France/Ukraine – Cela fait désormais 35 jours (au 30 mars) que la guerre en Ukraine a commencé. Plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont fui leur foyer : plus de 3,5 millions d'entre elles ont quitté le pays et environ 6,5 millions ont trouvé refuge dans une autre région d'Ukraine. Ceux qui sont restés sur place manquent de tout, surtout dans les villes assiégées. Face à la catastrophe humanitaire annoncée, les ONG internationales sont arrivées rapidement sur le terrain, à l'intérieur du pays quand c’était possible, mais surtout dans les pays limitrophes, pour prendre en charge les réfugiés et les blessés de guerre. C'est le cas de Médecins sans frontière . Quels sont les besoins sur place en produits de santé et en ressources humaines ? La directrice médicale, la Dr Claire Rieux, nous répond.
Medscape édition française : MSF France est-elle présente sur le terrain ?
Dr Claire Rieux : Nous sommes en effet présents en Ukraine et dans des pays frontaliers en Moldavie, Roumanie et en Pologne. La situation est très labile si bien que ce que je vous dis aujourd'hui ne sera peut-être plus valable dans quelques jours. Nous avons dans un premier temps réalisé des missions exploratoires en visitant des structures de santé et en rencontrant des responsables. Il fallait comprendre quels étaient les besoins spécifiques et comment y répondre. A côté de la prise en charge des blessés, il y a une demande importante de médicaments pour les maladies chroniques (diabète, HTA, cancer, insuffisance rénale) pour lesquels il y a un vrai risque de rupture. Plusieurs tonnes de médicaments et de matériel médical ont déjà été envoyés en Ukraine depuis la base logistique de Mérignac.
Comment assurer le suivi des patients d'Ukraine souffrant de maladies chroniques qui sont partis du pays ?
Dr Claire Rieux : C'est un vrai problème pour les réfugiés en transit qui risquent de ne plus avoir suffisamment de médicaments et dont la maladie risque de s'aggraver. Il faudrait trouver une organisation pour leur fournir leur traitement tout le long du chemin de migration. En tant qu'hématologue, je me suis penchée sur la problématique du cancer qui est un vrai casse-tête d'autant que nombre de patients ne savent pas quel type de chimiothérapie ils reçoivent. Il faudrait trouver un moyen de récupérer leur dossier. Certains hôpitaux ont annoncé qu'ils accueilleraient gratuitement des patients : l'Institut Curie s'est, par exemple, porté volontaire pour prendre en charge les enfants atteints de rétinoblastome. Reste à pouvoir coordonner cette offre : il faudrait que lorsqu'une personne arrive à la frontière, elle puisse être informée de l'endroit où elle pourra se rendre pour poursuivre ses traitements. L’American Society of Cancer (ACS) a mis en place des hotlines dédiées dans les pays frontaliers. L'ASCO et l'ECO ont mis en place une task force afin de créer un réseau pour recenser toutes les initiatives.
Comment les médecins français peuvent-ils vous aider ?
Dr Claire Rieux : Sur place, les médecins ukrainiens sont là et disent vouloir rester, et nous disposons de suffisamment de personnes mobilisées dans notre pool d'urgence. Si des médecins ukrainiens qui vivent en France ou des médecins qui parlent ukrainien peuvent nous contacter, ce serait précieux. Sinon, nos confrères peuvent agir en tant que citoyens en faisant notamment des dons aux différentes associations. Chez MSF, il s'agit d'un don non-fléché qui alimente le Fonds d'urgence MSF. Autrement dit, nous nous réservons la possibilité de l'affecter selon les besoins. MSF est une des rares organisations internationales à être alimentée à plus de 95 % par des dons privés et je me dis tous les jours que c'est extraordinaire que nous arrivions à fonctionner ainsi, grâce à la générosité des donateurs.
Si certains de nos lecteurs ont la volonté de s'engager auprès de MSF, quel est le parcours à suivre ?
Dr Claire Rieux : Nous n'avons pas besoin de ressources humaines d'urgence pour la crise en Ukraine mais nous sommes toujours ravis que des médecins veuillent nous rejoindre. Il faut postuler en ligne. Vous serez rappelés par un recruteur. A mon sens, ce n'est pas tant la spécialité – on a besoin de toutes les spécialités – qu’une bonne expérience clinique qui compte. Pour une première mission, on recommande un départ pour six mois, sauf pour l'anesthésie, la chirurgie ou la gynéco-obstétrique pour lesquelles un mois suffit. Après cette mission inaugurale, où le médecin apprend à travailler dans un environnement différent, les volontaires peuvent partir pour des missions moins longues.
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Citer cet article: Humanitaire en Ukraine : MSF à la recherche de médecins parlant ukrainien - Medscape - 31 mars 2022.
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