Avec Omicron, les réinfections s'emballent

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

28 février 2022

France – Les cas de réinfection par le SARS-CoV-2 sont-ils nombreux ? Est-ce que le variant Omicron, si contagieux, a changé la donne ? Santé Publique France (SPF) est en mesure de répondre par l'affirmative à ces questions. L'organisme public vient en effet de publier les premières données sur des cas possibles de réinfection par le SARS-CoV-2. Si 416 995 cas possibles de réinfection ont été identifiés entre le 2 mars 2021 et le 27 janvier 2022, l'écrasante majorité, 384 375  cas (soit 92 % des cas) l'ont été depuis le 1er décembre 2021, au moment où Omicron, devenu largement majoritaire sur le territoire, circulait beaucoup.

Il y a une suspicion de réinfection quand une personne est testée positive pour le SARS-CoV-2 une seconde fois au moins deux mois après une première infection. Ce délai de 60 jours permet de s'assurer qu'il s'agit bien d'une deuxième infection. « Certains patients continuer à excréter le virus pendant très longtemps, jusqu'à plusieurs semaines post-infection. Deux mois est une limite arbitraire choisie dans l'étude pour affirmer qu'il s'agit d'une réinfection » confirme le Pr Jean-Daniel Lelièvre (immunologiste, hôpital Henri Mondor, Créteil), interrogé par Medscape édition française.

Flambée de réinfections liée à la différence entre les 1ères souches et Omicron

D'après les données issue de la base SIDEP, les cas de réinfection représentaient 0,8 % de l’ensemble des cas confirmés de Covid-19 entre le 2 mars 2021 et le 5 décembre 2021. A partir du 6 décembre 2021, cette proportion est passée à 3,6 % de l’ensemble des cas confirmés de Covid-19. De fait, une très grande majorité des cas possibles de réinfection rapportés dans cette étude est survenue au cours de la cinquième vague de Covid-19. D'ailleurs, lorsque le résultat d'un criblage était disponible, 79% des cas correspondaient à une ré-infection par Omicron.

Comment expliquer que l'augmentation significative des cas ait correspondu à l'émergence puis la très rapide diffusion du variant Omicron en France ? « Omicron est très différent des trois souches virales de Sars-CoV-2 (Wuhan, Alpha et Delta), bien plus qu'elles ne le sont entre elles. Dès lors, on voit apparaître ces réinfections », analyse le Pr Lelièvre. En d’autres mots, les patients qui ont été infectés auparavant par d’autres souches peuvent plus facilement être infectés par Omicron car il leur ressemble beaucoup moins. « Pour autant, est-ce que ces réinfections conduisent à des maladies sévères ? Non » poursuit-il. Sauf pour les patients immunodéprimés.

 
Omicron est très différent des trois souches virales de Sars-CoV-2 (Wuhan, Alpha et Delta), bien plus qu'elles ne le sont entre elles. Dès lors, on voit apparaître ces réinfections. Pr Jean-Daniel Lelièvre
 

Cette protection vis-à-vis de la sévérité de la maladie mais pas vis-à-vis de l'infection avec le variant Omicron s'explique par les différents mécanismes de la protection virale. Lors de la première infection, la protection contre l'infection elle-même se met en place grâce à la production d'anticorps. En parallèle, une réponse immunitaire TCD8, plus vaste que les anticorps, protège contre la maladie. « Ceci explique aussi que les vaccins protègent très bien contre la maladie [par la production d’AC], moins contre les réinfections », indique-t-il. Pour lui, il est désormais clairement établi que les infections précédentes et la vaccination « protègent très bien contre les formes qui vont vous emmener à l'hôpital ».  

Les réinfections symptomatiques liées au délai de production des anticorps

Pourtant, certaines personnes réinfectées et vaccinées présentent des symptômes : dans cette étude de SPF, 48,6 % des cas possibles de réinfection étaient symptomatiques lors du deuxième épisode. Là encore, il faut aller au cœur des mécanismes immunitaires pour y trouver l'explication. « La mémoire immunitaire, qui se développe grâce aux infections précédentes et à la vaccination, permet de se défendre contre de nouvelles infections et aussi de nouveaux variants mais, la cinétique de réplication du pathogène doit être prise en compte », indique Jean-Daniel Lelièvre. Le SARS-CoV-2 se réplique très vite, bien plus rapidement que la production d'anticorps par les cellules mémoires qui nécessite 4 à 5 jours. « Le temps que les anticorps soient produits, la réplication initiale du virus n'a pas le temps d'être bloquée si bien que les patients réinfectés peuvent présenter quelques signes cliniques comme de la toux et de la fièvre », précise-t-il.

 
Le temps que les anticorps soient produits, la réplication initiale du virus n'a pas le temps d'être bloquée si bien que les patients réinfectés peuvent présenter quelques signes cliniques comme de la toux et de la fièvre. Pr Jean-Daniel Lelièvre
 

Quant aux cas de double infection par Omicron, ils sont pour le moment énigmatiques, indique le spécialiste : ni l'ampleur du phénomène ni les mécanismes en jeu ne sont aujourd'hui connus.

Aussi, alors que le variant BA.2 progresse en France (près de 27% des séquençages Omicron entre le 14 et le 20 février selon SPF ), la question se pose aussi des infections par BA.2 suite à des infections par BA.1. Dans un communiqué en date du 22 février, l’OMS s’est prononcée sur ce point : « Des études sont menées sur le risque de réinfection par BA.2 par rapport à BA.1. La réinfection par BA.2 après l’infection par BA.1 a été constatée, cependant, les données initiales des études de réinfection au niveau de la population semblent indiquer que l’infection par BA.1 protège fortement contre la réinfection par BA.2, du moins pendant la période limitée pour laquelle on dispose de données ».

Plus de jeunes et de professionnels de santé réinfectés

Professionnels de santé et adultes jeunes de 18 à 40 ans étaient surreprésentés parmi les cas possibles de réinfection. Pour les professionnels de santé, la proportion de réinfection est montée à 6% versus 3,4% pour l'ensemble de la population au cours de la dernière période d'intense circulation du variant. SPF considère que « plusieurs facteurs peuvent être en cause dans cette surreprésentation de ces deux populations, notamment une surexposition à l’infection par le SARS-CoV-2 du fait de l’activité professionnelle, d’une moindre adhésion aux mesures barrières et à la distanciation sociale ou encore une couverture vaccinale plus faible chez les 18-40 ans par rapport aux populations plus âgées au cours de la période d’étude ». Le Pr Lelièvre reste prudent face à ces chiffres en raison d’un grand nombre de biais.

 

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