
Dr Marieke Geijsels
Bruxelles, Belgique – Marieke Geijsels est médecin généraliste dans un grand cabinet de groupe (hors système forfaitaire) à Edegem, une commune néerlandophone de Belgique située en Région flamande dans la provine d’Anvers. Nos confrères du site médical Mediquality lui ont donné carte blanche. A l’occasion de la sortie du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur les solutions concrètes à apporter pour faire face au réchauffement climatique, elle aborde ce qui est possible dans le domaine de la santé pour réduire son impact sur l’environnement.
« Au début de ce mois, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié la troisième partie de son rapport sur la crise climatique. Le thème central était cette fois ce que nous pouvons faire concrètement pour éviter les pires scénarios d'apocalypse. On se serait attendu à voir ce rapport largement discuté et analysé, mais rien n'en fut. Après la crise sanitaire, la crise énergétique et la guerre en Ukraine, nous avons collectivement besoin de paix et de normalité, c'est pourquoi nous avons remis l'urgence à « plus tard ».
Je ne comprends que trop bien ce besoin, mais je crains qu'il ne s'agisse d'un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre. Selon l'OMS, le changement climatique est la plus grande menace sanitaire à laquelle l'humanité est confrontée. Et puisque nous sommes entre professionnels de la santé... S'il y a une chose que nous avons apprise ces dernières années, c'est que si nous voulons gérer correctement une crise, nous devons réfléchir suffisamment à l'avance et être proactifs.
L'impact du climat sur notre santé
Si nous examinons d'abord l'impact de la crise climatique sur notre santé, certains effets ne sont pas bien difficiles à prévoir : de nombreux décès prématurés sont d'ores et déjà liés à la pollution atmosphérique (environ neuf millions dans le monde en 2015). Ainsi, la pollution atmosphérique provoque trois fois plus de décès que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis. Si l'on regarde nos chiffres annuels de mortalité, il y a chaque été un pic pendant les vagues de chaleur ; les inondations de l'été dernier en Europe sont, quant à elles, encore présentes dans les esprits. En outre, le réchauffement climatique étendra la zone d'endémie de nombreuses autres maladies transmises par les insectes, l'eau ou les animaux. En outre, nous nous attendons à des maladies liées à la famine, aux inondations, ... Sans parler de la pression mentale et psychologique sur tous ceux qui voient cela se produire. L'OMS estime que le coût supplémentaire de tous ces problèmes de santé se situera entre deux et quatre milliards de dollars par an d'ici à 2030. Rien de très réjouissant...
Et vice versa
Paradoxalement, le secteur de la santé mondiale est également responsable d'une part importante des émissions de gaz à effet de serre – 4,4 % du total. À titre de comparaison, le transport (de marchandises et de personnes) génère environ 7,3 % de tous les gaz à effet de serre. Plus de la moitié des émissions liées aux soins de santé sont produites par les trois principaux pollueurs : les États-Unis, la Chine et l'Union européenne.
Alors, d'où viennent ces gaz à effet de serre dans nos soins de santé ? Dix-sept pour cent de ces gaz sont produits directement par nous (par exemple par les véhicules que nous utilisons), 12 % sont des gaz libérés par le chauffage ou le refroidissement des bâtiments, mais la plus grande part provient de la production, de la fourniture et du traitement des biens et services dont nous avons besoin pour fonctionner : médicaments, aliments, appareils et instruments médicaux…
Et bien sûr, si les problèmes de santé dus à la crise climatique se multiplient durant les dix prochaines années, cette empreinte ne fera qu'augmenter.
Des millions de petits pas
Comment pouvons-nous, chacun en tant que soignant, faire face à de tels chiffres ? Quel impact pouvons-nous encore avoir en tant qu'individus pour éviter cette catastrophe ? Cela semble impossible. Mais ce que nous devons garder à l'esprit est ceci : ce n'est pas du tout ou rien. Il n'est pas nécessaire de nous assurer chaque jour que toutes nos actions sont parfaitement neutres pour le climat. Parce que qui peut y parvenir, une seule personne ? Non, nous devons tous faire de petits pas ensemble. Et tous ces millions de petits pas réunis peuvent avoir un impact.
Et que pouvons-nous faire très concrètement ? Pouvons-nous appliquer la règle empirique « refuser, réduire, réutiliser, réaffecter et recycler » dans notre travail ? La mesure que nous ressentirons le moins (et qui a également un impact positif sur le budget) est de stopper la surconsommation en matière de soins de santé. Je pense aux examens techniques superflus, aux médicaments que le patient achète mais ne prend jamais…
En outre, l'impact sur le climat devrait être un critère permanent dans chacune de nos décisions. Qu'il s'agisse de demander un examen technique ou du type de savon utilisé aux toilettes : nous pouvons nous interroger encore et encore sur quelle option aura le moins d'impact. Il y a toujours un meilleur choix. Et si ce choix optimum n'a pas encore été fait, nous devons l'exiger de nos fournisseurs.
Tous les gestes que nous posons au quotidien, qu'il s'agisse de nos déplacements (et de ceux du patient), du café que nous buvons, du papier sur la table d'examen, du désinfectant, de l'impression de toutes sortes de documents pour nos patients, de l'isolation de notre bâtiment, des sources d'énergie que nous utilisons, ... Tout peut faire l’objet d’un examen attentif.
La question n’est d’ailleurs pas tellement : « que pouvons-nous faire alors ? », mais bien : « que faire en premier ? ». Je crois sincèrement qu'une fois que nous avons chaussé nos lunettes et constaté notre impact climatique, nous ne pouvons plus l’ignorer.
Et à tous ceux qui maintenant soupirent et pensent : « pourquoi devons-nous faire ça ? Nous sommes encore plongés jusqu'au cou dans la crise précédente que nous avons eu à résoudre », je répondrais : qui mieux que nous ? Nous, qui avons choisi un métier dans lequel nous rendons le monde un peu meilleur chaque jour. Nous, qui aidons là où personne d'autre ne le fait, en nous battant pour ceux qui seraient perdus si nous ne le faisions pas.
Initialement publié sur Mediquality, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: Quelles solutions face au réchauffement climatique ? Les réponses de Marieke Geijsels, médecin généraliste - Medscape - 22 avr 2022.
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