Statines en prévention primaire : l'USPSTF en passe de modifier ses recommandations

14 mars 2022

Etats-Unis – Le groupe d’experts indépendants qui émet des recommandations en termes de prévention aux Etats-Unis – l’US Preventive Services Task Force – a publié un projet de directives sur l’utilisation des statines pour prévenir les maladies cardiovasculaires (MCV). Celui-ci stipule que les personnes âgées de 40 à 75 ans à haut risque de MCV devraient prendre des statines pour prévenir un premier infarctus ou AVC (grade B). Les personnes entre 40 et 75 ans qui ont un risque augmenté – mais pas un risque élevé – de MCV pourraient tirer bénéfice des statines et devraient décider avec leurs médecins si prendre des statines est une bonne chose pour eux (grade C). D’autres études sont nécessaires pour savoir si les personnes de plus de 76 ans devraient démarrer des statines (grade I). Des recommandations s’appliquent uniquement aux personnes sans antécédents cardiovasculaires et qui ne prennent pas déjà des statines, résume le communiqué de presse.

Les recommandations proposées sont ouvertes aux commentaires du public jusqu'au 21 mars. Elles prennent en compte des données plus récentes mais sans varier substantiellement par rapport au document de l'USPSTF publié en 2016 et qu'elles sont censées remplacer.

Projet de recommandation

Dans le détail, le groupe de travail a conclu « avec une certitude modérée » que la prescription d'une statine est cliniquement bénéfique aux adultes de 40 à 75 ans sans MCV mais présentant au moins un facteur de risque majeur et dont le risque de MCV à 10 ans est d'au moins 7,5 %. Les facteurs de risque à prendre en compte sont notamment la dyslipidémie, le diabète, l'hypertension et le tabagisme.

Selon le nouveau rapport, le bénéfice net du traitement par statine est « à minima léger » chez les personnes dont le risque de MCV à 10 ans est compris entre 7,5 % et 10,0 %. Pour l'USPSTF, cela signifie que ces personnes « peuvent tirer un bénéfice des statines et devraient discuter d'une telle prescription avec leur médecin. »

En outre, note le rapport, le bénéfice net du traitement par statine est « au minimum modéré » pour les personnes présentant un risque de MCV de 10 % ou plus au cours de la prochaine décennie et qui, selon le communiqué de presse, « devraient prendre une statine pour prévenir une première crise cardiaque ou un premier AVC. »

« Ce projet de recommandation est en fait conforme à la recommandation de 2016 », explique le Dr John Wong (Ecole de médecine de l'université Tufts, à Boston), qui fait partie du groupe de travail. « Les données continuent à montrer que les statines sont un outil important pour prévenir les premières crises cardiaques et les premiers AVC. Le fait qu'une personne doive prendre une statine dans le cadre de cette prévention dépend largement de trois facteurs : son âge, le fait qu'elle présente ou non l'un des principaux facteurs de risque, et son risque individuel de subir un tel premier événement cardiovasculaire. »

Malgré quelques petites différences, les recommandations de l'USPSTF sont en forte concordance avec les recommandations 2018 sur la gestion de la cholestérolémie de l'American Heart Association (AHA), de l'American College of Cardiology (ACC) et de 10 autres sociétés. Ces recommandations comptent parmi les plus importantes dans le domaine de la dyslipidémie.

« Bien détaillé et pensé, le document soumis par l'USPSTF mérite d'être lu », estime le Dr Neil Stone, le vice-président du comité rédactionnel des recommandations 2018 citées plus haut. « J'estime que nous dépensons souvent trop d'énergie à comparer les différentes recommandations. Il y a des leçons à tirer de chacune d'entre elles, et je pense que nous sommes d'accord sur un très grand nombre de points avancés dans celles-ci. »

Il convient de noter que selon l'USPSTF elle-même, l'examen des données sur lesquelles le groupe de travail a élaboré ses recommandations ne reposait pas sur une base suffisante pour déterminer les avantages et les risques des statines chez les adultes de plus de 75 ans sans antécédents de MCV. « En l'absence de tels éléments de preuve, les médecins devraient utiliser leur sens clinique pour savoir s'ils doivent proposer une statine à un patient de ce groupe d'âge. »

22 études cliniques

Les travaux se sont appuyés sur 22 études cliniques pour obtenir des données sur les avantages des statines. Avec le traitement par statines, les auteurs ont constaté une diminution significative des risques de décès toutes causes confondues, d'AVC et d'infarctus du myocarde. Le nombre total de participants à ces études s'élevait à plus de 85 000 pour l'évaluation de la mortalité toutes causes confondues et à plus de 76 000 pour chacun des deux autres critères d'évaluation.

En ce qui concerne les éventuels inconvénients liés au traitement par statines, l'examen des données portait sur 19 études cliniques, avec un recrutement combiné d'environ 75 000 personnes (deux études de plus que pour le rapport 2016), auxquelles s'ajoutaient 3 études observationnelles incluant plus de 400 000 participants. Les auteurs ont observé que les statines n'étaient pas associées à un risque accru de retrait de l'étude en raison d'effets indésirables, et qu'il n'y avait pas non plus de signes de risque accru de myalgie ou d'apparition d'un diabète.

Le rôle du score calcique

« Les études ajoutées ont apporté environ 15 000 patients supplémentaires », commente John Wong. « Le résultat est cohérent lorsque nous combinons ces données avec les données plus anciennes : les statines ont contribué à prévenir un premier AVC ou une première crise cardiaque chez les personnes qui présentent un risque élevé de subir un tel événement. »

Une majorité des études analysées par l'USPSTF ont utilisé un traitement par statine d'intensité modérée. Sur base des données disponibles, le groupe de travail estime que l'utilisation d'une thérapie par statine d'intensité modérée semble rationnelle en prévention primaire des MCV chez la plupart des personnes. En revanche, si les recommandations AHA/ACC 2018 abordent favorablement l'utilisation d'une statine d'intensité élevée les patients à risque plus élevé et qui peuvent les tolérer, le rapport de l'USPSTF ne leur attribue qu'un rôle relativement mineur.

Il existe d'autres légères différences entre les deux documents, et au moins une éventuelle divergence importante : le rôle du score calcique des artères coronaires (CAC) dans la décision de prescrire ou pas une statine. Ce type de score ne fait pas partie des recommandations de l'USPSTF, alors qu'il figure en bonne place dans les recommandations 2018 en tant qu'élément décisif pour les médecins et les patients qui hésitent à initier le traitement.

« Je pense que là où les recommandations AHA/ACC apportent une contribution importante, c'est en abordant le patient d'une manière plus personnalisée, et avec l'utilisation judicieuse de score de calcium coronarien dans les cas de doute sur l'intérêt de la prescription », ajoute Neil Stone. « A mon avis, l'USPSTF devrait revenir en arrière et prendre en compte le score CAC pour améliorer l'évaluation du risque individuel. »

 

Cet article intitulé USPSTF Tweaks Primary Prevention Statin Recommendations in New Draft Guidance a été publié initialement sur Medscape.com. Traduction/adaptation du Dr Claude Leroy.

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