POINT DE VUE

Le tai-chi pour les survivants au cancer : des effets démontrés ?

Dr Georgia Schilling

Auteurs et déclarations

13 avril 2022

De nombreux survivants du cancer souffrent encore de problèmes de santé des années après leur traitement. Le Dr Georgia Schilling (cheffe du service de réadaptation oncologique à la clinique Asklepios de Sylt et du centre de cancérologie de Hambourg, Allemagne) passe en revue les effets du tai-chi dans ce contexte.

TRANSCRIPTION

« Je vais commenter aujourd'hui une revue systématique de Yang et al., dont les résultats ont été publiés  dans Cancer Medicine, [1] et qui traite de l'efficacité du tai-chi chez les personnes qui survivent à un cancer.

Le tai-chi comme alternative à l'entraînement d'endurance

Nous savons que les directives actuelles recommandent un entraînement d'endurance et de musculation modéré à vigoureux pour traiter ou atténuer les séquelles à long terme, ainsi que les effets secondaires aigus des maladies cancéreuses et de leur traitement. L'entraînement d'endurance devrait être pratiqué au moins 3 fois par semaine pendant au moins 30 minutes, et l'entraînement de force devrait l'être 2 fois par semaine pendant au moins 30 minutes, le tout pendant 8 à 12 semaines. Cependant, de nombreux patients cancéreux ne sont pas en mesure de suivre des programmes sportifs intensifs en raison de leur maladie, de leurs comorbidités ou de leur traitement.

Le tai-chi est un type d'exercice "mind-body". Il ne nécessite pas d'équipement ni d'un planning particulier. On peut le pratiquer en plein air, dans une chambre, seul ou à plusieurs. Et c'est un grand avantage, notamment pour faire tomber les éventuelles barrières ressenties ou exprimées par les patients. Le tai-chi constitue ainsi une alternative pratique aux sports classiques d'intensité légère à modérée.

 
Le tai-chi constitue une alternative pratique aux sports classiques d'intensité légère à modérée.
 

Le tai-chi se caractérise par des mouvements lents et fluides, combinés à la respiration diaphragmatique, au stretching musculo-squelettique, à la relaxation, et à la perception kinesthésique du corps associée à des éléments méditatifs. C'est ce qui distingue le tai-chi et d'autres types d'exercices asiatiques des thérapies sportives conventionnelles.

Le niveau d'énergie exprimé en MET (équivalents métaboliques) est de 2,6 à 6,5, ce qui correspond à une intensité légère à modérée.

Méthodologie de la revue systématique sur le tai-chi

La revue systématique de Yang et al. analysait 14 études, dont 13 randomisées. Cinq études ont été réalisées pendant le traitement et 9 après le traitement. Six études provenaient des États-Unis, 6 de Chine et 1 de Thaïlande. Le nombre de patients variait entre 9 et 57 selon les études. Sept études ont été menées chez des femmes atteintes d'un cancer du sein, qui formaient le groupe le plus important. Trois études s'intéressaient à des patients atteints d'un cancer bronchique, 2 ciblaient des patients atteints d'une tumeur de la tête ou du cou, tandis qu'une étude portait sur le cancer de la prostate et une autre sur des maladies mixtes.

Les stades du cancer allaient de 0 à 4. Il s'agissait d'une population très mélangée sur le plan des caractéristiques et de l'histoire personnelle, y compris sur le plan des traitements oncologiques, unimodaux ou multimodaux, de la radiothérapie, de la chirurgie et des thérapies systémiques.

La pratique du tai-chi était également variable en durée et en fréquence mais elle s'élevait à 3 séances de 60 minutes par semaine dans la majorité des études. La période d'observation s'étendait sur 12 semaines dans la plupart des cas.

Les différentes études ont examiné plusieurs effets à long terme, dont l'anxiété (n = 1), les symptômes dépressifs (n = 3), la qualité de vie liée à la santé (n = 6), la fatigue (n = 6), les fonctions physiques (n = 5), la santé osseuse (n = 1), le sommeil (n = 5), les fonctions cognitives (n = 1) et la douleur (n = 2).

Principaux résultats

Les 5 études menées au cours du traitement ont donné des résultats relativement mitigés en ce qui concerne la sensation de fatigue et la qualité de vie.

6 autres essais randomisés et 1 non randomisé réalisés après le traitement ont montré des améliorations cohérentes de la fatigue, mais des résultats mitigés pour la qualité de vie, la dépression, les fonctions physiques et le sommeil.

Dans l'ensemble, il y a donc peu d'éléments de preuves d'efficacité.

Qu'est-ce qui se cache derrière le tai-chi ?

Le tai-chi semble avoir un effet positif sur le sommeil, en réduisant le nombre de réveils intempestifs et l'inflammation tout en régulant le rythme circadien.

 
Le tai-chi semble avoir un effet positif sur le sommeil.
 

Les mécanismes biologiques qui contribuent hypothétiquement à accroitre la sensation de fatigue sont l'inflammation, une réponse immunitaire modifiée et un dysfonctionnement mitochondrial. Grâce aux études réalisées chez des patients atteints de coronaropathie ou d'insuffisance cardiaque, on sait néanmoins que le tai-chi peut améliorer la forme cardiorespiratoire, grâce aux expansions thoraciques intenses pendant l'intervention et aux étirements, ce qui renforce la musculature respiratoire.

La respiration diaphragmatique contribue à réduire la fréquence respiratoire et à maintenir les voies respiratoires ouvertes plus longtemps. Cette propriété a été bien étudiée chez les patients souffrant de cardiopathie.

En résumé, il existe pour l'instant peu de preuves plaidant en faveur de la pratique du tai-chi. Pour réduire la sensation de fatigue, il faut au moins 3 séances hebdomadaires de 60 minutes, et pendant 12 semaines.

Plus d'études sont necessaires

Malheureusement, il n'existe que ces 14 études, et les données sont donc encore très limitées.

On manque aussi de comparaisons directes avec les programmes d'activité physique conventionnelle. Pour cela, il faudrait des études à 3 bras – tai-chi versus activité physique conventionnelle versus abstention. D'autres effets potentiels sur certains aspects doivent également être étudiés, comme la polyneuropathie, les lymphœdèmes, la toxicité cardiaque, la tendance aux chutes, la coordination, les nausées, la fonction sexuelle et la tolérance aux traitements anticancéreux.

Nous avons donc besoin de plus d'études randomisées, de préférence à trois bras, pour générer des éléments de preuves. Pour cela, nous avons également besoin de collaborateurs bien formés pour guider correctement les patients. Une approche virtuelle ou par application serait peut-être aussi envisageable.

 
Nous avons besoin de plus d'études randomisées, de préférence à 3 bras, pour générer des éléments de preuves.
 

Dans l'ensemble, la pratique du tai-chi est simple, son intensité est adaptée aux patients atteints de tumeurs, et il peut surmonter certaines barrières chez les patients.

Si les résultats sont encore peu nombreux, ils n'en sont pas moins prometteurs. C'est pourquoi je recommande quand même le tai-chi à mes patients en rééducation comme thérapie contre la sensation de fatigue ou pour réguler le sommeil. »

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Ce commentaire a été originalement publié en vidéo sur Medscape Édition Allemande. Traduit par le Dr Claude Leroy.

 

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