Créer 100 000 places alternatives à l’EHPAD et autres mesures santé du candidat Macron

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

31 mars 2022

Dr François Braun

France — Quel est le programme La République en marche (LaRem) pour la santé ? Dans le cadre de notre série d’entretiens sur les propositions santé des principaux candidats à l’élection présidentielleMedscape a interrogé le Dr François Braun, expert santé auprès d’Emmanuel Macron.

Medscape Edition Française : Comment réenchanter l'hôpital ?

Dr François Braun : Le Ségur de la santé était nécessaire, il s'agissait d'un traitement symptomatique, ce n'était en aucun cas un traitement de fond de l'hôpital public. La pandémie de Covid-19 nous a démontré la bonne résistance de l'hôpital, qui malgré les difficultés liées à la crise sanitaire a résisté. Cette crise a également permis de rendre visibles les faiblesses de l'hôpital public, qui est trop organisé en silo et très administré. Nous constatons les effets délétères de la loi HPST qui a ajouté une couche superflue de management hospitalier en mettant de côté les professionnels de santé. Le rapport Claris (Mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières confiée au Pr Olivier Claris, NDLR) a ouvert la voie mais il faut maintenant aller plus loin, et donner plus de place au management médical au sein des établissements de santé, comme le préconise le candidat Emmanuel Macron.

 
Il faut maintenant aller plus loin, et donner plus de place au management médical.
 

Il faut s'assurer également que les tâches administratives soient réellement utiles, et supprimer celles qui sont inutiles : exemple, on demande en permanence aux médecins, des bilans, des fiches Excel, etc. Ce n'est pas cela qui améliore la qualité des soins. Il faudrait plutôt mettre des administratifs à disposition des professionnels de santé, à l'instar des assistants médicaux dans le secteur libéral, pour qu'ils puissent décharger médecins et soignants de toutes ces tâches administratives.

Les soignants et médecins ont exprimé leur mal être au travail, quelles solutions leur apporter ?

Dr François Braun : Les soignants et les médecins sont des gens très investis dans leur métier et quand ils ne sont pas bien au boulot, ils ne sont pas bien non plus dans leur vie privée. Il faut redonner du sens à leur métier, redéfinir la fonction et le rôle de l'hôpital, et ne pas oublier non plus que l'hôpital a aussi pour mission l'enseignement et la recherche. Nous avons besoin de clarification et de simplification, c’est ce qu’a exprimé le candidat Emmanuel Macron.

Il était question de réduire le financement de la T2A de 50% dans le programme du candidat Macron en 2017. Cela n'est toujours pas le cas. Quid du financement de l'hôpital ?

Dr François Braun : Beaucoup de choses ont été faites quant au financement de l'hôpital en cinq ans. Le Ségur de la santé a acté 19 milliards d’euros pour financer la transformation hospitalière, améliorer les conditions de travail des professionnels de santé mais aussi de 7,5 milliards d’euros chaque année pour la revalorisation salariale. Pour ce qui concerne les budgets hospitaliers, nous apportons une importance particulière à la méthode choisie par le candidat Emmanuel Macron : l'État donne les grands axes, met à disposition des collectivités territoriales une boite à outils, qui peut comprendre des financements populationnels, à l'activité, et à la qualité. Ensuite c'est au niveau des territoires de répartir et d'organiser ces masses financières, avec l'aval de l'État. Mais il est clair que l'on ne peut pas conserver uniquement le modèle d'une médecine basée sur l'offre, soit un financement à l'activité, il faut aussi prendre en compte une logique de besoins, et aller vers un financement populationnel.

 
Il faut aussi prendre en compte une logique de besoins, et aller vers un financement populationnel.
 

Donc la T2A reste d'actualité ?

Dr François Braun : Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. La T2A a des effets positifs mais aussi des effets pervers pour certains types de soins qui ne sont pas adaptés. Tout cela doit être regardé à la loupe avec les professionnels concernés pour ensuite prendre des décisions afin d'aboutir à un financement plus diversifié.

La médecine libérale est en pleine transformation avec le regroupement sous la forme de maisons ou de centres de santé, mais souffre aussi de pénurie médicale. Quel est le programme du candidat Emmanuel Macron pour la médecine libérale ?

Dr François Braun : Là aussi il faut faire confiance aux territoires. Concernant les déserts médicaux, il n'y a pas de solutions miracles. C'est un panel de solutions et d'outils qu'il faut actionner. D'ores et déjà, nous avons supprimé le numerus clausus, ce qui a permis de recruter 19% de médecins de plus, et 14% de dentistes de plus. Les profils des étudiants en médecine sont aussi plus variés. Nous avons atteint nos objectifs en matière de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) puisque nous avons doublé le nombre et dépassé les 2000. Sans parler du développement de la télémédecine. Mais il faut aller plus loin. Nous proposons de laisser la possibilité aux patients de choisir un pharmacien référent, ou un infirmier référent, qui fera fonction de porte d'entrée dans notre système de santé. Chacun pourra avoir accès à un professionnel de santé à proximité qui lui ouvrira les portes du système de santé. Aussi, il est important de libérer du temps médical, grâce à la mise à disposition d'assistants médicaux, d'infirmières salariées, pour aider les médecins à augmenter leur patientèle sans pour autant allonger leur temps de travail. Il est clair par ailleurs que nous allons renforcer la présence médicale dans ces zones sous-dotées en y postant des internes en quatrième année de médecine, mais sur ce point, c'est sans surprise car c'était déjà dans les tuyaux. J'insiste aussi sur le fait qu'il faut redonner la main aux territoires, il faut simplifier, développer l'intelligence collective, en mettant tout le monde autour de la table, les élus, les soignants, les soignés.

 
Il faut redonner la main aux territoires.
 

Quid du troisième âge et du secteur des Ehpad ?

Dr François Braun : L'axe principal de notre programme est de lutter contre les inégalités d'accès à la santé, c'est-à-dire la prévention, le dépistage et le soin. Pour ce qui est des personnes les plus âgées, nous mettons à disposition une série d'outils. Nous privilégions le maintien à domicile, et la prévention de la perte d'autonomie. À ce titre nous proposons des examens clés à différents âges de la vie : à 60 ans nous recherchons les troubles neurosensoriels, et un bilan d'autonomie doit être réalisé à 70, 75 ans. En matière de maintien à domicile, nous aurons un interlocuteur unique qui organisera tous les services pour la personne âgée ou l’aidant. Nous augmentons de deux heures par semaine le temps d'aide à domicile pour favoriser le "liant", les relations sociales. Nous mettrons en place aussi une PrimeAdapt' pour permettre le financement jusqu’à 70% de l’aménagement du domicile de la personne, car souvent les personnes en perte d'autonomie ne peuvent pas rester à domicile car il devient impossible de prendre une douche ou passer à l’étage. Nous prévoyons aussi la création de 100 000 places dont 50 000 pour des solutions intermédiaires sur le principe des habitats innovants (le béguinage, les appartements partagés...), et 50 000 avec des équipes mobiles soignantes hors les murs des Ehpad. Si on arrive à maintenir plus de gens à domicile, cela veut dire que les résidents qui seront admis dans les Ehpad seront plus dépendants : il faudra alors renforcer les équipes dans les unités de soins et dans les unités de vie. Nous créerons 50 000 postes en plus dans les Ehpad, tout en prenant soins de médicaliser correctement ces Ehpad.

 
Nous prévoyons la création de 100 000 places dont 50 000 sur le principe des habitats innovants (le béguinage, les appartements partagés...), et 50 000 avec des équipes mobiles soignantes.
 

En quoi la crise du Covid a influé sur le programme santé du candidat Macron ?

Dr François Braun : Cette crise nous a dévoilé bien des aspects de notre système de santé, à savoir une belle réactivité de nos structures, un investissement sans faille des personnels de santé, un travail collectif entre ville et hôpital, médecins, paramédicaux, et directeurs, extrêmement enrichissant pour chacun. Tout cela augure de nouvelles opportunités pour les années à venir.

Avez-vous des projets pour la sécurité sociale ?

Dr François Braun : La mise en place de la cinquième branche autonomie (cette cinquième branche a d'ores et déjà été mise en place, NDLR), ce n'est pas rien. Nous devrions nourrir des réflexions autour de cet axe majeur. N'oublions pas non plus que nous avons mis en place le 100% santé, (remboursement des lunettes, prothèses dentaires, aides auditives), qui a permis à 10 millions de nos concitoyens de s'équiper.

 
La mise en place de la cinquième branche autonomie, ce n'est pas rien.
 

 

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