement à l’assemblée de médecins.
Outre la diffusion d’informations aux aidants sur les structures d’aide existantes et les associations de patients, les éléments clés à surveiller tout au long de la maladie sont, rappellent les intervenants, son évolution en n’oubliant pas les symptômes non cognitifs (gestion de la douleur, émotionnelle…) mais aussi très concrètement les risques liés à l’environnement, au domicile (cuisinière à gaz sans sécurité, produits ménagers et stock de médicaments accessibles, sortie de l’habitat en zone dangereuse, etc.), les difficultés sociales (isolement, conduite automobile, capacité à gérer les finances, nécessité de mesures de sauvegarde de justice, etc.), et les aides nécessaires (infirmières, aides-soignants, soutien psychologique, rééducation…, accueil de jour, accueil temporaire ou définitif).
Des prescriptions non-médicamenteuses
En termes de soins, au début de la maladie, des séances d’orthophonie et des séances de réhabilitation dispensées par des équipes spécialisées Alzheimer (ESA) peuvent être prescrites.
L’objectif des interventions des ESA est de prolonger la vie au domicile le plus longtemps possible. En pratique, un ergothérapeute ou un psychomotricien se rend chez le patient pour évaluer ses capacités et difficultés. Il fixe un ou deux objectifs comme s’habiller seul, refaire des courses… Il conçoit ensuite un programme s’appuyant sur les capacités de la personne pour l’aider à réaliser à nouveau ces activités avec plaisir. Ce programme inclus aussi de l’éducation thérapeutique pour les aidants.
Les assistants de soins en gérontologie prennent la suite en appliquant le programme. À la fin des séances, l’ergothérapeute ou le psychomotricien dresse un bilan des activités réalisées et le transmet au médecin prescripteur de l’ESA.
Cet accompagnement ESA s’adresse aux personnes diagnostiquées au début de la maladie, à un stade léger et modéré (MMSE<15). Elles se font sur prescription médicale par le médecin traitant ou bien par un médecin spécialiste d'un cabinet libéral ou d’une consultation mémoire. L’intitulé devant figurer sur la prescription est le suivant : « Faire pratiquer (12 à 15) séances de réhabilitation et d’accompagnement à domicile par une équipe spécialisée Alzheimer.» Elles se déroulent sur 12 à 15 séances réparties sur 3 mois sur un an. Au bout d’un an, il est possible de renouveler la prescription. Les équipes spécialisées Alzheimer sont rattachées à des SSIAD (services de soins infirmiers à domicile, voir annuaire).
« Il y a souvent une liste d’attente de 1 à 5 mois pour avoir accès aux ESA donc avant cela, je préconise de se tourner vers les associations de patients », précise le Dr Tholomier.
En parallèle de ces programmes, il est important que le patient continue de mobiliser ses fonctions cognitives « et d’éviter les activités qui mettent la personne en échec et en partant des appétences de chacun », indique Judith Mollard, experte psychologue pour l’association France Alzheimer et maladies apparentées qui précise : « il faut construire un projet avec le patient en fonction de ce qu’il aime, lire, faire des sudoku, des mots fléchés… ».
Assistant.es sociales, associations… : autant d’autres aides précieuses
Tant que la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est à domicile, des aides peuvent être trouvées auprès des assistants sociaux (mairie, hôpital Assurance Maladie) et proposées pour les gestes du quotidien comme le lever, la toilette ou l’alimentation, les activités domestiques, les démarches administratives, l’organisation de la vie familiale… (auxiliaire de vie ou technicienne de l’intervention sociale et familiale…).
Aussi, en fonction du lieu où habite le patient, des médiations et des activités sociales peuvent exister qui permettent à la personne d’agir pour préserver son autonomie.
Le Dr Tholomier a souligné l’importance des activités motrices, des interventions psychologiques, et d’autres approches comme l’art thérapie, la luminothérapie ou encore la médiation animale.
Dans ces domaines, les associations de patients jouent un rôle clé. La principale association de patients, France Alzheimer et maladies apparentées propose des activités et des ateliers pour les personnes malades (atelier à médiation artistique, atelier de mobilisation cognitive, atelier d’activité physiques, suivi personnalisé malade jeune…) Mais aussi des solutions adaptées pour les aidants (formation des aidants, entretiens psychologiques, atelier de relaxation…) et des moments de partage et de répit pour les familles (café mémoire, halte relai, séjours vacances….).
Il y a deux ans, l’association a lancé le programme Vivre avec la maladie, que Judith Mollard a présenté lors du congrès de médecine générale.
Le programme est destiné aux personnes au stade léger à modéré de la maladie en dehors du critère de l’âge. Les objectifs sont de permettre à chaque personne de :
S’approprier sa maladie et pouvoir en parler avec des personnes qui vivent des situations semblables.
Comprendre sa maladie et ses conséquences dans sa vie quotidienne.
Repérer ce qui peut aider à améliorer sa qualité de vie.
Renforcer sa confiance en soi pour poursuivre ou initier des activités.
Retrouver du lien social.
Il est animé par un binôme formé à l’éducation thérapeutique du patient, composé d’un professionnel de santé et d’un bénévole expérimenté. « Des travaux de réflexion en sous- groupe, des mises en situation, des expériences partagées amènent à la co-construction de solutions et de stratégies. C’est de l’échange entre les participants qu’émergent les processus d’apprentissage », indique l’association.
Il débute par un bilan initial individualisé pour identifier les besoins et définir les priorités de la personne malade, puis il est suivi de six ateliers collectifs (Partager mes expériences et mes savoirs sur la maladie ; Valoriser mes compétences et partager mes solutions, Trouver mes outils pour agir au quotidien, Parler de mon entourage, mon rôle et ma place à leurs côtés, Apprendre à gérer mon stress, Dresser la liste de mes envies).
Les associations de patients
France Alzheimer est la seule association reconnue d’utilité publique dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Depuis 1985, date de sa création, elle œuvre pour soutenir les familles des malades, informer l’opinion et les pouvoirs publics, contribuer à la recherche et former les bénévoles et les professionnels de santé.
0 811 112 112 : numéro national pour contacter toutes les associations France Alzheimer présentes en France.
Le Centre National de référence pour les Malades Alzheimer Jeunes (site externe) (CNR-MAJ) prévu par la solution 19 du plan Alzheimer a été créé en février 2009.
Il a pour but de répondre aux problèmes spécifiques des malades jeunes en particulier le diagnostic tardif et la prise en charge (les patients ne pouvant bénéficier des aides proposées aux personnes de plus de 60 ans).
L'Association française des Aidants (site externe) propose aux aidants des lieux, des temps et des espaces propices à l’information, la rencontre et l’échange grâce à des équipes formées d’animateurs et de psychologues.
Consultez la page Vivre à domicile avec la maladie d'Alzheimer sur le site pour-les-personnes-agees.gouv.fr.
Les structures d’aides
Les Maisons pour l'Autonomie et l'Intégration des malades Alzheimer (MAIA) coordonnent la prise en charge personnalisée du malade (accompagnement, évaluation de sa situation, prestations, soins et services disponibles localement...), notamment par la mise en place d'un interlocuteur unique. Elles offrent aussi un accompagnement des aidants.
Les accueils de jour et structures de répit accueillent les malades pour une certaine durée. Ils permettent de relayer les aidants dans la prise en charge de leur proche atteint par la maladie d'Alzheimer.
Les Pôles d'Activités et de Soins Adaptés (PASA) sont des espaces aménagés au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ils proposent aux résidents ayant des troubles du comportement modérés des activités sociales et thérapeutiques.
Les Unités d'Hébergement Renforcées (UHR) sont implantées au sein des EHPAD. Elles accueillent des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ayant des troubles du comportement sévères et proposent des activités adaptées.
Les Services Polyvalents d'Aide et de Soins à Domicile (SPSAD) et les Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) permettent une prise en charge médicale et paramédicale adaptée aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer et vivant à leur domicile.
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Citer cet article: Maladie d’Alzheimer : comment aider au mieux les patients ? - Medscape - 27 avr 2022.
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