Genève, Suisse – L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’insurge contre les attaques, particulièrement nombreuses et insistantes, contre les services de santé en Ukraine et dit travailler « jours et nuits » pour maintenir les chaines d’approvisionnement de matériel médical [1,2]. Elle appelle par ailleurs « à un cessez-le-feu immédiat, y compris à un accès sans entraves de sorte à ce que toutes les personnes qui en ont besoin aient accès à l’aide humanitaire ».
Cruauté inconcevable
« Aujourd’hui, nous appelons à l’arrêt immédiat de toutes les attaques visant les services de santé en Ukraine, affirme l’OMS dans un communiqué. Ces attaques effroyables tuent et blessent grièvement des patients et des soignants, détruisent des infrastructures de santé vitales et forcent des milliers de personnes à renoncer à accéder aux services de santé alors que les besoins sont catastrophiques.
S’attaquer ainsi aux populations les plus vulnérables – des nourrissons, des enfants, des femmes enceintes, des malades ou encore des soignants, qui risquent leur vie pour sauver celle des autres – est un acte d’une cruauté inconcevable ».
Au moment de la publication de ce communiqué, à savoir le 13 mars dernier, le système OMS de surveillance des attaques visant les services de santé recensait 31 attaques visant les services de santé. En date du 17 mars, ce même système comptabilisait déjà 43 attaques. D’après ces informations, 34 établissements de soins ont été endommagés ou détruits, des ambulances ont été endommagées ou détruites dans 7 cas. Au moins 12 personnes ont été tuées et 34 autres blessées dans ces attaques qui ont également entravé l’accès aux services de santé essentiels et leur disponibilité.
Mercredi dernier, lors d’une conférence de presse, Michael Ryan, responsable des programmes d’urgence de l’OMS, disait ne jamais avoir assisté « à une telle quantité d’attaques sur les systèmes de santé » et dénonçait le fait que « la santé soit devenue une cible ». « Cela commence à faire partie de la stratégie et des tactiques de la guerre. C'est totalement inacceptable, c'est contraire au droit humanitaire international », a-t-il dénoncé.
Besoins de santé des femmes enceintes, des jeunes mères
Dans son communiqué, l’OMS rappelle que les attaques ciblant les services de santé et les agents de santé ont des répercussions directes sur l’accès des populations aux services de santé essentiels, en particulier pour les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables. « Nous avons déjà constaté que les besoins de santé des femmes enceintes, des jeunes mères, des jeunes enfants et des personnes âgées augmentent en Ukraine, alors même que les violences limitent gravement l’accès aux services », écrit-elle. L’attaque russe d’un hôpital pédiatrique dans la ville portuaire de Marioupol, unanimement condamnée, en est un exemple récent.
L’OMS alerte une fois de plus sur les réserves d’oxygène et de fournitures médicales, y compris pour la prise en charge des complications de la grossesse, qui, dit-elle, « sont à des niveaux dangereusement bas ».
Il faut assurer « « le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et la protection des civils ». Cela passe par la possibilité de « prodiguer les services de santé essentiels et les renforcer, en toute sécurité ». Par peur d’une potentielle reprise épidémique Covid-19 ou de résurgence de maladies infectieuses comme la poliomyélite, l’OMS insiste sur la nécessité de maintenir la vaccination contre le Covid-19 et la poliomyélite (voir encadré). « L’approvisionnement en médicaments vitaux pour les civils dans toute l’Ukraine ainsi que pour les réfugiés vers les pays voisins » doit pouvoir être, lui aussi, garanti.
Organiser et sécuriser l’aide humanitaire
En plus, de demander l’arrêt les attaques contre tous les services de soins et les autres infrastructures civiles, l’OMS fait savoir qu’elle travaille jour et nuit, avec ses partenaires à organiser l’acheminement de matériels médicaux de première nécessité de façon à éviter les ruptures de stock, que ce soit en insuline, en oxygène, en anesthésiques et en kits de transfusion sanguine [2]. Afin de faire transiter des générateurs d’oxygène, des générateurs électriques, des défibrillateurs, des bandages et autres matériels de première nécessité jusqu’en Ukraine, sur les sites qui en ont le plus besoin, l’OMS a installé un « hub » en Pologne. Environ 100 tonnes de ces fournitures ont été fournies, a précisé le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus lors de la conférence de presse. Autre exemple, l’OMS a fait livrer deux appareils de ventilation mécanique aux hôpitaux de Kyiv et 14 tonnes de kits pour assurer les premiers soins et prendre en charge les traumas à Lviv.
Néanmoins pour que ce matériel puisse servir, il faut que les infrastructures et les professionnels de santé soient protégés. « Nous devons être capables d’approvisionner en toute sécurité les centres de santé, les structures temporaires et les abris souterrains en fournitures médicales d’urgence – y compris celles requises pour les soins obstétriques et néonataux », écrivent l’OMS et ses partenaires l’UNICEF et le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population).
Garantir un accès sécurisé aux soins est essentiels. « Il en va de la responsabilité des deux camps, a insisté Michael Ryan. « Que les gens puissent être soignés quand ils sont blessés est le plus basique des droits humains, et il est actuellement nié », a-t-il affirmé.
Polio : un risque de résurgence
L’invasion russe en Ukraine a interrompu ou du moins grandement perturbée une campagne de vaccination contre la poliomyélite (polio) chez les enfants âgés de 6 mois à 6 ans qui avait démarré dans le pays le 1er février 2022 [3]. Cette campagne de rattrapage venait en réponse à l’apparition de cas en Ukraine en octobre 2021. La première étape devait durer 3 semaines et concerner près de 140 000 enfants à travers le pays.
Une couverture très insuffisante de la polio en Ukraine pendant des années avait conduit à ce qu’une grande quantité d’enfants reste vulnérable à cette infection. Alors que la couverture s’était progressivement améliorée au cours des dernières 6 années, en 2020, seulement 84% des enfants de 1 an avaient reçu le schéma complet de 3 doses de vaccin polio, rappelait l’OMS en février [3].
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Citer cet article: L’OMS s’insurge contre les nombreuses attaques sur le système de santé en Ukraine - Medscape - 18 mars 2022.
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