20 000 séniors pour évaluer le bénéfice de la vitamine D sur l’espérance de vie…

Nathalie Barrès

21 mars 2022

Australie— 21 315 exactement ! C’est le nombre de séniors qui ont participé au D-Health Trial, la plus large étude jamais réalisée pour évaluer l’impact d’une supplémentation en vitamine D (60.000UI/mois durant 5 ans) sur la mortalité toute cause. Il en ressort qu’aucun bénéfice sur la mortalité toute cause n’est mis en évidence. Aussi, en analyses exploratoires excluant les deux premières années, une augmentation de la mortalité par cancer a été observée chez ceux qui avaient été supplémentés.

Ces données, publiées dans le Lancet Diabetes & Endocrinology[1] suggèrent qu’une supplémentation en vitamine D n’est pas justifiée en population générale âgée peu carencée en vitamine D et invitent à pondérer les bénéfices de la vitamine D sur la réduction de la mortalité par cancer observée dans d’autres études.

Cet essai contrôlé versus placebo et mené en double aveugle a inclus des sujets australiens de 60 ans et plus. Ils ont été randomisés pour recevoir une supplémentation de vitamine D (60.000 UI/mois) par voie orale, ou un placebo, une fois par mois durant 5 ans.

Entre le 14 février 2014 et le 17 juin 2015, 21 315 sujets ont été randomisés (1:1) entre un groupe traité par vitamine D et un autre sous placebo.

Sur les 4 441 échantillons de sang collectés, 3.943 l’ont été durant la période de suivi médiane de 5,7 ans. L’observance au traitement était très bonne (>80%). La concentration moyenne en vitamine D durant le suivi était de 77 nmol/L dans le groupe placebo et 115 nmol/L dans le groupe supplémenté.

Durant la période médiane de suivi, 1100 décès ont été enregistrés (5,1% dans le groupe placebo et 5,3% dans le groupe supplémenté en vitamine D).

Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les deux groupes, ni sur le critère principal d’évaluation, à savoir la mortalité toute cause confondue (HR 1,04 [0,93-1,18], p=0,47), ni sur la mortalité cardiovasculaire. Une tendance (non significative) à l’augmentation de la mortalité par cancer a été observée dans le groupe des individus supplémentés. En analyses exploratoires, excluant les deux premières années, le risque de mortalité par cancer était numériquement plus élevé chez ceux supplémentés en vitamine D (HR 1,24 [1,01-1,54], p=0,05).

De même aucune différence significative n’a été mise en évidence sur les mortalités spécifiques.

Les taux d'événements indésirables totaux, y compris l'hypercalcémie et les calculs rénaux, étaient similaires entre les deux groupes.

« Au total, les résultats des grands essais et des méta-analyses [US VITAL, ViDA…] suggèrent qu'il est peu probable que la supplémentation systématique des personnes âgées dans les populations à faible prévalence de carence en vitamine D réduise le taux de mortalité toutes causes confondues », concluent les auteurs Neale et coll.

On peut en effet se demander si ces données recueillies en Australie, pays ensoleillé quasiment toute l’année, peuvent être extrapolées à d’autres populations âgées plus carencées du globe. Classiquement, on estime que le taux de vitamine D est normal pour une 25 OH vitamine D > 75 nmol/l. Or, ici elle est en moyenne de 77 nmol/L dans le groupe placebo.

En France, le dosage en vitamine D est préconisé dans six situations cliniques

La Haute autorité de santé (HAS) préconise le dosage de la vitamine D dans seulement six situations cliniques:

  • la suspicion de rachitisme ;

  • la suspicion d’ostéomalacie (minéralisation insuffisante de l’os) ;

  • le suivi ambulatoire de l’adulte transplanté rénal au-delà de trois mois après transplantation ;

  • avant et après une chirurgie de l’obésité ;

  • l’évaluation et prise en charge des personnes âgées sujettes aux chutes répétées ;

  • dans le respect des résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments préconisant la réalisation du dosage de vitamine D.

Chez les patients en situation de fragilité osseuse, les insuffisants rénaux chroniques (à partir du stade 3b), ceux souffrant de malabsorption (après chirurgie bariatrique, maladie cœliaque, MICI, mucoviscidose…) et chez les sujets âgés à fort risque de chute, « il faut cibler une concentration en 25(OH)D de 30 à 60 ng/mL. Le dosage est à effectuer au moment du diagnostic, puis 3 à 6 mois après la supplémentation pour ajuster la posologie. VR

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape. Complété par Aude Lecrubier.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....