Paris, France – L'antibiorésistance et le bon usage des antibiotiques restent des thématiques d'actualité (la France restant un très mauvais élève par rapport à ses voisins européens). Elles ont fait l’objet d'une session co-organisée avec Santé Publique France lors du 15ème Congrès de médecine générale France (CMGF), du 24 au 26 mars derniers. L'objectif de cette plénière était non seulement de sensibiliser les médecins à l’antibiorésistance en médecine de ville mais aussi de promouvoir les outils d’aide à la prescription, lesquels ont été détaillés par la Dr Pauline Jeanmougin, médecin généraliste à Nantes et co-conceptrice et coordinatrice d'Antibioclic.
Antibioclic, une référence en évolution
Financé par le Collège de Médecine Générale (CMG), le Collège National des généralistes enseignants (CNGE), et la Société d'Infectiologie française (SPILF), le site Antibioclic est totalement indépendant de l'industrie pharmaceutique. Il est le premier outil d'aide à la prescription des médecins de ville. En janvier 2022, la DREES a édité une publication sur l'antibiorésistance et la perception de l'antibiorésistance par les médecins généralistes [2]. il en ressort que plus de 60 % des 1500 médecins généralistes interrogés déclaraient de fait utiliser Antibioclic pour l'aide à la prescription.
« Nous proposons dans Antibioclic une aide à la prescription pour toutes les pathologies bactériennes courantes, quelques pathologies virales, pour lesquelles le message reste « pas d'antibiothérapie ». On s'adapte à l'insuffisance rénale, à la grossesse et à l'allaitement, et on demande toujours si cela s'adresse à des adultes ou des enfants », indique la conceptrice de ce site qui va connaître des évolutions en 2022, notamment en termes d’ergonomie et de contenu.
« On touche une population de médecins non représentative de la population des médecins généralistes en France : +70 % sont installés en groupe, ils sont jeunes et ce sont essentiellement des femmes », analyse-t-elle. Cela dit, ces données sont issues d'enquêtes ponctuelles et donc parcellaires. Aujourd'hui, le site ne demande pas aux visiteurs en effet la création d'un compte utilisateurs, une évolution prévue pour 2022.
Pour l'améliorer, les concepteurs ont besoin de savoir qui sont les utilisateurs : les médecins généralistes, mais aussi les pédiatres, les ORL et les dermatologues ainsi que les pharmaciens et les sage-femmes. « Si vous nous donnez vos coordonnées, on va pouvoir communiquer. Mais vous ne recevrez pas beaucoup de mails », promet-elle. Avant de poursuivre « grâce à votre code postal, vous recevrez des contenus adaptés à la région, notamment les annuaires et les liens avec les centres régionaux en antibiothérapie. »
La Dr Pauline Jeanmougin espère augmenter la fréquentation qui s'élève à plus de 10 500 visiteurs par jour.
Les autres aides à la prescription
A côté d'Antibioclic, le médecin de ville peut s'appuyer sur d'autres dispositifs d'aide à la prescription d'antibiotiques.
Les centres régionaux en antibiothérapie (CRatb)
Une instruction ministérielle du 15 mai 2020 recommande la mise en place de structures régionales, les CRatb, dont les missions iront de l'expertise et l'appui aux professionnels de santé, à l'animation d'un réseau de référents en antibiothérapie grâce à des médecins généralistes ambassadeurs du bon usage, en passant par la promotion du bon usage auprès du grand public (école, Ehpad). Cette mise en place est déjà en cours dans différentes régions. Piloté par un infectiologue et un médecin généraliste, le CRatb travaillera en lien avec l'ARS régionale et CPIAS (Centre d’appui pour la Prévention des Infections Associées aux Soins).
« Antibioclic est un appui pour le premier recours, pour les pathologies courantes, mais dès que c'est vous avez une situation complexe où vous êtes bloqué avec des résistances importantes ou un patient très complexe, vous pourrez vous tourner vers le CRatb », explique Pauline Jeanmougin.
La ROSP (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique)
« Certains indicateurs de prescription recueillis par l'Assurance Maladie nous permettent de recevoir des primes annuelles si on est en dessous du pourcentage cible », rappelle le Dr Jeanmougin. Et il existe différents indicateurs sur les antibiotiques : les prescriptions d'antibiotiques pour les 16-65 ans sans ALD, le nombre d'antibiotiques prescrits particulièrement générateurs de résistances (amoxicilline + acide clavulanique, céphalosporines de 3ème et 4ème génération, fluoroquinolones), les antibiotiques et les enfants, ainsi que la prescription des C3G et des C4G.
Pauline Jeanmougin considère que le principe est motivant et incite le médecin, qui se prend au jeu, à un meilleur usage des antibiotiques. « Pour chaque indicateur, vous avez un objectif cible : pour les 16-65 ans sans ALD, il est à moins de 20 %, c'est-à-dire moins de 20 % de traitement par antibiotiques pour 20 patients-médecin traitant. Il faut être en dessous de la cible. Vous pouvez vous comparer avec les moyennes du département et nationale. Je vous invite à aller regarder car cela permet de se situer, de savoir si on fait bien ou pas », détaille-t-elle.
L' o rdonnance de non-prescription de l'Assurance Maladie
« Aujourd'hui, je vous ai diagnostiqué une infection qui ne nécessite pas d'antibiotique ». Voici la première phrase de ce document, au format ordonnance, sur lequel le médecin peut apposer son cachet, indiquer le nom du patient, cocher la case correspondant à l'infection diagnostiquée (rhinoparyngite virale, grippe, angine virale, bronchite aigue, otite aigue). « Nous, les médecins français, on adore faire une consultation, une ordonnance. Cela peut vous permettre de donner un petit papier au patient », commente Pauline Jeanmougin. Cette ordonnance de non-prescription détaille aussi l'évolution naturelle de telle ou telle maladie. Aussi pour la rhinoparyngite virale, est-il indiqué que la fièvre dure 2 à 3 jours, que le nez peut couler entre 7 et 12 jours, et que la toux peut persister jusqu'à trois semaines.
« Cela rassure le patient qui sait que ce n'est pas la peine de vous rappeler s'il tousse encore dans quinze jours. C'est assez pédagogique », considère-t-elle.
Le site Antibio’malin
Le médecin de ville peut conseiller à ses patients de regarder le site Antibio’malin conçu par le Ministère de la santé pour le grand public.

Un effet marqué de la pandémie de Covid sur la consommation d'antibiotiques
De 2011 à 2019, on a observé en France une baisse progressive de la consommation des antibiotiques en ville. En 2020, la baisse a été plus importante que celle attendue si elle avait poursuivi la tendance des années précédentes. Il y a une chute drastique des antibiotiques consommés et prescrits en ville en France en 2020. Cet impact positif de la pandémie sur la consommation d'antibiotiques, même s'il est moins marqué chez les plus de 65 ans et en Ehpad, peut s'expliquer par la diminution des consultations en 2020 en particulier pendant les confinements, l'efficacité des gestes barrières et la diminution de la transmission des infections respiratoires courantes bactériennes ou virales. En revanche, en 2021, la recrudescence des bronchiolites au cours du dernier trimestre s'est accompagnée d’une augmentation de la prescription d'antibiotiques, essentiellement chez les enfants de 0-4 ans. « L'augmentation des prescriptions d'antibiotiques en parallèle de la recrudescence des pathologies virales n'est pas un bon signe de bon usage des antibiotiques », a expliqué la Dr Anne Berger-Carbonne, responsable de l'unité Infections associées aux soins et Résistance aux antibiotiques de SPF .
Malgré la baisse de consommation d'antibiotiques en 2020, la France restait mal placée au niveau européen (26ème/29) cette année-là.
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Citer cet article: Antibiotiques : des aides à la prescription pour prescrire malin - Medscape - 6 avr 2022.
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