Virus Zika: le syndrome congénital associé à une forte mortalité infantile

Mônica Tarantino

Auteurs et déclarations

7 mars 2022

Salvador, Brésil — Chez les enfants ayant développé un syndrome congénital lié à une infection par le virus Zika au cours de la grossesse, la mortalité est quasiment 12 fois plus élevée par rapport à celle des enfants nés sans ce syndrome, selon une étude de cohorte brésilienne portant sur plus de 11 millions de nouveaux-nés suivis pendant trois ans [1].

« Cette différence persiste tout au long des trois premières année de vie », a indiqué la principale auteure de l’étude, la Dr Enny Cruz Paixão (London School of Hygiene and Tropical Medicine, Londres, Grande-Bretagne; CIDACS, Fiocruz-Bahia, Salvador, Brésil), dans un échange avec Medscape édition portugaise. Mais, en excluant la première année, la mortalité apparait 22 fois plus élevée.

3 308 cas de syndrome congénital

Cette étude est la première à rapporter les résultats d’un suivi de trois ans d’enfants atteints du syndrome congénital du virus Zika avec l’objectif d’évaluer le pronostic. En dehors de la taille exceptionnelle de la cohorte, ces travaux ont aussi l’originalité d’apporter une comparaison avec une population d’enfants nés sans ce syndrome.

Le virus Zika se transmet par la piqure du moustique du genre Aedes. Dans 80% des cas, les personnes infectées ne présentent pas ou peu de symptômes. Toutefois, il est désormais établi que l’infection, lorsqu’elle survient pendant la grossesse, peut avoir un effet tératogène à l’origine de malformations, dont la microcéphalie, et de complications neurologiques chez l’enfant à naitre.

Le Brésil est particulièrement touché par le syndrome congénital de Zika. La présence importante du moustique Aedes aegypti dans les villes brésiliennes, combinée à des problèmes sociaux, a facilité la propagation du virus dans ce pays qui a enregistré le taux le plus élevé de syndrome congénital lié au virus Zika lors des flambées épidémiques observées entre 2015 et 2018.

Par ailleurs, les femmes enceintes infectées au Brésil par le virus Zika ont plus de risque d’avoir un enfant microcéphale. Des études ont, en effet, révélé une prévalence de microcéphalie chez le fœtus et le nouveau-né de 42% dans cette population, contre de 6% en Martinique ou en Guadeloupe , par exemple. Des différences qui ne sont pas encore clairement expliquées.

Le pronostic de ces enfants nés avec des anomalies liées à l’infection est peu documenté. Des données préliminaires ont montré un taux de mortalité de 10% pendant les premières années de vie. Mais, il n’y avait pas encore d’études comparatives prenant en compte différents facteurs, comme la durée de la gestation ou le poids à la naissance.

12% de mortalité à trois ans

Après analyse des données concernant près de 11,5 millions d'enfants nés au Brésil entre 2015 et 2018, une équipe de chercheurs, dont Maria da Glória Teixeira, l’une des meilleures spécialistes des arboviroses au Brésil, a pu apporter des précisions sur l’évolution de l’état de santé des enfants nés avec des anomalies liées au virus Zika.

Parmi ces enfants, 3 308 sont nés avec un syndrome congénital du Zika. Dans 20,2% des cas, ils sont nés prématurés (contre 10,2% des enfants sans syndrome Zika), 36,4% avait un poids de naissance <2,5 kg (contre 7,3%). Les mères des enfants présentant des malformations étaient plus jeunes et avec un niveau d’étude plus bas que celles des autres enfants.

Selon l’étude, publiée dans le New England Journal of Médecine (NEJM), 398 enfants avec syndrome sont décédés, soit une mortalité de 12% à trois ans. Elle rapporte 52,6 décès pour 1 000 personnes-années chez les enfants avec un syndrome Zika, contre 5,6 décès pour 1 000 personnes-années chez les enfants sans syndrome. La mortalité est ainsi 11,3 fois plus élevée (IC à 95%, [10,2-12,4]).

Les résultats sont similaires chez les enfants prématurés ou avec un petit poids de naissance (< 1,5 kg). En revanche, parmi les nouveaux-nés pesant 2,5 kg ou plus à la naissance, la mortalité est 12,9 fois plus élevée en cas de syndrome congénital (IC à 95%, [10,9 à 15,3]), le taux étant de 32,6 contre 2,5 décès pour 1 000 personnes-années chez les enfants nés de mère non infectée.

En stratifiant le risque en fonction des périodes (néonatal, post-néonatal, première année de vie, deuxième et troisième année de vie…), le risque relatif apparaît augmenté. En considérant uniquement les enfants de un an et plus, on observe 21,9 décès pour 1 000 personnes-années chez ceux avec syndrome, contre 0,7 décès pour 1 000 personnes-années chez les enfants sans syndrome.

« Une fois la première année de vie passée, les enfants avec un syndrome Zika ont un risque 22 fois plus élevé de décéder, par rapport à ceux qui ne sont pas atteints. C’est presque incroyable, » a commenté la Dr Cruz Paixão. Elle rappelle que la mortalité observée est similaire à ce qui a déjà été rapporté dans de précédentes études.

 
Une fois la première année de vie passée, les enfants avec un syndrome Zika ont un risque 22 fois plus élevé de décéder. Dr Enny Cruz Paixão
 

Renforcer la prévention chez les femmes enceintes

Interrogée sur les difficultés rencontrées lors de l’étude, la chercheuse a évoqué le manque d’interaction entre les différentes bases de données à disposition. « Au Brésil, nous avons une base de données sur toutes les naissances viables, une autre sur la mortalité infantile et encore une autre sur les cas de syndrome Zika. Le premier grand défi est de rassembler toutes ces informations. »

Les chercheurs ont donc effectué un couplage des données d’un même individu issues de différentes bases. « C’est ainsi que nous avons pu obtenir des informations sur tous les nouveaux-nés, découvrir lesquels avaient un syndrome Zika, lesquels sont décédés pendant les trois premières années de vie. C’est un travail couteux et complexe qui a nécessité de recourir à des spécialistes et à de puissants ordinateurs », a précisé la chercheuse.

La mortalité observée dans la population des enfants atteints du syndrome associé au virus Zika amène à une réflexion inévitable sur les moyens de faire face à cette situation, estime la Dr Cruz Paixão. « La première et la plus importantes des recommandations est de mettre en place une prévention primaire pour empêcher les femmes d’être infectées par le virus Zika pendant leur grossesse et réduire le risque que les nouveau-nés développent le syndrome. »

Concernant les populations atteintes, elle estime qu’il est nécessaire de renforcer les connaissances sur l’histoire naturelle du syndrome afin d’améliorer la survie et la qualité de vie des enfants et de leurs familles. Selon les chercheurs, une étude sur les causes d’hospitalisation des enfants atteints du syndrome pourrait être menée pour développer une prise en charge spécifique et réduire les hospitalisations et le décès.

A l’heure actuelle, en raison de la pandémie de Covid-19 et d’attaques informatiques ayant visé les bases de données de santé brésiliennes, il est difficile de connaitre l’évolution du taux d’infection par le virus Zika au Brésil, ont précisé les chercheurs.

 

Cet article a été publié dans l’édition portugaise de Medscape.com sous le titre Mortalidade de crianças com síndrome congênita associada a infecção por Zika é cerca de 12 vezes maior do que em crianças sem a síndrome. Traduit et adapté par Vincent Richeux.

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