France — Les relations diplomatiques se sont singulièrement tendues ces dernières semaines entre l’Italie et la Russie. Après l’invasion de l’Ukraine, Rome a suspendu sa collaboration avec la Russie sur les recherches autour du vaccin anti-Covid Sputnik-V. Soupçonnant la Russie de l’avoir espionnée lors d’une opération humanitaire en mars 2020 au début de l’épidémie de coronavirus, l’Italie demande aujourd’hui des comptes à son ex-premier ministre Giuseppe Conte, du mouvement 5 étoiles*, à qui est reprochée sa proximité avec Vladimir Poutine.
*Le parti découle d’un mouvement social anti-élite et anti-corruption agrégé depuis 2005 autour d’un célèbre humoriste italien, Beppe Grillo.
Coup de froid sur les relations italo-russes
Rien ne va plus entre l’Italie et la Russie. Les relations se sont particulièrement refroidies ces dernières semaines entre les deux pays depuis l’offensive de l’armée russe en Ukraine le 24 février. Dernier épisode en date : l'Italie a décidé d'expulser 30 diplomates russes pour des raisons de « sécurité nationale », mardi 5 avril. Dépendante de la Russie pour son approvisionnement énergétique, l'Italie avait toujours veillé ces dernières années à conserver de bons rapports avec la Russie. Elle a cependant opté, comme le reste des pays de l'Union européenne, pour la fermeté face à l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine, en votant en faveur des sanctions économiques contre l’état russe.
Au point d’agacer le Kremlin. Alexeï Paramonov, directeur du département européen du ministère russe des Affaires étrangères, a récemment accusé Rome, dans une interview à l'agence publique russe RIA-Novosti, de succomber à une « hystérie antirusse » et d'oublier « en une seconde » des siècles de relations et d'accords bilatéraux. Il a ajouté espérer qu'une éventuelle « guerre économique et financière totale » contre la Russie entraînerait « une série de conséquences irréversibles ». Ces menaces ont eu peu d’effets sur Rome qui assure qu’elle « continuera d'exercer une pression maximale » sur la Russie avec ses alliés européens pour arrêter l'intervention militaire menée contre l'Ukraine.
« La science au service de la paix »
Ces tensions ont eu pour conséquence de mettre un terme au partenariat italo-russe sur des projets de recherche sur le vaccin anti-Covid Spoutnik-V en Italie. Le Latium, la région de Rome, a en effet suspendu fin février sa collaboration avec la Russie. « Nous suspendons cette coopération concernant Sputnik parce que la science doit être au service de la paix et non de la guerre », a déclaré le responsable de la Santé du Latium, Alessio d'Amato. L’institut Spallanzani a ainsi mis un terme à une batterie de tests qui devait être conduite sur environ 600 volontaires qui après une première dose de vaccin anti-Covid d'Astrazeneca avaient reçu comme seconde injection une dose de Sputnik-V.
Moscou exprime d’autant plus sa colère qu’il rappelle avoir apporté une assistance à l'Italie aux débuts de la pandémie de Covid-19 en mars 2020 en envoyant du matériel médical et une centaine d’hommes dans les provinces de Bergame et de Brescia, parmi les plus touchées par la pandémie. La Russie crie donc à l’ingratitude. De son côté, l’Italie s’interroge ces derniers jours sur les réelles motivations de cette mission russe baptisée « From Russia with love » dont l’aide aurait finalement été peu importante, consistant en l’envoi de quelques centaines de milliers de masques et de 150 ventilateurs pulmonaires qui se seraient révélés dangereux et peu fonctionnels, selon une information de nos confrères d’Univadis Italie.
Conte rend des comptes
D’aucuns affirment aujourd’hui que les équipes militaires et médicales russes pourraient avoir été envoyées en Italie avant tout dans la perspective d’espionnage sans que les motifs précis soient clairement déterminés. Selon le Pr Igor Pellicciari, professeur d’histoire des relations internationales à l’université de la Luiss (Rome) cité par Marianne, « si les Russes ont fait du renseignement durant cette mission, il est probable que c’était pour étudier les aspects de la pandémie dans l’une des zones les plus touchées après la Chine en observant de près, une éventuelle variation de la séquence virale pour comprendre à l’avance, ses éventuelles mutations. »
Les soupçons sont suffisamment forts pour que l'ancien Premier ministre italien Giuseppe Conte, en fonction au moment des faits, ait été convoqué pour témoigner devant la commission du renseignement du Parlement italien (Copasir) à Rome, le jeudi 24 mars 2022. L’ex-chef du gouvernement avait accepté l’aide de Vladimir Poutine sans demander l’avis du gouvernement.
Rien n’a filtré de l’audition à huis-clos par cette Commission parlementaire du dirigeant du mouvement populiste 5 étoiles, jugé proche du Kremlin.
Récemment interrogé sur le sujet, Giuseppe Conte a tenté de dissiper les incertitudes autour de l’intervention russe. « J'ai demandé à être entendu par le Copasir pour rapporter toutes les informations en ma possession. Aucun élément n'est ressorti qui laisserait penser que la mission russe a franchi les limites d’une intervention sanitaire », a déclaré l’ancien Premier ministre italien dans un entretien à La Repubblica, le 4 avril.
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Citer cet article: L’Italie suspend sa collaboration avec la Russie sur le vaccin Sputnik-V sur fond de soupçons d’espionnage - Medscape - 12 avr 2022.
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