La télémédecine s’impose progressivement à l’hôpital, zoom sur trois projets

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

13 avril 2022

France—La téléconsultation n’est pas l’apanage des seuls médecins de ville. La télémédecine se développe aussi à l’hôpital. Illustration avec trois expérimentations de consultation spécialisée à distance : l’une préopératoire en anesthésie au Centre hospitalier d’Angoulême, une autre post-urgences à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Lille, la dernière aux urgences pédiatriques de deux hôpitaux des Yvelines.

L’épidémie de Covid-19 a indéniablement accéléré le déploiement de la télémédecine* en France. Et tout d’abord de la téléconsultation. Si le phénomène est particulièrement marqué en médecine de ville (voir les chiffres en encadré), l’évolution est aussi perceptible à l’hôpital. Depuis la crise sanitaire, de plus en plus de praticiens exerçant en établissement réalisent des consultations à distance.

*La télémédecine englobe la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance et le télésoin.

« La téléconsultation est très utilisée par les pédiatres, les gériatres, les anesthésistes et les chirurgiens », observe la Pre Nathalie Salles, gériatre au CHU de Bordeaux et ancienne présidente de la Société française de santé digitale (SFSD).

Elle a été employée par défaut pendant l’épidémie de Covid-19 mais pour nous médecins, elle sert d’abord à améliorer le suivi du patient. »

Le Dr Salles cite l’exemple d’une meilleure prise en charge d’un malade opéré du genou grâce à la télémédecine. « Avant, le chirurgien donnait rendez-vous par exemple 6 semaines après l’opération, désormais, il est possible pour le chirurgien d’organiser une téléconsultation avec le patient chez le kiné une semaine après l’opération et d’alterner le suivi médical entre le présentiel et le distanciel ».

Les expérimentations de téléconsultations commencent à fleurir à l’hôpital. Medscape édition française vous en présente trois exemples.

1- En Charente, moins de déplacements grâce aux téléconsultations préopératoires en anesthésie

Depuis septembre dernier, le centre hospitalier d’Angoulême expérimente des consultations préopératoires à distance en anesthésie. L’établissement charentais a mis en place des téléconsultations avec l’hôpital de Ruffec, distant de 45 kilomètres, afin d’éviter le déplacement systématique de patients. 

« La consultation d’anesthésie est un interrogatoire avec des questions standardisées qui ne nécessite pas d’examen clinique », explique le Dr Yann Coeytaux, chef du service d’anesthésie au CH d’Angoulême. Si le patient a donné son accord, la téléconsultation est programmée au moins deux semaines avant l’opération pour permettre de demander d’éventuels examens complémentaires ou de revoir le patient en physique si besoin (pour l’heure aucune consultation à distance a dû être suivie d’une autre en présentiel).

 
La consultation d’anesthésie est un interrogatoire avec des questions standardisées qui ne nécessite pas d’examen clinique. Dr Yann Coeytaux
 

Lors de la téléconsultation, une infirmière du CH de Ruffec spécialement formée assiste les patients et peut utiliser les appareils connectés à sa disposition (stéthoscope, ECG, oxymètre, tensiomètre…)

Le patient ne se rend à Angoulême que pour l’opération. « Ce projet permet de répondre à une vraie demande car la population de notre bassin de vie est vieillissante », commente Estelle Cossec, directrice de la stratégie territoriale du GHT, qui a pris une part active au projet.

Environ 10 patients par mois sont vus dans le cadre d’une téléconsultation. « On développe quelque chose de stimulant, et cela valorise le travail de l’équipe médicale et administrative, commente le Dr Coeytaux. A ce jour, nous avons vus 50 patients en téléconsultation sans le moindre problème et les patients comme l’équipe médicale ou l’infirmière sur place sont satisfaits. »

Au terme de l’année d’expérimentation, l’initiative, si elle s’avère concluante, pourrait être étendue dans un autre CH du département à Barbezieux, dans des EHPAD ou en prison.

2- Télescope, le suivi précoce des patients pour désengorger les urgences d’un hôpital lillois

Devant faire face, comme au niveau national, à un nombre croissant de passages aux urgences -il a doublé dans l’établissement entre 2004 et 2016 avec plus de 40 000 entrées par an- l’hôpital Saint-Vincent de Paul, à Lille, a pris le taureau par les cornes. A la suite du rapport de la Cour des comptes de 2019, qui pointait que 20 à 30% des recours aux urgences étaient non pertinents et invitait à développer des alternatives aux urgences hospitalières, l’établissement privé à but non lucratif a décidé d’expérimenter le projet Télescope avec le soutien de Medaviz. Le principe ? « Le patient valide, dont l’état de santé ne nécessite pas d’hospitalisation (CCMU2 et 3), et pour lequel le diagnostic est imprécis (douleur abdominale, par exemple), est renvoyé chez lui avec une réévaluation de son état 24 heures plus tard lors d’une téléconsultation », explique le Dr Enrique Cordova, médecin urgentiste à l’hôpital Saint-Vincent de Paul et responsable du projet Télescope. Si l’évolution est favorable, le patient est pris en charge par son médecin traitant. Si nécessaire, le patient peut bénéficier d’examen complémentaire ou d’imageries voire être hospitalisé.

« Ce dispositif est inédit, il n’existait nulle part auparavant », explique le Dr Cordova. Selon les résultats d’une « évaluation des effets matériels et méthodes » menée pendant 4 mois pour sa thèse par le Dr Emmanuelle Chavda, urgentiste à l’hôpital Saint-Vincent de Paul, Télescope a permis de réduire le niveau d’encombrement des urgences et les hospitalisations inadéquates dans l’établissement lillois. Sur 162 patients ayant bénéficié d’une téléconsultation pendant cette période, seuls 10 ont dû être hospitalisés, soit un taux de 6,2% d’hospitalisation contre 25,5% pour l’ensemble des patients se rendant aux urgences. Même si la durée de passage a pu être allongée, « 92% des patients se disent satisfaits et 87% sont prêts à téléconsulter de nouveau », observe le Dr Chavda.

 
92% des patients se disent satisfaits et 87% sont prêts à téléconsulter de nouveau. Dr Emmanuelle Chavda
 

3- Dans les Yvelines, des médecins libéraux aident à soulager les urgences pédiatriques

Depuis le 4 janvier dernier, les hôpitaux de Mantes-la-Jolie et de Poissy-Saint-Germain (Yvelines) bénéficient du soutien d’une trentaine de praticiens libéraux du département pour prendre en charge les urgences pédiatriques grâce à une solution de téléconsultation assistée par Medaviz et mise en place en partenariat avec l’Association Plateforme Territoriale d’Appui des Yvelines (APTA 78).

Ce dispositif financé par l’ARS d’Ile-de-France, permet aux deux établissements d’avoir l’assistance d’un médecin libéral de garde du lundi au vendredi de 20h à minuit, et le week-end de midi à minuit. « Nous avons ainsi mis en place un protocole dédié pour accueillir et orienter de façon adaptée les jeunes patients », explique Stéphanie Hervier, directrice générale de Medaviz.

Le jeune patient est accueilli aux urgences pédiatriques par un infirmier. En fonction de l’évaluation de son état, il est dirigé vers une consultation physique au sein des urgences pédiatriques ou vers l’espace dédié aux téléconsultations. Dans ce dernier cas, un auxiliaire de puériculture joue le rôle de téléassistant. Il accueille le patient, contacte la ligne de santé dédiée et accompagne la mise en relation avec le médecin de garde volontaire dans les Yvelines, précise Medaviz. Le médecin réalise alors une consultation vidéo et peut demander au téléassistant présent aux côtés du patient d’effectuer la prise de constantes via des objets connectés. Il clôture la consultation en planifiant la suite du parcours patient et transmet les éventuels documents relatifs à la consultation (compte-rendu, ordonnance, etc).

 
Ce dispositif va nous permettre d’aider les services d’urgence pédiatriques face à l’augmentation de la sollicitation des urgences surtout en période hivernale. Dr Frédéric Prudhomme
 

Expérimentée pendant 3 mois, cette organisation pourrait être à nouveau employée en période épidémique ou pendant des vacances. « La mise en place de ce dispositif va nous permettre d’aider les services d’urgence pédiatriques face à l’augmentation de la sollicitation des urgences surtout en période hivernale », explique le Dr Frédéric Prudhomme, président de l’APTA 78.

12 millions de téléconsultations réalisées en ville en 2021, 2,3 millions par des spécialistes
Longtemps expérimentale, et après une dizaine d‘années de balbutiements, la télémédecine a réellement décollé avec l’épidémie de coronavirus. Plus de 19 millions de téléconsultations ont ainsi été enregistrées en médecine de ville en 2020, avec un pic de 4,3 millions en avril pendant le premier confinement. 80 % de ces actes à distance réalisés en 2020 l’ont été par des généralistes. Pour autant, ce sont tout de même 3,9 millions de TC qui ont été cotées par des spécialistes libéraux au plus fort de la crise.
L’an dernier, le nombre total de téléconsultations de l’ensemble des médecins de ville est retombé à 12 millions, selon les statistiques communiquées à Medscape édition française par l’Assurance-maladie. Mais, la pratique de la consultation à distance demeure importante. Plus de 2,3 millions d’actes ont été l’œuvre de spécialistes libéraux dont près de la moitié réalisée par les psychiatres, devant les pédiatres (237 000) et les gynécologues-obstétriciens (200 000).

Nombre de téléconsultations des médecins libéraux en 2021

SPECIALITE

Nb d'actes

MEDECINE GENERALE hors MEP

9 236 119

MEP

440 200

ANESTHESIE-REA MED

53 820

PATHOLOGIE CARDIO-VASCULAIRE

27 747

CHIRURGIE

49 972

DERMATOLOGIE

99 234

RADIOLOGIE

7 299

GYNECO-MED-OBST

200 768

GASTRO-ENTEROLOGIE

33 979

MEDECINE INTERNE

12 005

ORL

17 916

PEDIATRIE

237 626

PNEUMOLOGIE

25 469

RHUMATOLOGIE

28 253

OPHTALMOLOGIE

16 211

STOMATOLOGIE

344

SAGE-FEMME

70 594

MEDECINE PHYSIQUE ET DE READAPTATION

2 924

NEUROLOGIE

35 920

PSYCHIATRIE

1 288 111

GERIATRIE

2 766

NEPHROLOGIE

5 231

ANATOMO-CYTO-PATHOLOGIE

23

BIOLOGIE

655

ENDOCRINOLOGIE

111 399

HEMATOLOGIE

1 363

MEDECINE NUCLEAIRE

0

ONCOLOGIE MEDICALE

27 827

RADIOTHERAPIE - ONCOLOGIE RAD

8 035

GENETIQUE MEDICALE

83

AUTRES

34 849

Total omnipraticiens

9 676 319

Total spécialistes

2 329 829

Total médecins + Sage-Femmes

12 076 742

Source : DCIR, FINPS
Champ : patients tous régimes

 

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