Lorsque le diagnostic de cancer de l’œsophage est posé à un stade carcinologique précoce, une prise en charge par résection endoscopique peut être proposée, permettant d’améliorer significativement le pronostic. Comment déterminer quels patients peuvent être candidats à une résection endoscopique ?
Le cancer de l'œsophage est la 6e cause de mortalité liée au cancer dans le monde. Jusqu'à récemment, le carcinome épidermoïde de l'œsophage était le sous-type histologique le plus fréquemment retrouvé en analyse anatomo-pathologique. Dans les pays occidentaux, cette incidence a été récemment dépassée par l'adénocarcinome.[1]
Malgré des avancées significatives ces dernières années dans le développement de nouvelles technologies permettant d’affiner les modalités de diagnostic et traitement du cancer de l’œsophage, sa mortalité reste élevée et la survie à 5 ans se situe entre 10 et 25 %.[2,3]
Toutefois, si le diagnostic est posé à un stade carcinologique précoce, une prise en charge par résection endoscopique peut être proposée, permettant d’améliorer le pronostic pour près de 95 % des patients.[1]
Afin de déterminer quel patient pourrait être le candidat idéal à une résection endoscopique, il est essentiel de pouvoir apprécier la profondeur de la lésion, car celle-ci est étroitement liée à son extension et au taux de métastases ganglionnaires. Si la lésion œsophagienne visualisée est correctement stadifiée et que la dissection sous-muqueuse endoscopique est effectuée de manière appropriée, le taux de survie à 5 ans (chez les patients) peut atteindre 98 %.
Qu'est-ce qu'un cancer de l'œsophage précoce ?
Le cancer précoce (ou superficiel) de l'œsophage, classé Tis ou T1 selon la classification TNM (décrite en fin d’article) est défini comme une maladie in situ, limitée à la muqueuse ou à la sous-muqueuse de l'œsophage, ne présentant aucun signe de dissémination.
Les cancers superficiels de stade précoce correspondent au stade 0 (Tis N0 M0) ou stade IA (T1 N0 M0). Jusqu'à 20 % de tous les cas de cancer de l'œsophage représentent un cancer de l'œsophage précoce.
Quels patients pourraient être candidats à un traitement de résection endoscopique ?
Il existe deux grands types histologiques de cancer de l’œsophage :
Le carcinome épidermoïde, développé à partir des cellules épithéliales de la muqueuse, est majoritairement retrouvé. Il représente plus de 65% des cas et est principalement lié à une intoxication alcoolo-tabagique avec un phénomène de dose-effet.
L’adénocarcinome quant à lui se développe au niveau de la partie inférieure de l’œsophage, à partir des cellules glandulaires de la muqueuse et est retrouvé dans 26% des cas. Il résulte en grande partie de la dégénérescence d’un endobradyœsophage (également appelé œsophage de Barrett), lui-même étant la conséquence d’un reflux gastro-œsophagien chronique. Les facteurs de risque pouvant s’associer sont le tabac, l’obésité avec un IMC > 30 kg/m2 et le sexe masculin.
Les patients ayant un carcinome épidermoïde, avec une classification TNM T1a ― correspondant à une lésion tumorale uniquement localisée au niveau de la lamina propria et la musculaire muqueuse sans envahissement des ganglions lymphatiques ni d'invasion vasculaire (ou d’une profondeur inférieure à 200 mm) ― apparaissent comme des candidats à un traitement endoscopique.
La prise en charge consistera en une résection muqueuse endoscopique ou en la réalisation d’une dissection sous-muqueuse endoscopique dans le cas de lésions plus profondes. Cette décision se base sur la classification de Paris. [7,8]
Effectivement, une adaptation de la classification japonaise des cancers superficiels du tube digestif classés « type 0 », a été réalisée en 2003 et a abouti à la classification de Paris qui se base sur l’évaluation de l’aspect macroscopique et le type des lésions visualisées par endoscopie permettant d’apprécier le risque d’envahissement sous-muqueux, et donc le risque de dissémination ganglionnaire des cancers superficiels de l’œsophage. [7,8]
Elle permet de distinguer les cancers superficiels (ou précoces) en deux catégories.
- La première concerne les cancers T1 muqueux (m1 = in situ ou dysplasie sévère en Europe ; m2 = avec envahissement de la muqueuse ; m3 = envahissant la musculaire muqueuse).
- La deuxième catégorie concerne les cancers sous-muqueux, différenciés en sm1 = partie superficielle de la sous-muqueuse soit 200µm pour les carcinomes épidermoïdes et 500µm pour adénocarcinomes ; sm2 = partie moyenne et sm3 = partie profonde de la sous muqueuse).
De cette classification dépendra le traitement endoscopique. [7,8]
En ce qui concerne le carcinome épidermoïde, le risque de métastase ganglionnaire en cas de néoplasie intramusculaire est de 0 à 6 %, tandis qu'en cas d'invasion sous-muqueuse, il s'élève à 8 à 30 % pour le sm1, à 30 à 60 % pour le sm2 et à plus de 60 à 70 % pour le sm3.
Chez les patients classés T1b (tumeur envahissant la sous-muqueuse), un traitement chirurgical est préconisé.[4]
Dans le cas de l'adénocarcinome, le taux de métastases ganglionnaires est de 0 à 2 % pour le stade T1a, de 0 à 2 % pour le sm1, de 0 à 30% pour le sm2 et 20 à 70% pour le sm3. Un traitement de résection endoscopique est alors envisagé chez les patients présentant une dysplasie de haut grade, des lésions uniquement intra-muqueuses ou à faible risque d'invasion sous-muqueuse.
Toujours selon la classification de Paris, les patients présentant des lésions de type I (polypoïde), IIa (légèrement surélevées), IIb (plates) et IIc (légèrement déprimées) apparaissent comme des candidats à un traitement endoscopique.[5]
Quelles sont les techniques d'amélioration des images endoscopiques permettant d'identifier les lésions précoces de l'œsophage ?
Bien que l'endoscopie en lumière blanche soit l’examen standard permettant le diagnostic des lésions gastro-intestinales, les caractéristiques endoscopiques des lésions les plus précoces peuvent être si subtiles qu'elles peuvent ne pas être identifiées à l'œil nu.
Il existe donc certaines techniques d'amélioration de l'image endoscopique comme la chromoendoscopie par coloration (technique de coloration de la muqueuse permettant d’améliorer l'examen endoscopique en lumière blanche en affinant la caractérisation ou l'extension de la lésion) à l’aide de substances telles que le lugol, l'acide acétique, le bleu de méthylène ou l'indigo-carmine.
Afin de préserver la qualité supérieure de l'image obtenue par chromoendoscopie sans avoir recours à l’utilisation de colorants, une technique de chromoendoscopie virtuelle, utilisant une lumière colorée avec ou sans grossissement endoscopique, a été développée. Cette méthode permet de mettre en évidence, via l’utilisation de la longueur d’onde au travers des commandes de l’endoscope, des contrastes numériques facilitant ainsi la visualisation des surfaces des muqueuses et les motifs vasculaires des lésions pathologiques. [6]
L'utilisation de l'échographie endoscopique dans l’étude des néoplasies œsophagiennes précoces est moins répandue en raison de sa faible accessibilité. Elle permet néanmoins de déterminer la présence de métastases ganglionnaires, en particulier chez les patients pour lesquels une invasion sous-muqueuse est suspectée.
D'autre part, des techniques telles que le diagnostic assisté par ordinateur ou l'intelligence artificielle connaitront probablement un grand essor dans les années à venir, de sorte que le diagnostic et le traitement endoscopiques des néoplasies œsophagiennes précoces ont un avenir prometteur. [ 7,8 ]
Classification TNM des cancers superficiels de l’œsophage
Classification TNM |
Cancer superficiel de l’œsophage |
|
---|---|---|
T (Tumeurs) |
Tis |
Carcinome in situ |
T1 |
Tumeur envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse |
|
T1a |
Tumeur envahissant la muqueuse ou la musculaire muqueuse |
|
T1b |
Tumeur envahissant la sous-muqueuse |
|
Regroupement en stade |
Stade 0 |
Tis N0 M0 |
Stade 1A |
T1 N0 M0 |
Cancer superficiel de l’œsophage selon la classification japonaise de Paris
Cancers stade T1a muqueux
m1 = tumeur in situ ou dysplasie sévère en Europe
m2 = tumeur avec envahissement de la muqueuse (épithélium + lamina propria)
m3 = tumeur envahissant la musculaire muqueuse
Cancers stade T1b sous-muqueux
sm1 = tumeur à la partie superficielle de la sous-muqueuse, à partir de la musculaire-muqueuse [≤ 200µm pour les carcinomes épidermoïdes et ≤ 500µm pour adénocarcinomes de l’œsophage]
sm2 = couche moyenne
sm3 = couche profonde de la sous muqueuse
Conjointement à la classification TNM, la classification de Paris permet de classer les différentes lésions selon leur aspect endoscopiques, allant du type 0 qui représente les lésions superficielles aux lésions de type 5 qui correspondent aux carcinomes inclassables.
Type 0 : lésions superficielles polypoïdes, plates, déprimées ou excavées
Type 1 : carcinomes polypoïdes, généralement avec une large base
Type 2 : carcinomes ulcérés avec des marges nettement démarquées et surélevées
Type 3 : carcinomes infiltrés et ulcérés sans limites bien définies
Type 4 : carcinomes non ulcérés et infiltrant de manière diffuse
Type 5 : carcinomes avancés inclassables.
Cet article a été publié originalement sur Medscape édition espagnole , le 22 février 2022.
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Source : Dreamstime
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Citer cet article: Cancer de l'œsophage : quels sont les patients candidats à une résection endoscopique ? - Medscape - 10 mars 2022.
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