Ukraine : témoignage du Dr Ram Vadi de l’ONG britannique UK-Med

Rachel Pugh

Auteurs et déclarations

15 mars 2022

Ukraine – Avec la guerre en Ukraine, les besoins humanitaires sont énormes tant le nombre de réfugiés est grand et l'état des hôpitaux désastreux. Le Dr Ram Vadi de l’ONG britannique UK-Med s’est rendu dans l’ouest du pays via la Pologne. Voici son témoignage.

Vol pour Varsovie

En balayant des yeux les étagères vides et le vieil équipement médical datant de l'ère soviétique de la pharmacie de l'hôpital de province à proximité de la frontière polonaise, le Dr Ram Vadi réfléchit à comment déployer de l'aide médicale en Ukraine. Car il ne s'agira pas seulement d'aider les colonnes de dizaines de kilomètres de civils fuyant la guerre, mais aussi de gérer la prochaine vague d'Ukrainiens qui sera, elle, constituée de réfugiés blessés et traumatisés venant de villes bombardées. Ram Vadi est le directeur médical de l'organisation anglaise UK-Med, une ONG indépendante spécialisée dans les urgences humanitaires depuis plus de 25 ans. Active au moment la guerre de l'ex-Yougoslavie et notamment pendant le siège de Sarajevo, mais aussi présente auprès des populations lors des catastrophes naturelles depuis 1987, elle est l’une des premières ONG étrangères à avoir pénétré le territoire ukrainien après le début de la guerre.

Il n’a fallu que quatre jours au Dr Vadi et à Tom Godfrey, le directeur humanitaire de UK-Med, pour prendre un vol pour Varsovie. En lien avec des partenaires locaux du PCPM (Polish Centre For International Aid), UK-Med a établi un camp de base dans la ville polonaise de Rzesow à une heure de route de la frontière ukrainienne. Elle a aussi prospecté une zone à l'ouest de l'Ukraine, aux alentours de Rava-Rus’ka, où elle délivrera ses premiers soins.

« Nous avons planifié de rester pour un minimum de six mois » indique le Dr Vadi. « Cela dépendra surtout de l'évolution du conflit. Tout semble indiquer que la Russie va frapper de plus en plus fort, ce qui signifie que de plus en plus de gens vont quitter les villes. »

 

Le Dr Ram Vadi à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne.

Des besoins de matériels et de personnels m édicaux

Les besoins sont aussi gigantesques qu'urgents : du paracétamol, du matériel chirurgical, des antibiotiques, des solutions de perfusion, des bandages... Il faut savoir qu'avant le conflit, le pays était déjà sous-doté. Aujourd'hui, la mission de Ram Vadi et de Tom Godfrey est d'établir rapidement des plans d'action et, concrètement, d'apporter des couvertures et des boissons chaudes aux milliers de femmes et d'enfants massés à la frontière alors que les températures sont glaciales. Mais les deux humanitaires savent que la situation, instable, risque d'empirer.

La semaine dernière, UK-Med a envoyé trois personnes supplémentaires (une infirmière pédiatrique, un ambulancier britannique et un chirurgien orthopédique) pour commencer à travailler dans l'hôpital ukrainien, dont le nom est conservé secret pour des raisons de sécurité. Cinq autres personnes devraient arriver prochainement pour travailler à l'hôpital et faire remonter les besoins supplémentaires depuis le terrain.

Et le défi est considérable. Un seul chirurgien de traumatologie travaille dans cet hôpital de 30 lits, qui pourra augmenter sa capacité maximale jusqu'à 100 lits. Les besoins sont d'ores et déjà dépassés en chirurgie générale et en obstétrique étant donné le nombre colossal de réfugiés. UK-Med souhaite former le seul anesthésiste, jeune et inexpérimenté, de l'hôpital. Beaucoup de personnels de l'hôpital sont partis. On compte désormais seulement deux ou trois infirmières en journée et un médecin et une infirmière pour la nuit.

Mettre en place un service de soins mobile

Si, jusqu'à maintenant, UK-Med était une des rares organisations présentes dans la zone, d'autres ONG et des organisations des Nations Unies sont arrivées dans l'est de la Pologne, où l'exode des civils ukrainiens est la plus massive. Elles sont en train de mettre en place des cliniques mobiles tout comme UK-Med qui constitue avec PCPM une équipe d'une trentaine de personnes.

« L'expérience nous a appris qu'il était toujours possible pour une ONG de soutenir une structure (hôpital, clinique, dispensaire) mais que, souvent, les populations ne pouvaient pas l’atteindre. Si les personnes sont blessées, nous pourrons venir à elles. Nous serons en voiture avec un chauffeur et un médecin disposant d'un équipement médical basique pour stabiliser ou transférer les patients » détaille le Dr Vadi.

Originaire du Canada, Ram Vadi, 37 ans, est passionné par son travail. Après avoir étudié la médecine à l'université de Zagreb en Croatie, et s'être spécialisé en médecine d'urgence, il a obtenu un diplôme de santé reproductive dans les pays en développement de la Liverpool School of Tropical Medicine, suivi un double master en santé publique et développement de la United Nations University et de la Maastricht Graduate School of Governance, et enfin validé un certificat professionnel en économie à la Harvard University.

Il poursuit : « Nous avons entendu des témoignages de femmes accouchant à la frontière et d'enfants mourant à cause du froid. Nous pouvons proposer des services immédiats. Vous pouvez aider une femme à accoucher dans une voiture. Vous pouvez réchauffer un enfant et mettre en œuvre les premiers soins en attendant d'emmener la mère et l'enfant à l'hôpital ».

Le Dr Ram Vadi, directeur médical de l’ONG UK-Med, se rend dans le bloc opératoire d’un hôpital dans l’ouest de l’Ukraine.

Une situation qui se dégrade

La situation se dégrade. Le Dr Vadi sait bien que d'ici peu le conflit va empirer et que les équipes médicales et humanitaires devront prendre en charge des patients blessés et traumatisés, exposés à une onde de choc, blessés par balle ou brûlés, sans parler de ceux qui vont souffrir d'une aggravation de leur maladie chronique ou de ceux qui tout simplement tombent malades.

Projetant une crise humanitaire prolongée dans une zone sous-équipée, UK-Med souhaite mener une action durable. « Nous devons inclure la formation pour le personnel de santé local et apporter des ressources » prévoit Ram Vadi. « On n'est pas dans un cas où on répond aux besoins et on s'en va, sans rien laisser derrière nous. Habituellement, dans une zone de conflit, quand notre staff repart, il ne revient jamais. Ici, nous voulons augmenter le niveau de compétences des personnels locaux si bien qu'ils seront capables de tenir le cap lorsque nous partirons ».

Par ailleurs, la pandémie de Covid est toujours problématique en Ukraine et les vaccinations de routine des enfants pourraient être interrompues à cause de la guerre, les médecins s'attendent donc à des flambées de maladies comme la rougeole. Les travailleurs humanitaires, eux, s'inquiètent que les réserves alimentaires deviennent plus rares.

Pour fournir toute l'aide nécessaire, UK-Med a besoin de dons. Tout est détaillé sur le site internet de l'association.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.co.uk sous l’intitulé “On the Frontlines: Delivering Care to Refugees Fleeing Ukraine ».  Traduit/adapté par Marine Cygler.

 

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