Le délai légal de recours à l’IVG passe de 12 à 14 semaines

Stéphanie Lavaud

24 février 2022

France Le Parlement français a définitivement adopté mercredi la proposition de loi pour allonger la durée légale de l'IVG de 12 à 14 semaines. Olivier Véran a salué « un jour important pour la santé sexuelle et reproductive, et un jour important pour la santé des femmes » dans un discours à l’Assemblée nationale et s’est déclaré fier dans un tweet que la France réaffirme et élargisse ce droit fondamental des femmes (voir ci-dessous).

https://twitter.com/olivierveran/status/1496510985502400512

Dépassement du délai : de nombreuses femmes étaient encore concernées

Mesure phare de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, l’allongement du délai de l’IVG est passée de 12 à 14 semaines. Elle fait suite à un rapport de 2020 réalisé au nom de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, qui recommandait de traiter l'avortement comme un droit effectif. Le texte avait été déposé le 25 août 2020 par les députées Albane Gaillot, Delphine Bagarry, Delphine Batho et plusieurs de leurs collègues. Adopté en première lecture, il avait ensuite essuyé plusieurs rejets, dont le dernier en date par le Sénat datait du 16 février 2022.

La proposition de loi, modifiée par les députés, entendait renforcer le droit à l'avortement, considérant que ce droit n’est pas toujours parfaitement garanti. Adopté ce mercredi 23 février par 135 voix "pour", 47 voix "contre" et 9 abstentions, le texte allonge de deux semaines le délai légal pour avoir recours à l'IVG, qui est ainsi porté de 12 à 14 semaines de grossesse. Il suit l'une des préconisations formulées par deux députées Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, qui dans leur rapport sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse remis en septembre 2020, constatait que de nombreuses femmes étaient encore concernées par le dépassement du délai de 12 semaines. Au moins 2 000 patientes seraient contraintes chaque année de se rendre à l'étranger pour cette raison (notamment en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas) en raison souvent de situations personnelles complexes mais aussi de la fermeture d'établissements de santé pratiquant l'avortement, indique le site vie-publique.

Si l’allongement du délai légal de l’avortement en est la mesure-phare, le texte prévoit également :
  • d'étendre la compétence de la pratique des IVG chirurgicales aux sages-femmes dans les hôpitaux ;

  • de pérenniser l'allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville à 7 semaines de grossesse (contre 5), comme c'est le cas depuis avril 2020 suite à la crise sanitaire et tel que l'a recommandé la Haute Autorité de santé dans un avis publié le 12 avril 2021 et encadré par l’ANSM ce 22 février 2022 ;

  • de supprimer le délai de réflexion de deux jours, imposé afin de confirmer une demande d’avortement après un entretien psychosocial ;

  • de préciser dans le code de la santé publique que le pharmacien refusant la délivrance d’un contraceptif en urgence sera en méconnaissance de ses obligations professionnelles.

Des avis très contrastés

Rappelons que saisi par le ministre des solidarités et de la santé, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avait rendu son « opinion » le 10 décembre 2020 considérant qu'il n'y a pas d'objection éthique à allonger ce délai de deux semaines. Il n'existe que peu, voire pas de différence de risque pour la femme avortant entre 12 et 14 semaines de grossesse», faisait valoir le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Le CCNE s'était prononcé, par ailleurs, pour le maintien de la clause de conscience spécifique à l’IVG applicable aux médecins et aux sages-femmes.

Tandis qu’à l'inverse, l'Académie de médecine s’était prononcée officiellement le 12 octobre 2020 contre l'allongement de ce délai, argumentant qu’« en portant ce délai à 16 semaines d'aménorrhée (soit 14 semaines de gestation, ndlr), on augmente le recours à des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes et à une dilatation du col plus importante susceptible de provoquer des complications à long terme comme un accouchement prématuré ».

Bien que se disant très engagé pour garantir et améliorer l’accès à l’IVG, le CNGOF, société savante de Gynécologie & d’Obstétrique, avait lui aussi fait connaitre son opposition à cet allongement le 14 octobre 2020, estimant que « les gestes nécessaires au-delà de 14 SA [semaine d’aménorrhée] peuvent donc être source de complications pour les femmes et leur pénibilité pourrait entraîner une désaffection des professionnels de santé qui les réalisent aujourd’hui ».

Aujourd’hui encore, le CNGOF maintient son opposition à cet allongement, par la voix de sa présidente Joelle Belaisch-Allart. « C'est une mauvaise réponse à une bonne question » estime-t-elle. Reconnaissant que « C'est une certitude qu'il faut améliorer l'accès à l'IVG en France », elle considère que « ce qu'il faut, c'est faciliter l'accès de l'IVG aux femmes qui en ont besoin, c'est-à-dire augmenter les moyens dans les centres de Planning ou dans les hôpitaux. L'allongement ne va pas régler le problème de toutes ces jeunes femmes qui le découvrent vers 19-20 semaines et qui partent avorter à l'étranger », rapporte France Inter. 

De son côté le Planning familial qui se « mobilise depuis des années pour l'allongement des délais» s’est félicité de l’adoption du texte y voyant une « victoire historique». « C’est une excellente nouvelle pour le droit à l’avortement et pour le droit des femmes», s’est réjoui Sarah Durocher, sa co-présidente. 

 

https://twitter.com/leplanning/status/1496508798143455232

 

 

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