Nivolumab + chimiothérapie en néoadjuvant « un saut quantique » dans le traitement du cancer du poumon NPC

Neil Osterweil

Auteurs et déclarations

19 avril 2022

Nouvelle Orléans, Etats-Unis – Une étude internationale de phase 3 montre pour la première fois le bénéfice d'un traitement néoadjuvant associant l'inhibiteur de checkpoint nivolumab (Opdivo) avec de la chimiothérapie chez des patients atteints d'un cancer bronchique non à petites cellules (CPNPC) opérable.

L'étude CheckMate-816 montre que cette combinaison thérapeutique réduit de 37% le risque de récidive de la maladie, et que la survie des patients est améliorée avec une réduction du risque de décès de 43%.

C'est en se fondant sur ces premiers résultats qu'en mars la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé le traitement néoadjuvant combinant le nivolumab (Opdivo) et la chimiothérapie à base de platine pour les patients atteints d'un CBNPC résécable. L’association thérapeutique est en cours d’évaluation par l’agence européenne du médicament (EMA).

Lors de l'édition 2022 du congrès de l'American Association for Cancer Research (AACR), qui s'est déroulé du 8 au 13 avril dernier à la Nouvelle Orléans, le Pr Nicolas Girard (pneumologue, Institut du thorax Curie Montsouris) les a présentés en séance plénière. Et l'étude a été publiée au même moment dans le The New England Journal of Medicine.[1]

Diminuer le risque de rechute, augmenter la survie

Environ un quart des patients ont un CBNPC opérable au moment du diagnostic, indiquent Nicolas Girard et ses co-auteurs dans le NEJM. De nombreux patients atteints de CBNPC non métastatique sont guéris par la chirurgie mais 30% à 55 % d'entre eux développent une récidive et en décèdent.

Le traitement néoadjuvant pourrait améliorer les chances d'une résection complète et empêcherait, ou tout du moins retarderait, la rechute après la chirurgie. La différence absolue de survie sans récidive à cinq ans et de survie globale n'est que de 6 % avec une chimiothérapie néoadjuvante, précisent les auteurs. Mais les nouveaux résultats laissent penser qu'ajouter une immunothérapie néoadjuvante à la chimiothérapie serait bénéfique bien que pour le moment les données de survie globale de cette étude soient encore trop immatures. 

Dans une analyse intermédiaire, le taux médian de survie globale était de 83 % à deux ans pour les patients traités avec la combinaison nivolumab + chimiothérapie, versus 71% pour ceux traités avec chimiothérapie uniquement. Les résultats publiés indiquent une amélioration significative de la survie sans événement et de la  réponse pathologique complète (pCR).

L'importance de l'immunothérapie néoadjuvante

Dans l'étude CheckMate-816, la survie médiane sans événement était de 31,6 mois pour les patients dans le bras « immunothérapie+chimiothérapie », versus 20,8 mois pour les patients avec chimiothérapie seule, avec un HR pour la récidive, la progression ou le décès de 0,63 (P=0,005)

La survie sans événement était améliorée chez les patients avec une réponse complète en comparaison à ceux dont la réponse n'était pas complète.

De plus, 24 % des participants du bras « immunothérapie+chimiothérapie » présentaient une réponse pathologique complète (pCR). Seuls 2,2% de ceux assignés au groupe « chimiothérapie seule » y parvenaient (P<0,001).

Lors de sa présentation, le Pr Nicolas Girard a souligné que cette étude fournissait des arguments en faveur du traitement néoadjuvant grâce à des réponses cliniques objectives. « La survie sans événement était améliorée chez les patients avec une réponse complète en comparaison à ceux dont la réponse n'était pas complète. Cela suggère que la réponse pathologique complète (pCR) peut être un critère d'évaluation pour le pronostic à long terme pour le CBNPC résecable. C'est la première fois qu'on le montre dans un essai clinique randomisé de phase III ».

Checkmate 816 en détails

Dans l'étude Checkmate 816, les investigateurs ont inclus des patients avec un CBNPC opérable (stage IB à IIIA) récemment diagnostiqué, en bonne santé et sans mutation EGFR ou ALK.

Après stratification selon le stade de la maladie, le statut PD-1 et le sexe, les investigateurs ont réparti au hasard les participants dans deux groupes. L'un recevait 360 mg de nivolumab + de la chimiothérapie à base de platine toutes les trois semaines pendant trois cycles, l'autre seulement de la chimiothérapie selon le même protocole. A la fin du traitement néoadjuvant, des examens d'imagerie permettaient d'actualiser le stade de la maladie et les patients étaient opérés dans les six semaines suivantes. Les patients pouvaient aussi recevoir de façon optionnelle une chimiothérapie adjuvante avec ou sans radiothérapie.

Sur les 179 patients de chaque bras, 176 ont reçu le traitement qui leur avait été assigné. 149 (83%) de ceux ayant reçu la combinaison nivolumab + chimiothérapie ont eu une chirurgie, tout comme 135 (75%) de ceux ayant reçu de la chimiothérapie seule. Par ailleurs, 35 patients (20%) du groupe nivolumab + chimiothérapie et 56 patients (32%) du groupe chimiothérapie seule ont reçu également un traitement adjuvant.

Les critères d'évaluation étaient la survie sans événement et la réponse pathologique complète (pCR) dans la population globale de l'étude et selon les sous-groupes, dont les patients de moins de 65 ans, les hommes et les femmes, les patients d'origine asiatique, ceux avec une maladie de stade IIIA, l'histologie, les fumeurs et ceux qui n'avaient jamais fumé et les patients avec une expression importante de PDL1.

Les taux d'effets indésirables de grade 3 ou 4 étaient similaires dans les deux groupes (33,5% avec la combinaison et 36,9 avec la chimiothérapie seule). Les taux d'effets indésirables ayant mené à une sortie prématurée de l'étude, d'effets indésirables liés au traitement et d'effets indésirables liés à la chirurgie étaient similaires dans les deux groupes. Deux décès ont été liés au traitement dans le groupe chimiothérapie seule.

L'ajout d'une molécule d'immunothérapie à la chimiothérapie en néoadujvant représente un « saut quantique dans le traitement du cancer du poumon », a commenté le Pr David Carbone qui dirige le James Thoracic Center (Ohio State University, Columbus, Etats-Unis). « Combiner l'immunothérapie et la chirurgie est un nouveau « standard of care », je pense, et cela va sûrement améliorer la survie globale pour les patients atteints d'une forme précoce de cancer du poumon, ce qui est une première dans toute ma carrière » a-t-il poursuivi.  

« L'immunothérapie néoadjuvante présente théoriquement des bénéfices supérieurs à l'immunothérapie adjuvante », a commenté le Pr Carbone. « L'étude Checkmate 816 prouve que cette théorie est correcte ».

Des points à éclaircir

Dans un éditorial du NEJM [2], la Dr Christine Lovly (Vanderbilt-Ingram Cancer Center, Vanderbilt University, Nashville, Etats-Unis) considère que les résultats de cet essai pourraient transformer la prise en charge. « Cependant, différents aspects restent à éclaircir », écrit-elle.

« Est-ce que la réponse pathologique complète est vraiment prédictive de la survie sans événement ? Peut-on utiliser la survie sans événement comme critère d'évaluation de substitution à la survie globale ? » s'interroge-t-elle. « Par ailleurs, environ 20 % des participants de l'étude ont reçu un traitement post-chirurgie. Est-ce qu'une thérapie adjuvante est nécessaire ? Quels seraient les critères de sélection des patients pour recevoir un traitement adjuvant ? »

La Dr Lovly fait remarquer aussi que les patients dont la tumeur exprimait des mutations du gène EGFR ou du gène ALK ont été exclus de l'essai. « Cela signifie que l'implémentation de traitements néoadjuvants nécessite de rechercher des biomarqueurs chez les patients avec une maladie à un stade précoce dès le diagnostic, ce qui est un changement considérable de la prise en charge habituelle du cancer du poumon », écrit-elle. 

La crainte de retarder la chirurgie

Medscape Medical News a demandé au Dr Upal Basu Roy (LUNGevity Foundation, Etats-Unis) pourquoi les traitements néoadjuvants ne sont pas plus largement prescrits aux patients atteints d'un CBNPC opérable. « Les cliniciens sont toujours inquiets, et je pense que les patients aussi, du fait qu'un traitement pré-opératoire retarde la chirurgie », explique-t-il. « Quand on pose un diagnostic de cancer du poumon, annoncer qu'on va donner un traitement pré-opératoire est source d'anxiété pour les patients dans la mesure où on leur a dit aussi que la chirurgie avait le potentiel de les guérir »

De plus, jusqu'à récemment les cliniciens ne savaient pas trop déterminer quels patients bénéficieraient le plus d'un traitement néoadjuvant quand la seule option était la chimiothérapie « mais cela va changer avec l'autorisation récente du nivolumab néoadjuvant grâce à Checkmate 816 », dit-il.

L'étude Checkmate 816 a été financée par Bristol-Myers Squibb, qui commercialise le nivolumab. Le Pr Girard et le Pr Carbone ont déclaré des liens d'intérêt avec BMS et d'autres entreprises. La Dr Lovly a rapporté différents liens. La LUNGevity Foundation a reçu des financements de recherche de la part de Bristol-Myers Squibb.

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L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “Preop Nivolumab Plus Chemo 'a Quantum Leap' in NSCLC Therapy ».  Traduit et adapté par Marine Cygler.

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