Paris, France – Environ 10 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 présentent des symptômes qui durent dans le temps. Comment évolue le Covid long avec le temps ? Quels sont les symptômes qui disparaissent ou s'amenuisent ? Y en a-t-il au contraire qui apparaissent ? En analysant les données de 968 patients de la cohorte ComPaRe Covid long , des chercheurs français de l'université Paris Cité / Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) viennent de décrire en détail la dynamique des symptômes du Covid long dans Nature communications [1]. C'est la première étude observationnelle prospective sur le sujet. On y apprend que 12 mois après le début des symptômes, 84,9% des patients qui ont eu des symptômes persistants rapportent encore des symptômes de Covid long. Les auteurs décrivent aussi que la maladie évolue au cours du temps avec, par exemple, l'apparition de nouveaux symptômes. La description des trajectoires individuelles, l'identification de profils de patients associés à tels ou tels symptômes ou encore l'observation de changements des trajectoires grâce à des prises en charge spécifiques (kiné, nutrition, réadaptation...) du Covid long ne sont en revanche pas documentés ici.
Une cohorte de patients avec un Covid long
ComPaRe Covid long est une cohorte du grand projet de recherche publique ComPaRe qui a débuté en 2017 et dont l'objectif est de mieux comprendre les maladies chroniques. Les participants répondent à des questionnaires en ligne sur leur santé, leurs maladies et leurs symptômes.
En plus d'une cohorte générale, il existe quatorze autres cohortes dédiées à différentes pathologies : diabète, maladie de Verneuil, vitiligo, lombalgie chronique, maladies rénales, vascularites, à l’hypertension artérielle, endométriose, neurofibromatoses et syndrome de Marfan.
La cohorte ComPaRe Covid long, elle, a commencé en 2020 et le recrutement est toujours en cours, rappellent les auteurs. Parmi les 1859 patients de cette cohorte au 15 octobre 2021, les données de 968 patients ont été analysées. Ces patients avaient une PCR confirmant l'infection par le SARS-Cov2 ou une sérologie, des symptômes persistants depuis au moins deux mois et leur date d'inclusion dans la cohorte permettait un suivi d'au moins deux mois. Ils avaient été ou non hospitalisés pendant l'infection aiguë.
« Les patients étaient interrogés tous les deux mois sur la présence au cours de la période passée de 53 symptômes de la maladie. Ce n'est pas si long comme délai dans la mesure où ce n'est pas une maladie qui évolue vite » explique le Dr Viet-Thi Tran (épidémiologiste, Centre d’épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu AP-HP , Paris), co-investigateur du projet ComPaRe, à Medscape édition française.
Des symptômes qui diminuent, d'autres qui apparaissent
La rémission, c'est-à-dire la disparition totale des symptômes, a été observée chez 150 patients. Mais parmi ces derniers, 50 ont décrit ensuite une rechute d'au moins un symptôme.
A douze mois, les chercheurs en concluent que la probabilité de persistance d'un ou de plusieurs symptômes est de 84,9% (IC95% [79.8–90.4]) « Ce résultat est cohérent avec les observations d'une étude allemande (2) dans laquelle 20 % des patients ne présentaient plus aucun des 14 symptômes étudiés à 12 mois » écrivent-ils.
Les manifestations cliniques ne présentaient pas la même prévalence au cours du temps, ont constaté les chercheurs. Ainsi la prévalence de 27 des 53 symptômes (51%) a diminué. Cela signifie que le nombre de personnes rapportant ce problème a progressivement baissé au cours du temps. Cela concernait des symptômes comme la perte d'appétit, la perte ou la modification du goût ou encore la toux. La prévalence de ce dernier symptôme passait, par exemple de 40% des patients avec un Covid long, 2 mois après le début de la maladie, à environ 20% des patients, douze mois après le début de la maladie.
Pour 18/53 des symptômes étudiés, la prévalence ne changeait pas au cours du temps. Ainsi, la prévalence de la fatigue restait stable au cours du temps, tout comme celle des dyspnées et de la difficulté à trouver ses mots, qui continuaient à affecter respectivement 44,5% et 48% de la population douze mois après le début de la maladie.
Certains symptômes avaient tendance à revenir en « crises » mais les chercheurs ont remarqué que ces rechutes s'espaçaient progressivement au cours du temps.
Enfin pour huit symptômes, la prévalence augmentait au cours du temps. Autrement dit, l’apparition de nouvelles manifestations de la maladie. Parmi ces symptômes, on notait, par exemple, la perte de cheveux, les maux de tête ou de dos et les paresthésies.
Pas de réponse sur les mécanismes en cause
« Le Covid long est une entité très hétérogène. Différentes causes peuvent mener à un même symptôme » rappelle Dr Viet-Thi Tran. « Si vous avez des séquelles pulmonaires, vous avez toutes les raisons d'être fatigué, si vous avez des manifestations psychosomatiques, vous avez toutes les raisons d'être fatigué et si vous avez un mécanisme immunitaire avec une activation des lymphocytes B, vous avez toutes les raisons d'être fatigué » explique-t-il. « Nous n'avons pas cherché à savoir quels étaient les mécanismes. Pour la fatigue, nous avons décrit des gens fatigués. C'est tout ».
Quant aux symptômes qui arrivent tardivement comme les paresthésies ou le mal de dos, ils n'ont tout simplement pas d'explication aujourd'hui, indique-t-il.
Voir le tableau récapitulatif sur la page suivante
| Symptôme |
Prévalence à J60 |
Prévalence à J360 |
Différence |
|---|---|---|---|
| Perte d'appétit |
30,6 |
6,9 |
-23,7 |
| Changement/perte de goût |
46,9 |
24,1
|
-22,8 |
| Toux |
44.6 |
21, 8 |
-22,8 |
| Mal de tête |
82.8 |
63,7 |
-19,1 |
| Fièvre |
41 |
22,9 |
-18,1 |
| Changement/perte d'odorat |
46,9 |
29 |
-17,9 |
| Diarrhée |
38,7 |
22,9 |
-15,8 |
| Changement d'humeur |
61,1 |
46,2 |
-14,9 |
| Dysphagie |
33,1 |
18,3 |
-14,8 |
| Peau sèche, qui pèle |
35,3 |
21,3 |
-14 |
| Crampe musculaire |
54,6 |
42,2 |
-12,4 |
| Fatigue |
93 |
81 |
-12 |
| Vertiges, malaises |
55,2 |
43,3 |
-11,9 |
| Brouillard mental, difficulté de concentration |
71,8 |
60,2 |
-11,6 |
| Trouble de l'équilibre |
33,8 |
22,7 |
-11,1 |
| Nausée, vomissement |
27,6 |
16,7 |
-10,9 |
| Sommeil plus important |
32,5 |
21,7 |
-10,8 |
| Tachycardie, palpitations, arrythmies |
43,8 |
33 |
-10,8 |
| Sentiment d'oppression sur la poitrine |
44,1 |
33,7 |
-10,4 |
| Tremblement |
23,1 |
13,6 |
-9,5 |
| Trouble du sommeil |
70,1 |
60,8 |
-9,3 |
| Hypertrophie des ganglions lymphatiques |
14,8 |
6,2 |
-8,6 |
| Rash cutané |
28 |
20,1 |
-7,9 |
| Douleur abdominale |
41,9 |
34,4 |
-7,5 |
| Douleur aigue dans la poitrine |
32,1 |
24,8 |
-7,3 |
| Trouble de mémoire |
55,7 |
50,2 |
-5,5 |
| Courbatures |
43,6 |
38,3 |
-5,3 |
| Douleur costale |
29,9 |
25,8 |
-4,1 |
| Perte de poids |
12 |
7,9 |
-4,1 |
| Hyper ou hypotension |
15,3 |
11,5 |
-3,8 |
| Acouphènes |
38,9 |
36,1 |
-2,8 |
| Transpiration |
20,5 |
18,3 |
-2,2 |
| Bouffées de chaleur |
22,3 |
20,7 |
-1,6 |
| Nez congestionné |
33,9 |
34,1 |
0,2 |
| Dyspnée |
44,2 |
44,5 |
0,3 |
| Oreille bouchée |
11,1 |
11,5 |
0,4 |
| Difficulté à trouver ses mots |
47,5 |
48,3 |
0,8 |
| Problèmes gynécologiques |
5,2 |
6,3 |
1,1 |
| Photo ou phonophobie |
10,8 |
12,7 |
1,9 |
| Problèmes circulatoires |
6,1 |
8,3 |
2,2 |
| Hématomes |
5,7 |
8,3 |
2,6 |
| Intolérance au froid ou à la chaleur |
9,2 |
11,8 |
2,6 |
| Hypoesthésie |
3,2 |
5,9 |
2,7 |
| Sécheresse oculaire |
23,9 |
28,4 |
4,5 |
| Symptômes urinaires |
8,5 |
13,4 |
4,9 |
| Décoloration/transpiration des mains ou des pieds |
6,2 |
11,3 |
5,1 |
| Jambes lourdes |
14,3 |
19,8 |
5,5 |
| Vision trouble |
26,2 |
32 |
5,8 |
| Perte de cheveux |
8,2 |
15,1 |
6,9 |
| Douleur osseuse ou articulaire |
32,2 |
41,4 |
9,2 |
| Douleur dans les oreilles |
5,2 |
16,9 |
11,7 |
| Paresthésies |
21,1 |
33,7 |
12,6 |
| Douleurs dans le cou, le dos et le bas du dos |
23,4 |
38,5 |
15,1 |
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: COVID long : 1ère étude observationnelle à décrire l’évolution des symptômes sur 1 an - Medscape - 14 avr 2022.
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