Traitements, complications… Une photographie des diabétiques âgés français

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

4 avril 2022

Nice, France-- La cohorte française gériatrique Gérodiab a encore parlé. Détaillé au congrès de la Société francophone du diabète (20-23 mars, Nice), le suivi à cinq ans de patients diabétiques de type 2 âgés[1] illustre le caractère délétère de l’association insuline-sulfamide-glinide vis-à-vis du risque hypoglycémique. Il rappelle aussi que le grand âge n’est pas en soi un argument pour laisser filer l’hémoglobine glyquée.

 

Gérodiab

Unique en France, la cohorte gériatrique Gérodiab est constituée de 987 personnes diabétiques âgées, inclues entre juin 2009 et juillet 2010 par 56 centres investigateurs[2]. >Participants : 77,1 ans ± 5 ans en moyenne à l’inclusion, 17,8 ± 10 ans d’ancienneté du diabète, 45 % de sujets obèses, 89,8 % ayant une hypertension artérielle et 87,5% une hypercholestérolémie.

L’objectif principal de Gérodiab est d’évaluer le lien entre l’équilibre glycémique (HbA1c) et la mortalité à cinq ans chez ces diabétiques de type 2 de plus de 70 ans. Cette cohorte a déjà permis de tirer des enseignements sur la santé physique et cognitive de cette catégorie de patients.

 

Des complications qui diffèrent en fonction des antidiabétiques

Cette fois-ci, le Pr Bernard Bauduceau, endocrinologue-diabétologue (Saint-Mandé) et membre de l’équipe de coordination, présentait une photographie de l’évolution des complications et de l’HbA1c en fonction du traitement prescrit.

A cette fin, 616 diabétiques ont été répartis en trois groupes, traités par insulinothérapie seule (200 individus), par insuline et antidiabétiques oraux (N=169) ou exclusivement par antidiabétiques oraux (ADO) (N=247). Les ADO comprenaient la metformine, prescrite chez 53,2 % des patients. 43,5 % des patients étaient sous sulfamides et glinides, 10 % sous inhibiteurs de la DPP4 et très peu sous agoniste des récepteurs du GLP-1 (AR GLP-1) (4,2 %) car les inclusions se sont déroulées au tout début de la commercialisation de cette classe thérapeutique. 7,5 % des patients étaient encore sous glitazones, avant leur retrait du marché.

A l’inclusion, comparativement aux caractéristiques des deux autres groupes, les patients sous insuline seule étaient significativement plus âgés (78 ± 5 ans), avaient une durée de diabète plus longue (22 ± 11 ans) et rapportaient des hypoglycémies plus fréquentes (58 %). Les complications du diabète, à l’exception des amputations, différaient significativement entre les trois groupes avec des prévalences plus importantes et une HbA1c plus élevée dans le groupe insuline exclusive.

Même âgés, les diabétiques doivent être équilibrés sur le plan de la glycémie

Concernant l’évolution de l’HbA1c après cinq ans de suivi, le contrôle de l’équilibre glycémique demeurait stable dans les trois groupes et restait cependant meilleur dans le groupe ADO.  

L’augmentation des complications macroangiopathiques était très significative, en particulier l’insuffisance cardiaque dans le groupe insuline exclusive (+ 18 %).

La progression de l’incidence de la rétinopathie dans les deux groupes sous insuline (+ 19 % et 16 % pour le groupe sous insuline seule et insuline-ADO) est « probablement à mettre sur le compte d’un moins bon équilibre glycémique », remarque le Pr Bauduceau.  L’augmentation significative des hypoglycémies dans le groupe insuline-sulfamides (+ 43 %) est moins marquée dans le groupe insuline seule (+31 %).

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette étude observationnelle : « Même si ces constats étaient attendus, ils incitent à ne pas prescrire chez ces personnes fragiles un traitement associant de l’insuline à des sulfamides ou à des glinides, une bithérapie qui est particulièrement pourvoyeuse d’hypoglycémies », résume Bernard Bauduceau.

Le traitement par sulfamide (et glinide) est encore beaucoup utilisé en pratique courante, et a fortiori chez des individus fragiles alors que l’actualisation de la prise de position de la Société francophone du diabète (décembre 2021)[] 3] le déconseille.

 
Le traitement par sulfamide (et glinide) est encore beaucoup utilisé en pratique courante, alors que l’actualisation de la Société francophone du diabète le déconseille.
 

Par ailleurs, cette étude souligne la rapidité avec laquelle les complications macro et microangiopathiques peuvent survenir à ces âges, favorisées par un équilibre glycémique non optimal.

Concernant la mortalité, il y a eu 22 % de décès dans le groupe insuline, 17 % dans le groupe insuline-ADO et 13 % dans le groupe ADO. On ne peut en déduire une quelconque relation, du fait de l’hétérogénéité des groupes à l’inclusion et de l’absence de randomisation des traitements. Il est cependant intéressant de remarquer que l’insuline a été prescrite de façon préférentielle chez les malades les plus graves, expliquant en partie le taux de mortalité plus élevé dans ce groupe.

Rappel de l’actualisation des recommandations de la SFD

Dans l’actualisation de la prise de position de la Société francophone du diabète [3], la séquence préconisée chez les personnes diabétiques « malades » est la suivante : metformine puis association d’un inhibiteur de la DPP4, puis insuline.

Chez les diabétiques âgés mais « en bonne santé », en fonction du bénéfice-risque et en présence d’une insuffisance cardiaque et/ou rénale, la question d’ajouter un inhibiteur du SGLT2 (iSGLT2 ou gliflozine) se pose, quel que soit le niveau de l’HbA1c, à l’instar des sujets plus jeunes.

Le choix est possible entre iSGLT2 et un AR GLP-1 en présence d’une maladie athéromateuse avérée.

« S’il ne faut pas surtraiter ces malades âgés, il est indispensable de les équilibrer de manière satisfaisante sans leur faire courir un risque hypoglycémique », a conclu le Pr Bernard Bauduceau.

Concernant cette intervention, le Pr Bernard Bauduceau (Saint Mandé) et les auteurs de GERODIAB déclarent avoir effectué des interventions ponctuelles à la demande des firmes suivantes : AstraZeneca, Boehringer, Eli Lilly, Jansen, Merck Sharp & Dohme, Novo Nordisk, Pfizer et Sanofi.

Le financement de l’étude GERODIAB a été assuré par le laboratoire Novo Nordisk et le laboratoire Merck Sérono ainsi que par une bourse de la SFD et un PHRC national.

 

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