Portland, Etats-Unis — A quelques jours de son congrès, l’American College of Cardiology (ACC) publie un document d’orientation clinique relatif à l’évaluation et au traitement des conséquences cardiaques du Covid-19 chez les patients adultes.
Ce document fournit des recommandations, d’une part, sur la façon d’évaluer et de traiter les myocardites associées au Covid et au Covid long et, d’une part, aborde le sujet de la reprise de l’activité physique après l’infection au Covid-19.
Il est publié en ligne dans le numéro du 16 mars du Journal of American College of Cardiology. [1]
« La meilleure façon de diagnostiquer et traiter les myocardites et le Covid long suivant l’infection au SARS-CoV-2 est en continuelle évolution, » dit le Dr Ty Gluckman, co-président du texte. « Ce document fait des recommandations sur la façon d’évaluer et prendre en charge les adultes souffrant de cette maladie mais aussi sur la façon de guider le retour sans risque aux activités sportives pour athlètes, dans le cadre ou non de compétitions. »
Les rédacteurs de ce guide d’orientation notent que le Covid-19 peut être associé à de nombreuses anomalies lors d’une évaluation cardiaque et à un large éventail de complications cardiovasculaires. Chez certains patients, des symptômes cardiaques comme des douleurs thoraciques, un essoufflement à l’effort, une asthénie et des palpitations persistent pendant des mois après l’affection initiale. Des séquelles de lésions myocardiques ont été notées que les sujets sont symptomatiques ou non, mais également chez ceux qui ont reçu le vaccin ARNm Covid-19.
« Pour les cliniciens qui soignent ces patients, il y a un nombre croissant questions en rapport avec l’évaluation et la prise en charge de ces maladies ainsi que sur le retour sans risque aux activités physiques, » remarquent-ils. Le but de ce vademecum est d’offrir des réponses pratiques à ces demandes.
Les myocardites
Le rapport confirme que la myocardite est une complication rare mais grave de l’infection au SARS-CoV-2, pouvant survenir aussi après la vaccination avec un vaccin à ARNm contre le Covid-19.
Le guide définit la myocardite par
des symptômes cardiaques tels que des douleurs thoraciques, de l’essoufflement, des palpitations ou syncope ;
l’augmentation du taux de troponine ;
des anomalies électrocardiographiques, écho cardiographiques, constatées à l’IRM cardiaque, et/ou des anomalies anatomopathologiques à la biopsie.
Le document fait les recommandations suivantes pour la myocardite liée au Covid :
Quand il y a forte suspicion d’une atteinte cardiaque liée au Covid-19, les examens initiaux nécessaires sont : l’ECG, le dosage des troponines cardiaques et l’échocardiogramme ;
Une consultation de cardiologie est souhaitable pour ceux qui ont des taux de troponine qui augmentent et/ou des anomalies échocardiographiques ;
L’IRM cardiaque est recommandée chez les patients stables hémodynamiquement et suspects de myocardite ;
L’hospitalisation est recommandée en cas de myocardite déclarée, de préférence dans une unité cardiologique dédiée à l’insuffisance cardiaque. Les patients avec une myocardite fulminante doivent être traités dans ces centres spécialisés en insuffisance cardiaque avancée, disposant d’une assistance circulatoire et autres moyens thérapeutiques de pointe.
Les patients souffrant d’une myocardite et d’une pneumopathie liées au Covid-19 (nécessitant un supplément d’oxygène) devraient recevoir des corticoïdes. Chez les patients ayant une suspicion d’atteinte péricardique, le traitement avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens, la colchicine, la prednisone est raisonnable. Les corticoïdes intra-veineux doivent être envisagés chez ceux dont une myocardite liée au Covid-19 est suspectée ou confirmée et dont l’hémodynamique est instable ou en cas de MIS-A (Syndrome Inflammatoire Multi Systémique de l’Adulte).
L’utilisation empirique des corticoïdes se doit aussi d’être envisagé chez ceux qui présentent d’importants infiltrats myocardiques lors de la biopsie ou en cas de myocardite fulminante, en appréciant le risque de survenue d’une infection.
Le traitement médical de l’insuffisance cardiaque suivant les recommandations éditées devra être débuté [en hospitalisation] et poursuivi après la sortie.
Le document note que la myocardite après vaccination par un vaccin à ARNm du Covid-19 est rare – les taux plus élevés sont rapportés chez les hommes jeunes, après la seconde dose. Le 22 mai 2021 le US Vaccine Adverse Event Reporting System notait des taux de 40,6 cas par million de vaccinés après la seconde dose chez les hommes âgés entre 12 et 29 ans et 2,4 cas par million parmi les hommes âgés de 30 ans ou plus. Les taux individuels correspondants chez les femmes sont de 4,2 et 1 cas par million, respectivement.
Mais le rapport précise que la vaccination anti-Covid-19 est associée à « un rapport bénéfice risque très favorable » pour toutes les tranches d’âges et dans les 2 sexes évalués jusqu’alors.
D’une façon générale, la myocardite post vaccinale doit être diagnostiquée, répertoriée et traitée de la même façon que la myocardite survenant au cours de l’infection à SARS-CoV-2, conseille le rapport.
Le COVID long
Le document définit le Covid long en tant que séquelles post-aiguës de l’infection au SARS-CoV-2 (PASC : Post-Acute- Sequelae SARS-CoV-2) et signale que cette pathologie est retrouvée chez 10 à 30% des patients infectés. Il est défini par une constellation de nouveaux problèmes médicaux, récidivants ou persistants, ressentis par les patients 4 semaines ou plus après l’infection Covid-19.
Bien que les patients souffrant de cette pathologie décrivent des symptômes variés, la tachycardie, l’intolérance à l’effort, la douleur thoracique et l’essoufflement incitent à s’intéresser au système cardiovasculaire.
Pour la Dr Nicole Bhave, co-présidente du consensus décisionnel d’experts : « il semble que l’on ait à faire à une ‘spirale vers le bas’ chez ces patients ayant un Covid long. La fatigue et la diminution de la capacité aux exercices physiques conduisent à une diminution de l’activité et au repos au lit provoquant ensuite une aggravation des symptômes et une diminution de la qualité de vie. »
Elle ajoute que « le comité de rédaction recommande une évaluation cardiopulmonaire de base pour déterminer si des soins spécialisés et un traitement médical formalisé sont nécessaires pour ces patients. »
Les auteurs proposent deux termes pour mieux comprendre les éventuelles étiologies des personnes ayant symptômes cardiovasculaires :
le PASC-CVD ou PASC-CardioVascular Disease qui s’adresse à un large groupe de pathologies (incluant la myocardite) se manifestant au cours des 4 semaines après l’infection au Covid-19.
le PASC-CVS ou PASC-CardioVascular Syndrome qui se définit par une grande catégorie de symptômes sans que l’on puisse objectiver une maladie cardiovasculaire après les examens standards.
Ce document formule les recommandations suivantes pour le traitement des PASC-CVD et PASC-CVS :
Chez les patients ayant des symptômes cardiovasculaires et un PASC suspecté, les auteurs suggèrent une approche initiale raisonnable associant un bilan biologique basique, avec la troponine cardiaque, un ECG, un échocardiogramme, un holter cardiaque, une radio pulmonaire et /ou des tests fonctionnels respiratoires.
Une consultation en cardiologie est recommandée chez les patients avec un PASC dont les tests cardiaques sont anormaux, ceux qui ont une maladie cardiovasculaire connue avec de nouveaux ou une aggravation des symptômes, des complications cardiaques documentées survenues au cours de l’infection avec le SARS-CoV-2 et /ou des symptômes cardio-respiratoires persistants non expliqués par ailleurs.
Des exercices en position allongée ou semi allongée (c.-à-d. l’aviron, la natation, ou la bicyclette) sont recommandés initialement pour les patients PASC-CVS avec une tachycardie, une intolérance à l’effort/ ou à l’orthostatisme, et/ou un déconditionnement, avec ensuite un passage aux exercices en position debout quand la tolérance orthostatique s’améliore. La durée de l’effort devrait également être courte (5 à 10 minutes/jour) avec une augmentation graduelle au fur et à mesure que la capacité fonctionnelle s’améliore.
Le sel et la charge en liquide font partie des interventions non-pharmacologiques qui peuvent apporter une sensation d’apaisement chez les patients ayant une tachycardie, des palpitations et/ou une hypotension orthostatique.
Les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques non-dihydropyridines, l’ivabradine, la fludrocortisone, et la midodrine peuvent être utilisés de façon empirique également.
Le retour à la compétition pour les athlètes
« L’éventualité d’une lésion cardiaque après Covid-19, a alimenté l’appréhension initiale au sujet de la sécurité des sports de compétition chez les athlètes en convalescence de l’infection », notent les auteurs.
Ils indiquent néanmoins que les données subséquentes, issues de grands registres, ont démontré dans l’ensemble une faible prévalence globale de la myocardite clinique, sans augmentation du taux d’événements cardiaques indésirables. En se basant sur cela, des conseils revisités sont fournis avec un schéma pratique fondé sur des preuves, afin de guider la reprise de l’athlétisme et le réentrainement intensif.
Ils font les recommandations suivantes :
Pour les athlètes en convalescence du Covid-19 ayant encore des symptômes cardiopulmonaires (douleur thoracique, palpitations, étourdissements) ou ceux requérant une hospitalisation avec une forte suspicion d’atteinte cardiaque : une évaluation ultérieure avec la triade – ECG, troponines cardiaques, et échocardiographie – est nécessaire.
Pour ceux qui ont des résultats anormaux, la suite des investigations avec une IRM cardiaque doit être envisagée. Ceux qui ont souffert d’une myocardite clinique, devront éviter les exercices physiques pendant 3 à 6 mois.
Les examens cardiaques ne sont pas recommandés chez les sujets asymptomatiques suite à l’infection au Covid-19. Ils doivent éviter de s’entraîner pendant trois jours afin de s’assurer que des symptômes ne vont pas apparaître.
Pour ceux qui ont des symptômes non-cardiopulmonaires modérés (fièvre, somnolence, douleurs musculaires), la reprise de l’entrainement peut se faire quand les symptômes ont disparu.
Pour ceux qui ont une infection ancienne (≥ 3 mois) sans symptôme cardiopulmonaire actuel, une augmentation progressive de l’exercice est recommandée sans avoir besoin d’effecteur un bilan cardiaque.
Compte tenu de la faible prévalence de la myocardite observée chez les athlètes ayant eu le Covid-19 participants à des compétitions, les auteurs notent que ces recommandations peuvent raisonnablement être appliquées aux athlètes du secondaire (âgés de 14 ans et plus) ainsi qu’aux activités sportives ludiques des adultes.
Une nouvelle étude est néanmoins nécessaire pour mieux comprendre combien de temps les anomalies cardiaques perdurent après l’infection Covid-19 et le rôle de l’entraînement physique dans le Covid long.
Les auteurs concluent que ces conseils actuels ont été rédigés afin d’aider les cliniciens à comprendre quand un bilan est justifié mais aussi quand il ne l’est pas.
« Cela dit, le document reflète l’état actuel de nos connaissances jusqu’au début 2022. Avec le temps, on prévoit des changements dans ces recommandations au fur et à mesure que notre compréhension évoluera, » disent-il.
The 2022 ACC Expert Consensus Decision Pathway on Cardiovascular Sequelae of COVID-19: Myocarditis, Post-Acute Sequelae of SARS-CoV-2 Infection (PASC). Le retour aux sports sera discuté lors d'une session à l'American College of Cardiology du mois prochain. Session scientifique annuelle à Washington, DC.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre New ACC Guidance on Cardiovascular Consequences of COVID-19. Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Crédit photo de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: Conséquences cardiovasculaires du COVID-19 : l’ACC publie des directives - Medscape - 29 mars 2022.
Commenter