France — A quelques jours d’un second tour incertain, les médecins sont nombreux à exprimer leur intention de voter pour Emmanuel Macron ce 24 avril. Malgré des divergences, ils appellent leurs confrères à faire barrage à Marine Le Pen, estimant que le programme de la candidate d’extrême-droite serait délétère pour le système de santé.
Pour la troisième fois depuis 2002, un candidat d’extrême-droite sera présent au second tour de l’élection présidentielle. La qualification le 10 avril dernier de Marine Le Pen avec 23,1% des voix, derrière Emmanuel Macron (27,8 %), n’a pas été ressentie comme le séisme politique qu’avait constitué celle de son père Jean-Marie vingt ans auparavant.
La montée de l’extrême-droite (32% au premier tour en incluant les voix d’Éric Zemmour et de Nicolas Dupont-Aignan) inquiète toutefois les médecins qui sont nombreux, ces derniers jours, à alerter sur le danger que représenterait l’accession au pouvoir de Marine Le Pen.
Une tribune frappe dans le mille
Depuis quelques jours, les initiatives collectives et individuelles de praticiens se succèdent pour inviter leurs confrères à voter en faveur du président sortant.
Dimanche 17 avril, un millier d’acteurs de la santé dont une majorité de médecins ont lancé dans une tribune au JDD « un appel solennel en faveur du seul vote qui permet de préserver nos solidarités », celui d’Emmanuel Macron. « Profondément attachés au système de santé français et à ses valeurs, nous appelons sans détour à faire barrage à l’extrême-droite », écrivent les signataires parmi lesquels figurent le Dr Sébastien Mirek, anesthésiste-réanimateur au CHU Dijon, un des trois responsables du programme santé du chef de l’Etat, des praticiens hospitaliers (l’urgentiste Patrick Pelloux ou le Pr Rémi Salomon, président de la CME de l’AP-HP) mais aussi des responsables de syndicats de médecins libéraux, (les Drs Patrick Gasser, président d’Avenirspe et Jérôme Marty, président de l’UFMLS), le président de la Mutualité française Éric Chenut ou encore les patrons des fédérations de l’hospitalisation publique (Frédéric Valletoux, FHF) et privée (Lamine Gharbi, FHP).
Le Pen, un projet santé sans AME
« Malgré une communication plus subtile, l’extrême-droite n’a pas changé, poursuivent les auteurs. Et plus que jamais, elle porte en germe la destruction de notre État-providence, nos services publics et particulièrement notre système de santé. »
Les acteurs de santé citent plusieurs points du programme santé de Marine Le Pen délétères pour le système de soins solidaire comme la suppression de l’Aide médicale d’État (AME) qui « mettrait en danger toute la population en favorisant la propagation de maladies infectieuses en apparence non-urgentes ». La fin du recours aux praticiens à diplôme étranger hors UE aggraverait quant à elle la désertification médicale et compliquerait la situation de nombreux établissements de santé.
« Le vote qui nous attend est un choix entre deux conceptions de la République. Ne nous trompons pas de combat, sachons mettre de côté nos différences politiques pour écarter une menace existentielle pour notre démocratie », concluent les professionnels de santé signataires de cet appel.
La veille de la parution de cette tribune, le JDD en publiait une autre plus critique de quelques praticiens hospitaliers invitant le chef de l’Etat à revoir sa politique pour l’hôpital « s’il veut obtenir le vote des soignants ». Manière de signifier que l’adhésion d’une partie des blouses blanches n’est pas garantie ! « Si vous voulez les convaincre de voter pour vous, il vous faut dire clairement que le service public hospitalier est un bien commun dont les ressources doivent être sanctuarisées et qu’il est exclu de privatiser », écrivent-ils notamment.
Dans Libération, des médecins signent une autre tribune sans équivoque dans laquelle ils affirment qu’ils voteront Macron « malgré leurs désaccords », notamment sur la gestion de la crise du Covid.
Pas d’entorse au serment d’Hippocrate
Chez les médecins libéraux, les prises de position avant le second tour du 24 avril ont aussi été très nombreuses. Dès le 12 avril, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), qui fédère 12 000 maîtres de stage et enseignants, a appelé à voter contre la présidente du Rassemblement national. Il a argué que les valeurs du parti populiste étaient incompatibles avec celles du serment d’Hippocrate qui invite à soigner tous les patients sans exclusion liée à l’âge, au sexe, à la nationalité, aux origines ethniques ou à l’inclinaison sexuelle…
Joint par Medscape édition française, le président du CNGE, le Pr Olivier Saint-Lary, justifie le parti pris de la société savante : « L’enjeu de ce scrutin va bien au-delà d’une simple alternance politique. Non seulement le programme santé du RN est discriminant mais il ne tient pas non plus la route financièrement. Par ailleurs, ce parti a par le passé tenu des positions sur la chloroquine et les vaccins qui ne reposaient sur aucun fondement scientifique. »
Alors que les scrutins de 2002 et 2017 ne laissaient planer aucun doute sur le vainqueur, celui de 2022 s’annonce incertain. C’est ce que redoute le Pr Saint-Lary. « Plus les sondages sont bons pour Macron, plus je crains une démobilisation des gens qui ont peu envie de voter pour lui », explique le jeune généraliste.
Pour MG France, l’abstention n’est pas une option
Sur LinkedIn, le 16 avril, le Dr Jean-Paul Ortiz, ex-président de la CSMF, a sans ambiguïté annoncé, malgré des divergences, qu’il voterait Emmanuel Macron, « seul capable de sauver notre société fracturée, dans une Europe fragile et un contexte international explosif ».
Pointant l’inadaptation des propositions santé de Marine le Pen (variation du tarif des consultations selon le lieu d’exercice, bénéfices de la lutte contre la fraude surévalués pour financer le système de santé, « liberté vaccinale », MG France appelle tous les soignants mais aussi la population à « refuser le vote d’extrême droite ».
« Personne ne doit oublier que s'abstenir ou voter blanc revient à choisir la candidate de l'extrême droite », souligne le syndicat de médecins généralistes présidé par le Dr Jacques Battistoni. Dans un message adressé en son nom propre, le médecin de famille estime que « le risque de voir l’extrême droite s’emparer du pouvoir le 24 avril est plus réel et plus imminent qu'il ne l’a jamais été ». « Pour barrer la route à l’ennemi, il ne suffit pas de ne pas le soutenir, il faut donner plus de voix à son adversaire ! »
Une extrême droiture contre l’extrême-droite
Si l’issue du scrutin demeure indécise, les voix des médecins devraient elles se porter très majoritairement en faveur du chef de l’Etat. Selon un sondage réalisé en partenariat par Stethos et Exafield pour « Le Quotidien du Médecin »*, les praticiens plaçaient largement en tête Emmanuel Macron en cas d’opposition à Marine Le Pen. 74% des libéraux et 89% des hospitaliers annonçaient qu’ils accorderaient leur suffrage au président sortant face à la candidate du RN.
Reste que dans un récent sondage Medscape , 86% des lecteurs estimaient que les candidats à l’élection présidentielle n’accordaient pas une place suffisante à la santé dans leur programme…
*Sondage réalisé en ligne du 8 au 24 mars auprès de 537 médecins (314 libéraux ou mixtes dont 96 généralistes et 218 spécialistes et 223 hospitaliers).
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Présidentielle : les médecins appellent massivement à voter Macron - Medscape - 20 avr 2022.
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