Genève, Suisse — Alors que 18 attaques étaient recensées contre des hôpitaux, cliniques ou ambulances en Ukraine au 9 mars, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait le point sur les plus grands défis sanitaires auxquels fait face le pays.
Hypothermie, engelures, maladies respiratoires, problèmes mentaux et pénuries de traitements pour les malades cardiaques et cancéreux sont actuellement les plus grandes préoccupations sanitaires auxquelles la population ukrainienne est confrontée, selon l’OMS [1].
L'OMS surveille également les épidémies de maladies infectieuses, alors qu’en Ukraine, de nombreuses personnes sont obligées de s’entasser dans les stations de métro, les sous-sols et autres abris.
Il y aura « sans aucun doute » une augmentation des cas de Covid-19 dans la population ukrainienne, a déclaré le Dr Michael Ryan, directeur exécutif du programme des urgences sanitaires de l'OMS. L’interruption des tests et de la vaccination (qui n’était déjà qu’à 35 %) et le manque d'accès aux traitements devraient accroitre les risques liés à la maladie.
Mais sur le plan infectieux, l'OMS surveille également les signes de résurgence de la rougeole, de la poliomyélite et du choléra.
« La réalité est que les pires conditions sont réunies en Ukraine pour une amplification ou une propagation des maladies infectieuses », a déclaré la Dr Ryan lors d'une conférence de presse mercredi.
Les réfugiés transportent des objets personnels, pas des maladies…
Si les habitants des pays voisins craignent que les réfugiés soient responsables d’épidémies de maladies infectieuses, ils se trompent, a déclaré le Dr Ryan.
Prenant l’exemple du Covid-19, il appelle à ne pas stigmatiser les réfugiés ukrainiens. « En l’état, l'Europe a déjà beaucoup de cas Covid. Les réfugiés ukrainiens ne vont pas changer la donne à ce sujet », a-t-il martelé.
Il rappelle qu’aux points d’entrée des pays voisins de l’Ukraine, des examens de santé, des vaccinations, un soutien en santé mentale et d'autres soins de santé sont proposés. Les professionnels de santé se concentrent aussi sur les besoins des enfants et des femmes, qui représentent la plupart des 2 millions de réfugiés jusqu'à présent, indiquent les dirigeants de l'OMS.
Sont également particulièrement vulnérables les personnes contraintes de rester sur place. Les personnes incapables de partir du pays en raison du conflit, y compris les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques qui ne peuvent pas accéder à leurs médicaments ou à leurs traitements, restent à haut risque.
Le système de soins attaqué
L'OMS a recensé 18 attaques contre des établissements de santé en Ukraine, notamment des hôpitaux, des cliniques et des ambulances. Celles-ci ont fait 10 morts et 16 blessés parmi les professionnels de la santé.
Les informations faisant état d'hôpitaux bombardés pas plus tard que ce jeudi comprennent un hôpital pour enfants et une maternité à Marioupol.
Il existe environ 1 000 établissements de santé de différentes tailles – hôpitaux, cliniques et autres établissements de santé – soit en première ligne, soit à moins de 10 kilomètres des premières lignes.
Obtenir le matériel nécessaire aux hôpitaux est essentiel, mais les hôpitaux ont également besoin d'électricité, d'eau potable et de carburant pour les générateurs, précise le Dr Ryan.
« Toute cette infrastructure et ce soutien technique sont nécessaires pour maintenir un hôpital dans une situation normale. Au milieu d'une guerre, c'est presque impossible », renchérit-il.
« Donc, en fait, le système de santé est en train de s’enfoncer dans ce conflit, englouti dans cette crise. Nous avons constaté que certains hôpitaux étaient abandonnés parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas fonctionner. Il y a une tentative de déplacer l'équipement hospitalier ainsi que les médecins et les infirmières », explique le Dr Ryan.
Il ajoute que des équipes médicales d'urgence sont nécessaires pour soulager les médecins, les infirmières et les autres prestataires surmenés et épuisés.
« Ils n'ont pas de temps libre, ils ne rentrent pas chez eux le soir ou le week-end…», dépeint le Dr Ryan qui ajoute qu’ils travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Par conséquent, « lorsque nous parlons d'attaques contre le système de santé, nous ne parlons pas seulement d'attaques contre les infrastructures. C'est aussi... une attaque contre ces professionnels de la santé, car ils ne pourront pas maintenir cet effort très longtemps ».
Des craintes concernant l'exposition aux radiations
Lors de la conférence de presse, un journaliste a demandé s'il était temps pour les ukrainiens de s'approvisionner en iode, compte tenu de la menace d'exposition aux radiations due au statut précaire des réacteurs nucléaires.
A noter que l'OMS est membre du réseau de préparation et d'intervention d'urgence de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Indiquant que les risques chimiques et nucléaires étaient surveillés, le Dr Ryan a répondu que les pays avaient mis en place des stratégies de préparation depuis l'accident de Tchernobyl en 1986.
« Je suis sûr qu'ils révisent actuellement ces plans », a-t-il précisé.
Aussi, il ne pense pas que le temps soit venu de stocker de l'iode pour se protéger contre les effets de la radioactivité. Mais, il est conseillé aux gouvernements « de veiller à ce que les plans de préparation et les chaînes d'approvisionnement soient en place si une éventualité aussi horrible se produisait ».
Pas de santé sans paix
Malgré les efforts de l'OMS sur plusieurs fronts, « la seule véritable solution est la paix. L'OMS continue d'appeler la Fédération de Russie à s'engager dans une résolution pacifique de cette crise », a soutenu Tedros Adhanom Ghebreyesus le directeur général de l'OMS.
Les perspectives sanitaires en Ukraine ne feront que s'aggraver « à moins que nous n'ayons un cessez-le-feu », a convenu la Dr Ryan. « Pour l’instant, nous mettons des pansements sur des blessures mortelles ».
Cet article a été initialement publié sur Medscape.com sous l’intitulé New Health Crises Emerge in Ukraine as Fighting Continues. Traduit par Aude Lecrubier
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: L’OMS s’inquiète de l’émergence de nouvelles crises sanitaires en Ukraine - Medscape - 11 mars 2022.
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