Diabète, NAFLD, surpoids : l’endoscopie métabolique pourra-t-elle supplanter la chirurgie bariatrique ?

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

20 avril 2022

Paris, France – Plutôt que la chirurgie bariatrique en cas d’obésité, il est de plus en plus question de chirurgie métabolique, et plus précisément, d’endoscopie métabolique pour la prise en charge des patients diabétiques de type 2, avec ou sans NAFLD ou surpoids. De quoi s’agit-il ? Quelle serait sa place dans l’algorithme thérapeutique ? Le Pr Geoffroy Vanbiervliet (Hôpital L’Archet 2, CHU de Nice) a dressé un bilan d’étape de ces techniques lors du congrès de la Société nationale française de gastroentérologie (JFHOD 2022, 17-20 mars 2022) [1].

Des méthodes restrictives endoscopiques déjà disponibles, comme l’endosleeve

Avec 60 000 personnes opérées chaque année en France, la chirurgie bariatrique règne en maître parmi les techniques de perte pondérale massive. Sa finalité est de limiter l’absorption glucido-lipidique chez les personnes obèses (au-delà de 40 kg/m2 ou 35 kg/m2 avec comorbidités). Les techniques les plus courantes (by-pass/sleeve gastrectomie) affichent des résultats de 75 % de perte d’excès de poids à 5 ans, et entre 35 et 50 % à 20 ans.

La rémission du diabète observée chez des patients en simple surpoids a rapidement amené l’idée que la chirurgie pouvait aussi être « métabolique », ouvrant un champ d’application considérable de 3,5 millions de personnes en France [2]. C’est ainsi que la recherche de techniques d’endoscopie métabolique est devenue foisonnante. En témoigne la multiplicité des études publiées en 2021 et en 2022, souvent d’une grande qualité méthodologique.

Des méthodes restrictives endoscopiques sont d’ores et déjà disponibles, principalement l’endosleeve, non autorisée par la Haute autorité de santé (HAS) hors recherche biomédicale. Elle peut être prise en charge par les CHU en tant que thérapeutique innovante. Quant aux méthodes malabsorptives, le by-pass endoscopique en particulier, elles restent en 2022 du domaine de la recherche pure.

NAFLD, diabète de type 2… L’endoscopie métabolique à l’étude

Les thérapies endoscopiques bariatriques sont des alternatives moins invasives que la chirurgie laparoscopique, et la gastroplastie endoscopique (endosleeve ou plicature gastrique par endoscopie) en est la forme la plus aboutie. Elle allie le concept de réduction du volume du fundus (grosse tubérosité) au ralentissement de la vidange gastrique. Plusieurs solutions existent, utilisant un endoscope muni d’un système de suture ou de mâchoires afin de réduire le volume gastrique. Un autre système sur le point d’arriver en France permet une plicature fundique au moyen d’ancrages au niveau de la calotte tubérositaire.

Endosleeve versus sleeve laparoscopique : (presque) aussi efficace

Au vu des résultats récents publiés, « l’endosleeve est presque voire aussi efficace que la sleeve gastrectomie classique », affirme le Pr Geoffroy Vanbiervliet, qui s’appuie entre autres sur une étude de non-infériorité rétrospective communiquée début 2022 [3]. Il s’agit d’une étude appariée sur le score de propension des 3018 patients ayant subi l’endosleeve ou la sleeve laparoscopique. L’âge moyen et l’indice de masse corporelle (IMC) étaient de 34 ± 10 ans et de 33 ± 3 kg/m2 respectivement.

l’endosleeve est presque voire aussi efficace que la sleeve gastrectomie classique

Le pourcentage moyen de perte de poids excessif à un, deux et trois ans après endosleeve était de 77,1 ± 24,6 %, 75,2 ± 47,9 % et 59,7 ± 57,1 %, et, après la sleeve laparoscopique, de 95,1 ± 20,5 %, 93,6 ± 31,3 % et 74,3 ± 35,2 %, respectivement.

La différence moyenne en pourcentage de perte de poids totale (IC95 %) était de 9,7 % (6,9-11,8 ; p<0,001), 6 % (-2,0 - 9,4 ; p<0,001) et 4,8 % (-1,5 - 8,7 ; p<0,001) à un, deux et trois ans. La non-infériorité a été démontrée à toutes les visites de suivi.

« La perte de poids était similaire dans les deux groupes, de 14 % pour l’endosleeve contre 19 % pour la sleeve gastrectomie après trois ans d’évolution, a commenté Geoffroy Vanbiervliet.

En termes de comorbidités, les taux de rémission du diabète de type 2, de la dyslipidémie et de l’hypertension artérielle étaient comparables entre les deux groupes, respectivement de 64 % contre 82 %, de 66 % contre 64 % et de 51 % contre 46 %. Concernant les évènements indésirables, les deux techniques se valent (0,3 % contre 0,2 % pour les saignement gastro intestinaux, fistules gastriques 0,1 %) ».

2,7 % des patients opérés par endoscopie ont subi une reprise par laparoscopie pour perte de poids insuffisante ou reprise de poids, et 0,9 % ont bénéficié d’une nouvelle session de suture après la sleeve endoscopique initiale. « L’endosleeve induit une perte de poids non inférieure à la chirurgie bariatrique classique, avec une résolution des comorbidités et des profils de sécurité similaires », a conclu le spécialiste.

Une forte probabilité de rémission des comorbidités

Concernant la comorbidité stéatohépatite non alcoolique (non alcoholic fatty liver disease ou NAFLD), les preuves s’accumulent. Dans une étude publiée en 2021, sur 118 malades obèses (IMC moyen 40 ± 7 kg/m2) suivis pendant deux ans, les résultats suggèrent une amélioration significative et durable de la stéatose hépatique et de la fibrose après endosleeve [4]. Fait important, l’amélioration (précoce et indépendante du poids) de la résistance à l’insuline, a duré au moins deux ans après la procédure.

Dans le détail, à deux ans, la perte moyenne de poids corporel total était de 15,5 % (IC 95 %, 13,3 % - 17,8 %). L’HOMA-IR (indice d’insulino-résistance) des patients s’est amélioré rapidement et de manière continue jusqu’à deux ans, passant de 6,7 ± 11 à 3,0 ± 1,6. Le score de l’indice de stéatose hépatique a diminué de quatre points par an et le score de fibrose NAFLD s’est amélioré, perdant 0,3 point par an. 20 % des patients ont réduit leur degré de fibrose hépatique de F3-F4 ou indéterminé à F0-F2, alors qu’un seul patient (1 %) a connu une augmentation du risque estimé de fibrose.

Pour le Pr Vanbiervliet, « l’évaluation avant et après l’endosleeve est plutôt intéressante : les malades avec une fibrose peu importante (F1-F2) devenant majoritaires (43 %) et, à l’inverse, ceux dont la fibrose était sévère (F3-F4), minoritaires en termes d’incidence (11%). »

Trois études randomisées sont en cours sur cette thématique : une étude espagnole qui se terminera en 2023 et qui compare l’endosleeve à la sleeve laparoscopique [5], et deux autres essais mettant en concurrence l’endosleeve et les règles hygiéno-diététiques [6,7].

A propos des effets indésirables, de manière générale « le taux de complications sévères de l’endosleeve est de 2 % en moyenne (hématome de paroi, fistules très rares, hémorragies digestives), estime Geoffroy Vanbiervliet. Dans 50 % des cas, on observe des nausées et des épigastralgies dans les jours qui suivent l’intervention mais qui répondent bien au traitement symptomatique. »

Des procédures malabsorptives endoscopiques prometteuses

Pour leur part, la finalité des procédures malabsorptives endoscopiques, attendues dans un futur assez proche, est de rétablir l’effet incrétine (augmentation de l’insulinémie secondaire à l’administration orale d’une dose de glucose), à la fois pour une action pondérale mais également entéro-hormonale (diabète…).

L’idée est d’agir au niveau de l’absorption duodéno-jéjunale proximale au moyen d’une technique de resurfaçage de la muqueuse duodénale (endoscopic mucosal resurfacig ou EMR), une technique ambulatoire qui consiste en une ablation hydrothermique de la muqueuse duodénale, procédure réalisée lors d’une gastroscopie. Concrètement, le cathéter infiltre la sous-muqueuse duodénale par du sérum physiologique de manière circonférentielle grâce à un ballonnet. Puis le ballon gonflé d’eau est chauffé, provoquant une brulure de la muqueuse sur une longueur de 10 cm à partir du D2 jusqu’au D4.

Plusieurs études randomisées concluantes ont été conduites, dont un essai multicentrique international REVITA-2 (Europe-Brésil), contrôlé randomisé de supériorité en double aveugle, lequel a évalué l’impact de l’EMR sur le contrôle glycémique et la densité graisseuse hépatique. Les patients diabétiques n’étaient pas à l’équilibre glycémique sous antidiabétiques oraux et pas obligatoirement obèses (glycémie >59-86 mmol/mol ; IMC au moins égal à 24 kg/m2 et inférieur ou égal à 40 ; insulinémie à jeun > 48,6 pmol/l ; un ou plus antidiabétique oral).

L’ablation hydrothermique (3 cm après la papille jusqu’à l’angle de Treitz) en une seule session de traitement (56 patients diabétiques de type 2) a été comparée à une fausse procédure (sham) (session de 30 minutes, 52 patients). La différence à 24 semaines de l’HbA1c et à 12 semaines de la fraction de la graisse en densité de proton (FGDP) était significative dans le groupe EMR par rapport au groupe Sham (du moins dans la population européenne, sans que l’on en connaisse les raisons).

La proportion de douleurs abdominales (un tiers des cas) ne différait pas entre les deux groupes. Selon les auteurs, « le resurfaçage de la muqueuse duodénale est sûr et exerce des effets métaboliques bénéfiques dans le diabète de type 2 avec ou sans maladie hépatique stéatosique, en particulier chez les patients présentant une glycémie à jeun élevée ».

Une autre solution de procédure malabsorptive endoscopique serait de créer un by-pass (ou équivalent) endoscopique, qui associerait aux résultats de la chirurgie l’innocuité de l’endoscopie. L’intérêt serait double, combinant la malabsorption des nutriments et le rétablissement de l’effet incrétine.

Le « E-bypass », expérimenté et développé actuellement en France par l’équipe marseillaise du Pr Marc Barthet sur un modèle animal (le porc) consiste à implanter une fibre optique dans l’intestin grêle distal afin de marquer un repère visible dans la cavité péritonéale, puis de traverser la paroi gastrique avec un endoscope afin de récupérer l’anse jéjunale ainsi repérée, de placer une prothèse d’apposition luminale entre l’estomac et le grêle et de réaliser ainsi une anastomose gastro-jéjunale [9].

Une seconde prothèse d’apposition est ensuite placée afin d’occlure le pylore ; les aliments passant ainsi directement de l’estomac à l’intestin grêle, shuntant le duodénum, lieu d’absorption des nutriments. Selon les auteurs, la technique est actuellement mise au défi par des limites techniques et cliniques encore importantes.

Le futur proche : une place dans l’algorithme médico-chirurgical ?

l’endoscopie métabolique se pose aujourd’hui comme une nouvelle option thérapeutique sérieuse

Alors qu’un malade sur six reprend plus de 10 % de son poids total corporel après chirurgie bariatrique [10], que la réduction de l’IMC post-chirurgie oscille entre 20 et 40 % chez l’adolescent après un suivi d’un à neuf ans [11], « l’endoscopie métabolique se pose aujourd’hui comme une nouvelle option thérapeutique sérieuse, estime Geoffroy Vanbiervliet. Les solutions sont séduisantes, possédant bien des avantages comme la répétabilité de la procédure, la préservation d’organe et une innocuité remarquable. Aujourd’hui, les gastro-entérologues sont sollicités en cas d’échec de la chirurgie bariatrique. Mais peut-être faudrait-il inverser l’algorithme médico-chirurgical, s’interroge-t-il, et opter pour les solutions endoscopiques endosleeve/resurfacing voire l’association des deux, en première ligne, avant même de recourir à la chirurgie ? Certes, la perte de poids est peut-être moins brutale et l’effet « satiétogène » moins intense comparativement à la chirurgie, mais la cible des patients n’est pas la même ».

la perte de poids est peut-être moins brutale et l’effet « satiétogène » moins intense comparativement à la chirurgie,

Quoi qu’il en soit, à ce stade, le problème de la prise en charge financière des interventions d’endosleeve reste entier. En 2022, les méta-analyses, les études physiopathologiques prospectives européennes, nord-américaines avec plusieurs milliers de malades permettraient a priori une diffusion de la technique endoscopique. Mais, « la demande de données franco-françaises par la HAS, le coût (3000 à 5000 euros) d’une technique destinée à une population cible considérable, et probablement l’absence d’une vision préventive à 10 ou 20 ans prenant en compte les dépenses de santé associées aux comorbidités métaboliques, sont des freins puissants », ajoute le spécialiste.

la demande de données franco-françaises par la HAS, le coût (3000 à 5000 euros) d’une technique destinée à une population cible considérable, et probablement l’absence d’une vision préventive à 10 ou 20 ans prenant en compte les dépenses de santé associées aux comorbidités métaboliques, sont des freins puissants

Liens d’intérêt Geoffroy Vanbiervliet: Boston Scientific Corporation, Cook Medical, FujiFilm Inc., Gilead, MSD France, M.I.Tech, Ferring, Olympus Europe, Norgine, Mayoly Spindler, Pentax Inc.

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org |Medscape Cardiologie sur Twitter.

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....