« Valérie Pécresse veut que chaque Français puisse avoir accès à un médecin ». Ses propositions

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

15 mars 2022

France — Le C à 30 euros, un recrutement massif à l’hôpital, la formation de deux fois plus de médecins, des docteurs juniors en zone sous-dense et des soins accessibles à tous en moins de 30 minutes, voilà la recette de Valérie Pécresse pour arriver au « zéro désert ». Son référent santé, le Pr Philippe Juvin, chef des Urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, explique comment la candidate à la présidentielle des Républicains compte s’y prendre pour réformer le système de santé et redonner un médecin à tous les Français.

Selon une enquête de leur Ordre, 79 % des médecins estiment que le système de santé s’est détérioré ces dernières années. Partagez-vous ce constat ?

Pr Philippe Juvin : Oui, nous partageons ce constat. Le programme santé de Valérie Pécresse a pour objectif d’augmenter de trois ans l’espérance de vie des Français à l’horizon de dix ans.

L’hôpital traverse une crise d’attractivité inédite. Malgré les revalorisations du Ségur de la Santé, les soignants le quittent. Il n’a jamais autant manqué d’infirmières. Que faire pour redonner envie de travailler à l’hôpital ?

Pr Juvin : Les professionnels de santé connaissent ces dernières années une perte de sens de leur métier. Nous ne pouvons plus l’ignorer. Les pratiques professionnelles évoluent, les soignants aspirent à travailler à temps partiel. Nous devons donc former plus de monde – Valérie Pécresse souhaite recruter 25 000 soignants hospitaliers supplémentaires pendant le prochain quinquennat – et faire en sorte que les soignants puissent avoir davantage de temps pour s’occuper de leurs patients. Nous devons aussi simplifier les tâches administratives qui leur prennent trop de temps, débureaucratiser, faire en sorte que les décisions soient davantage médicalisées. Il nous faut aussi imaginer de nouveaux parcours de prise en charge des patients.

 
Les professionnels de santé connaissent ces dernières années une perte de sens de leur métier. Nous ne pouvons plus l’ignorer.
 

Etes-vous favorables avec Valérie Pécresse à de nouvelles délégations de tâches ?

Pr Juvin : Oui, nous devons les favoriser, imaginer un système où le patient est suivi par une équipe avec un médecin, un.e infirmier, un.e kiné, un.e aide soignante. La notion d’équipe doit devenir une référence dans le monde libéral. L’enjeu des prochaines années, ce sera la coordination des soins ! Qu’elle soit gérée par les médecins mais aussi par les infirmières et avec de nouvelles fonctions confiées à d’autres professions de santé comme les infirmières ou les pharmaciens. Une récente étude du Journal of thoracic Oncology montre que la seule amélioration de la coordination des soins permet un gain de temps de vie.

Comment expliquer la dégradation de la situation à l’hôpital ?

Pr Juvin : On a assisté ces dix dernières années à un appauvrissement sans précédent de l’hôpital avec un effort financier de 10 milliards d’euros d’économies depuis 2015, avec 18 000 lits fermés ces 5 dernières années. Et actuellement, environ 15 % de lits sont fermés, faute de personnels. Les professionnels de santé de l’hôpital ne sont pas écoutés, comme l’ont illustrés les mouvements sociaux à l’hôpital et aux urgences de 2018-2019. De plus, on a assisté à une opposition systématique du public et du privé.

Faut-il abolir ou revoir la T2A comme le réclament de nombreux candidats ? Que propose Valérie Pécresse pour le financement de l’hôpital ?

Pr Juvin : Tout le monde dit que la T2A, c’est le diable mais personne ne l’a changée ! C’est un système de financement qui paie l’hôpital pour l’activité qu’il réalise. Comme le disait Churchill de la démocratie, la T2A est « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ». Valérie Pécresse propose de le garder en l’aménageant, en payant mieux les actes intellectuels et certains actes techniques sous-évalués.

La situation de la médecine de ville n’est pas plus reluisante. 6 millions de Français n’ont pas accès à un médecin traitant, les inégalités d’accès aux soins se creusent. En quoi consiste le plan « Zéro désert » de Valérie Pécresse ?

Pr Juvin : Notre objectif est que chaque Français puisse avoir un médecin. Comment ? En formant plus de monde (Valérie Pécresse propose de doubler le nombre de médecins formés chaque année d’ici la fin du quinquennat, NDLR), en ajoutant une année d’internat de médecine générale supplémentaire (en passant le DES de 3 à 4 ans, NDLR) pour parfaire la formation de ces docteurs juniors dans des maisons de santé où ils seront bien encadrés. A l’issue de cette année, les médecins pourront rester s’ils le veulent.

Faut-il revoir la liberté absolue d’installation pour améliorer la présence médicale ? Etes-vous favorables à un conventionnement sélectif ?

Pr Juvin : Non, nous y sommes défavorables. Nous pensons que la multiplication des terrains de stage et leur diversité créeront des vocations. Et qu’en portant à 20 000 le nombre d’assistants médicaux, on donnera aux médecins la possibilité d’accueillir 25% de patients supplémentaires. Aujourd’hui, il y a dix fois moins d’assistants que nécessaire. Il faut accélérer leur recrutement.

 
En portant à 20 000 le nombre d’assistants médicaux, on donnera aux médecins la possibilité d’accueillir 25% de patients supplémentaires.
 

Valérie Pécresse promet de porter la consultation des généralistes à 30 euros. Est-ce réaliste ? Quelles contreparties pourraient être demandés aux médecins ? Veut-elle donner plus de place aux forfaits ?

Pr Juvin : La revalorisation du C à 30 euros s’effectuerait sans contrepartie et coûterait un milliard d’euros par an. La vraie question est : combien vaut une heure de travail d’un médecin ? Le C à 30 euros est un début de réponse. Nous sommes attachés au paiement à l’acte pour les médecins libéraux. Il faut le compléter avec certains forfaits, par exemple pour bien traiter les ALD, effectuer une prévention de qualité.

 
La revalorisation du C à 30 euros s’effectuerait sans contrepartie et coûterait un milliard d’euros par an.
 

Cette crise et un récent livre ont mis au jour la souffrance et même la maltraitance des personnes âgées en Ehpad. Comment changer ce système ?

Pr Juvin : Nous devons repenser le parcours des personnes âgées, leur laisser le choix entre le maintien à domicile qu’il faut favoriser, dans des établissements similaires aux maisons de retraite médicalisées pour les personnes peu dépendantes, ou en Ehpad pour les moins autonomes. Nous proposons d’appliquer dans les Ehpad des critères de qualité rendus publics (nombre de couches par semaine, qualité des repas, promenade…). Nous renforcerons aussi le taux d’encadrement avec 8 encadrants pour 10 résidents (contre 6 actuellement).

Les comptes sociaux n’ont jamais autant été dans le rouge. Faut-il se résoudre à ne pas rétablir rapidement l’équilibre des comptes ? Quid du projet de Grande Sécu, un unique système de prise en charge des dépenses de santé ?

Pr Juvin : Le projet de grande Sécu est illogique et consisterait à ce qu’il n’y ait plus qu’un organisme payeur, nous y sommes opposés. Il faut mettre autour de la table l’Assurance maladie et les complémentaires santé et répartir leurs missions, notamment le pilotage de la prévention pour que les assurances et les mutuelles ne soient plus des payeurs aveugles.

Les autres mesures santé de la candidate :

Confier le pilotage des ARS aux présidents de région pour mieux adapter les besoins aux territoires.

Garantir à tous un accès aux soins (consultation, prise en charge hospitalière, service d’urgence) à moins de 30 minutes de son domicile et diviser par deux le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous médical d’ici la fin du quinquennat.

Supprimer une partie du personnel administratif afin de « donner un nouveau souffle à l’hôpital ». 

Engager un plan massif de rattrapage des retards de soins

Accélérer les efforts de recherche et de prise en charge concernant les COVID longs, en les reconnaissant comme une affection longue durée (ALD)

Engager une « révolution de la prévention », en doublant les moyens qui lui sont dédiés. Valérie Pécresse propose de décentraliser cette politique en la confiant aux départements, avec l’appui des régions et des maires

Créer un Institut national de la santé mentale, lutter contre les cancers pédiatriques et améliorer la santé des femmes sont érigées en priorités d’un éventuel quinquennat

Instaurer une prime à la natalité de 900 euros par an pour le premier enfant, et ce, jusqu’aux 18 ans de l’enfant

Mieux lutter contre les fraudes avec des outils de contrôle numérique renforcés, comme la carte vitale biométrique par exemple.

 

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