Parkinson : à Lyon, un programme de rééducation intensive est lié à une impressionnante récupération cognitive

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

21 avril 2022

Lyon, France — Depuis fin 2014, les Hospices civils de Lyon (HCL) ont lancé SIROCCO, un programme de rééducation fonctionnelle intensif pour les patients atteints de la maladie de Parkinson. Plus de 300 patients ont déjà pu en bénéficier et les résultats sont très encourageants tant sur le plan physique que cognitif. Le Dr Teodor Danaila, neurologue à l’hôpital Pierre Wertheimer et responsable du centre expert Parkinson à Lyon, présente ce programme à Medscape.

Approches non médicamenteuses

La maladie de Parkinson est le second trouble neurodégénératif le plus fréquent après la maladie d’Alzheimer. « Elle toucherait entre 1 et 2 % des personnes de plus de 60 ans. On ne sait pas précisément combien de patients sont atteints, mais la maladie a tendance à commencer plus tôt et à toucher davantage de personnes. Les projections de l’Assurance maladie nous annoncent un doublement du nombre de personnes atteintes de Parkinson d’ici 2040 », explique le Dr Teodor Danaila.

Si des traitements existent pour améliorer la qualité de vie des malades, ils ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’arrêter ni d’enrayer l’évolution de la maladie. C’est pourquoi d’autres approches sont testées, en particulier l’activité physique. « Cela fait une dizaine d’années que l’activité physique s’impose comme un traitement chez les patients atteints de maladie de Parkinson. En Italie, aux Pays-Bas ou encore au Canada, des activités de rééducation multidisciplinaires ont été mises en place depuis 10 ans. Cela nous a incités à développer un programme dédié aux patients parkinsoniens à Lyon en 2014 », développe le Dr Danaila.

 
Cela fait une dizaine d’années que l’activité physique s’impose comme un traitement chez les patients atteints de maladie de Parkinson. Dr Teodor Danaila
 

5 à 7 heures de rééducation par jour

Concrètement, ce programme dure 5 semaines, pendant lesquelles les patients entrent à l’hôpital Henry Gabrielle le lundi et sortent le vendredi. Ils pratiquent entre 5 et 7 heures d’activités de rééducation chaque jour, par groupes de 7 ou 8 : marche, course, sauts, kinésithérapie, activités avec un coach sportif et sur des machines comme dans une salle de gym, mais aussi rééducation en piscine avec du water-polo par exemple, ou encore orthophonie, ergothérapie et taï-chi, à raison d’une heure par module. « Nous leur proposons aussi des ateliers autour de la connaissance de la maladie, les symptômes, les traitements, les aspects psychologiques, la nutrition, les troubles vésico-sphinctériens, etc. », précise le Dr Danaila. En fin de stage, une réunion de synthèse avec tous les professionnels est organisée. On y présente l’évolution du patient et on y aborde l’intégration de cette activité physique très intensive à l’activité quotidienne une fois rentré à la maison. « Nous orientons le patient vers des acteurs de villes, associations de patients ou salles de gymnastique », indique le spécialiste.

Nette amélioration clinique

Ce programme, baptisé SIROCCO, a déjà bénéficié à 300 patients. « Très vite, nous avons constaté une nette amélioration clinique alors qu’on ne modifiait pas le traitement des patients : meilleure endurance, moins de difficultés d’articulation des mots, meilleure écriture, meilleure manualité fine. En moyenne, 75 % des patients continuaient à ressentir les effets positifs du stage un an après, quel que soit leur âge. Cela nous a interpellés, car nous ne comprenions pas d’où venait cette amélioration. Nous ne trouvions pas d’explications dans la littérature », raconte le Dr Danaila. « Nous avons alors décidé de commencer une étude pour regarder le fonctionnement cérébral des patients lors de l’activité physique ».

 
Très vite, nous avons constaté une nette amélioration clinique alors qu’on ne modifiait pas le traitement des patients. Dr Teodor Danaila
 

Inversion très claire des modifications

Pour cela, les auteurs de l’étude ont utilisé l’imagerie spectroscopique en infrarouge en plaçant un casque sur le crâne des patients et en leur demandant de marcher. « Nous avons enregistré l’activité cérébrale lors d’une marche simple, mais aussi lors d’une marche avec une double tâche : marcher et faire un calcul mental en même temps », détaille le neurologue. Ce test a été réalisé 5 semaines avant le stage, juste avant l’entrée dans le stage, puis 5 semaines plus tard, à la fin du stage. « Lors du 2e enregistrement, nous n’avons pas vu de différence avec le premier. En revanche, à la fin du stage, nous avons remarqué une amélioration. La maladie de Parkinson mime le vieillissement psychologique. Au niveau du lobe frontal, on voit les mêmes anomalies que chez des personnes de plus de 50 ans. Or, nous avons observé une inversion très nette des modifications qui s’étaient installées de façon pathologique : les patients ont récupéré des performances cognitives de personnes ayant 5 ou 10 ans de moins. Cela signifie qu’il y a une plasticité cérébrale qui se met en place. L’activité physique arrive à remodeler le fonctionnement cognitif », analyse-t-il. L’étude, prévue initialement sur 30 patients, a dû être arrêtée de façon précoce à cause du Covid. « Nous l’avons publiée[1] avec 15 patients seulement, car nous avons trouvé les résultats impressionnants », précise le Dr Danaila. « L’activité physique semble être la seule ressource qu’on connaît, qui peut se faire sans effet indésirable, et qui permet de récupérer en termes de fonctionnement cérébral », résume-t-il.

 
Les patients ont récupéré des performances cognitives de personnes ayant 5 ou 10 ans de moins. Dr Teodor Danaila
 

Nouvelle étude sur 60 patients

Forte de ces premières conclusions, l’équipe des HCL souhaite désormais les confirmer avec davantage de données. Un dossier a été déposé fin mars pour demander des financements à la fondation Neurodis et à l’Agence nationale de la recherche pour la réalisation d’une seconde étude portant sur 60 patients. Divisés en deux groupes, 30 patients participeront au stage SIROCCO tandis que 30 autres suivront une rééducation simple, à domicile.

En attendant, le neurologue encourage les patients atteints de la maladie de Parkinson à pratiquer une activité physique régulière. « L’activité physique la plus intensive et la plus régulière possible doit être encouragée : au moins 40 minutes par séance, répétée 3 à 4 fois par semaine. Il faut se sentir fatigué à la fin de la séance », préconise-t-il.

 
L’activité physique la plus intensive et la plus régulière possible doit être encouragée. Dr Teodor Danaila
 

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....