
Caroline Fiat
France— Quel est le programme de la France insoumise (LFI) pour la santé ? Dans le cadre de notre série d’entretiens sur les propositions santé des principaux candidats à l’élection présidentielle, Medscape a interrogé le la députée Caroline Fiat, expert santé auprès de Jean-Luc Mélenchon.
Medscape édition française : Faut-il revoir le financement de l'hôpital ?
Caroline Fiat : pour la France insoumise, les choses sont claires, nous supprimons l'Ondam (objectif national de dépense de l’assurance maladie), pour que les établissements de santé puissent investir. Il y en a plus qu'assez de voir les personnels souffrir, il faut que ces investissements soient décidés pour le bien des personnels et des usagers.
Que faudrait-il faire pour réenchanter l'hôpital ?
Caroline Fiat : Nous avons perdu plusieurs dizaines de milliers d'infirmiers qui ont changé de profession, parce qu'ils ne pouvaient plus prendre en charge les patients comme on le leur avait appris. Si, demain, on leur propose des conditions de travail dignes, avec un ratio soignant/patient raisonnable, avec la garantie de pouvoir faire dignement son travail, je vous assure que l'on va récupérer une grande partie des infirmiers et des aides-soignants qui ont fui l'hôpital.
Qu'appelez-vous faire dignement son travail ?
Caroline Fiat : Par exemple, il faut que l'on respecte le fait qu'un soignant a besoin d'au moins trente minutes pour faire la toilette d'un patient. Il faut un ratio de personnel objectif et fonctionner comme dans les crèches, si l'on n'a pas ce ratio alors on ne peut pas travailler. Il faut aussi que l'on trouve le temps de faire les transmissions. Il faut que l'on trouve le temps de prendre en charge les patients. Il faut aussi que les soignants trouvent le temps de décompresser, entre deux patients, pour éviter de déverser leur colère et leur frustration sur d'autres patients ou soignants.
La pandémie de Covid a-t-elle eu un impact sur le programme santé de la France insoumise ?
Caroline Fiat : Dès le programme L'avenir en commun de 2017, nous avions expliqué qu'il fallait laisser respirer les établissements de santé. Nous avions aussi écrit que si la France devait traverser une tragédie sanitaire, l'hôpital public ne se relèverait pas. Donc au final la pandémie n'a rien changé à notre programme, mais cela nous a alertés sur le fait que chaque année, les hospitaliers demandaient plus de moyens. Il y a aussi des choses auxquels on n'avait pas pensé, comme l'oxygénothérapie dans les ehpad, par exemple. Il est par ailleurs totalement pertinent de mettre de l'oxygénothérapie dans tous les établissements de santé.
Quelles sont les propositions de la France insoumise pour la médecine libérale ?
Caroline Fiat : Nous avons pour projet de développer les centres de santé, qui ont fait leur preuve. Il ne faut surtout pas les confondre avec les maisons de santé. Les centres de santé proposent des restes à charges nuls et salarient ces personnels, y compris les médecins. Il faut que ces structures ne soient pas éloignées de plus de 30 minutes des usagers. Il faut aussi lancer un gros travail avec les facultés de médecine pour envoyer les internes dans les centres de santé, afin que plus tard, ils décident d'y travailler. Tout ceci doit fonctionner en réseau multi-disciplinaire. Il faut que dans une même structure on puisse disposer d'un psychologue, un cardiologue, un médecin généraliste... Actuellement, des groupes mutualistes montent ce genre de projets et de structures et le font très bien.
Ce sera suffisant pour régler le problème des déserts médicaux ?
Caroline Fiat : Non, nous avons l'intention de supprimer le numérus clausus, il faut à cette fin créer des postes de professeurs, des postes d'internat et d'externat... Il faut aussi envoyer plus d'étudiants chez les médecins libéraux... Il y a beaucoup de choses à transformer.
Donc vous n'êtes pas partisane de mesures coercitives ?
Caroline Fiat : Non, pas particulièrement. Je veux dire un mot tout de même des padhue. Il y en a un grand nombre sur notre territoire. Avec une année ou deux de formation, ils pourraient faire de très bons médecins, plutôt que de les exploiter comme aide-soignant. Il faut leur dire que l'on a besoin d'eux, et nous pourrions ainsi satisfaire certains de nos besoins, en termes de démographie médicale. Mais il va de soi que ce n'est pas avec la régularisation des médecins étrangers que l'on va résoudre le problème des déserts médicaux, mais cela montre que l'on peut trouver des solutions pour faire en sorte que tous les Français aient un médecin à moins de trente minutes de chez soi.
Outre la suppression de l'Ondam, y a-t-il d'autres réformes que vous comptez appliquer à la sécurité sociale ?
Caroline Fiat : Oui, évidemment, grâce au "100% sécu", c’est-à-dire le remboursement intégral de toutes les dépenses de santé. Il faut que le soin ne soit plus une source d'inquiétude. Nous comptons également miser sur la prévention. Je vous donne un exemple. Lorsqu'un enfant en bas âge fait une gastro-entérite, il faut lui prescrire un soluté de réhydratation, qui est vital pour lui. Or ce soluté n'est pas remboursé. Les parents qui ne peuvent l'acheter privent leur enfant de ce traitement et l'enfant très souvent finit en hospitalisation. Si ce soluté avait été remboursé, on aurait évité l'hospitalisation. Il faut donc revoir tous les remboursements de médicaments, ce qui nous permettrait de faire énormément d'économie. Aussi, pendant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les parlementaires passent beaucoup de temps à discuter d'exonération sociale. Si nous parvenons au pouvoir, nous allons annuler nombre de ces exonérations.
Quelles sont ses exonérations ?
Caroline Fiat : Comme le CICE, toutes les aides de plusieurs milliards et qui ne donnent aucun résultat, les exonérations sur les primes, qui ne rentrent pas dans le calcul de la retraite... Ces exonérations n'ont pas lieu d'être. Les cotisations sociales ont une utilité, il faut revenir à la philosophie qui a guidé le ministre fondateur de la sécurité sociale, Ambroise Croizat : chacun donne selon ses moyens, et reçoit selon ses besoins.
S'il y avait une mesure à retenir du programme santé de La France insoumise, laquelle serait-elle ?
Caroline Fiat : Le ratio soignants/patients, soignants/résidents. Il faut que la santé retrouve ses lettres de noblesse.
Les autres mesures du programme santé de La France insoumise
prise en charge à 100% des soins par l'assurance maladie
élargir la médecine du travail aux chômeurs
éradiquer les maladies liées à la malbouffe et à l'exposition aux pollutions grâce au plan national santé environnement (PNSE)
légaliser la consommation, la production et la vente de cannabis à des fins récréatives
affecter les recettes des taxes sur le cannabis à des programmes de lutte contre les addictions
mettre fin à l'épidémie de VH en France
faire de la santé publique une discipline majeure du cursus des futurs professionnels de santé
constituer un service public de soins primaires autour des centres de santé
réouvrir des lits hospitaliers
réouvrir des services d'urgence
engager un plan de formation massif des professionnels de santé
revaloriser le salaire des soignants
titulariser l'ensemble des contractuels à l'hôpital
mettre fin aux dépassements d'honoraire
créer un pôle public du médicament
suspendre toutes les données de santé sur le health data hub
développer un service public de prise de rendez-vous en ligne et d'hébergeur des données de santé
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Crédit image de Une : Christophe Archambault/AFP via Getty Images
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Citer cet article: Suppression de l’Ondam, ratio soignant/patients adapté, centres de santé…Les propositions santé de Jean-Luc Mélenchon - Medscape - 14 mars 2022.
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