Nice, France – La société francophone du diabète (SFD) a choisi de proposer un focus au travers de plusieurs sessions sur « le pied diabétique » lors de la 48ème édition de son congrès annuel qui se déroule 22 au 25 mars à Nice Acropolis. A l'occasion d'une conférence de presse de présentation du congrès [1]. Le Dr Olivier Bourron (endocrinologue-diabétologue, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a détaillé les nouvelles approches thérapeutiques pour prévenir les plaies du pied diabétique ou pour favoriser leur cicatrisation.
Plaies du pied, des complications fréquentes et graves
A la différence des complications macroangiopathiques (cardiopathie ischémique et accident vasculaire cérébral) et rénales, la plaie du pied est une complication du diabète qui a très peu bénéficié des progrès thérapeutiques de ces vingt dernières années.
Pourtant, elle est fréquente. « Un à deux patients diabétiques dix développent une plaie du pied au cours de leur vie » indique le Dr Bourron qui rappelle que « cette complication dépendante de l'hyperglycémie non contrôlée n'est pas inéluctable ». «Elle est liée à la neuropathie périphérique qui induit des troubles de la sensibilité et des déformations du pied à l'origine de la survenue des plaies » détaille-t-il.
La plaie du pied est aussi une complication particulièrement grave dans la mesure où 5 à 10 patients diabétiques sur 100 auront une amputation de membre inférieur si les mesures de prévention ne sont pas mises en œuvre de manière adéquate. « Le nombre d'amputations stagne autour de 8000 par an en France. On a donc besoin de nouvelles approches thérapeutiques pour diminuer ce risque d'amputations. » explique l'orateur.
Ces nouvelles approches ciblent deux versants de la thérapeutique : la prévention podologique et l'obtention le plus rapidement possible de la cicatrisation de la plaie pour éviter l'infection.
Prévenir la survenue d'une plaie du pied
La prévention podologique consiste à prévenir la survenue d'une plaie chez le patient à risque, atteint le plus souvent d'une neuropathie périphérique. Olivier Bourron a présenté deux dispositifs connectés qui permettront de détecter les zones du pied à risque avant même que la plaie ne survienne.
En développement, les « smart-mats », des tapis intelligents, détectent les différences de température minimes entre les deux pieds qui prédisent la survenue à court terme, dans les 40 jours d'une plaie du pied. Des mesures de prévention comme les soins de pédicurie, le chaussage adapté et la prévention des facteurs traumatiques au niveau du pied à risque peuvent être mises en place.
« Il y a aussi des semelles connectées avec des capteurs qui mesurent les hyperpressions liées à des troubles morphostatiques, eux-mêmes liées à de la neuropathie, qui sont la source dans 90 % des cas de la cause de la plaie » cite également le Dr Bourron. Avant de détailler le principe de fonctionnement : « un signal apparaît sur une montre connectée à cette semelle. Le message est « attention sur cette zone du pied il y a une hyperpression répétée qui risque d'induire une plaie au pied ». Là aussi, le médecin peut proposer des mesures de prévention particulièrement adaptées. « Il a été démontré dans des études que cela limitait le risque de plaie du pied à court terme » complète-t-il.
Toujours dans la prévention du risque podologique, chercheurs et médecins ont également comme objectif de limiter le développement d'une artérite occlusive des membres inférieurs, facteur de risque majeur d'amputation, grâce à l'utilisation de nouvelles molécules. Parmi elles, le Dr Bourron a cité un hypolipémiant anti-PCSK9 grâce auquel une réduction du risque d’amputation des membres a été mise en évidence [2]. Plus précisément, les investigateurs de cet essai datant de 2018 concluent que l'évolocumab est capable de réduire de 42 % le risque d'événement majeur des membres inférieurs, c’est-à-dire la survenue d'une ischémie aigue, d'une ischémie critique et d'amputation. « Indiqués dans les dyslipidémies familiales et en prévention de la récidive de l'infarctus du myocarde, les anti-PCSK9 sont une classe de médicament nécessitant une entente préalable. Leur utilisation correspond déjà à pas mal de patients à risque podologique » commente le Dr Bourron.
Autre molécule d'intérêt : le rivaroxaban. Dans un essai récent avec de l'aspirine et ce nouvel anticoagulant oral ciblant le facteur du coagulation X, on observe une diminution très importante non seulement des événements majeurs composites (ischémie aigue, ischémie critique) mais aussi du risque d'amputation ( - 70 %) chez des patients présentant une artérite avec une grande proportion de participants diabétiques [3].
Accélérer la cicatrisation d'une plaie du pied
Quand la plaie survient malgré les mesures de prévention, la cicatrisation peut nécessiter plusieurs semaines à plusieurs mois, ce qui expose à un risque d'infection et d'amputation. Un autre objectif des nouvelles thérapeutiques est de favoriser le processus de cicatrisation.
Le Dr Olivier Bourron constate de plus en plus d'études « bien faites, randomisées, en double aveugle » présentant un niveau de preuves de plus en plus élevé pour des traitements locaux innovants, comme les patchs multicouches cellulaires (globules blancs, plaquettes, fibrine). Réalisables au pied du lit du patient, ces LeucoPatch®, obtenus à partir de sang centrifugé, sont apposés directement sur la plaie [4]. « Il y a des résultats très significatifs en termes d'amélioration du temps de cicatrisation ou d'obtention de cicatrisation complète » indique Olivier Bourron. Quant à l'oxygénothérapie pressurisée locale, c’est un traitement topique encore plus récent qui réduit lui aussi le temps de cicatrisation et favorise la cicatrisation complète [5].
Enfin, les pansements, très importants dans la prise en charge des plaies du pied, bénéficient aussi d'avancées à l'instar de ceux avec une matrice TLC-NOSF qui permettent d'agir sur les facteurs freinant la cicatrisation. « Ils sont déjà disponibles dans les services spécialisés de prise en charge du pied diabétique. Ces nouvelles technologies nous rendent optimistes concernant la diminution de cette complication majeure du diabète et des risques d'amputation chez le patient diabétique » a-t-il conclu.
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Citer cet article: Pied diabétique : nouvelles stratégies de prévention et de guérison des plaies - Medscape - 21 mars 2022.
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