POINT DE VUE

Rebond épidémique, mortalité Covid sous-estimée, surrisque CV…Le point au 21 mars

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

23 mars 2022

TRANSCRIPTION/ADAPTATION

Paris, France  — Bonjour. Gilles Pialoux, je suis infectiologue à l’hôpital Tenon et à Sorbonne université. Je suis ravi de vous retrouver sur Medscape France – cela faisait un petit moment que nous n’avions pas échangé. Malheureusement – je dis malheureusement parce que c’est encore sur la question du Covid – puisque comme vous le savez ce mois de mars voit une résurgence épidémique qui était attendue au moment où les différentes mesures ont été levées par le gouvernement depuis le 14 mars, essentiellement.

Des incidences de cas élevées mais une 6ème vague inférieure à la 5ème

Les données épidémiologiques, vous les connaissez : on a un R0 qui tourne autour de 1,11 - 1,15, des incidences en moyenne de 600 pour 100 000 en France, mais plusieurs départements ont plus de 1 000 pour 100 000, donc des incidences très élevées. Et une préoccupation liée au fait qu’on a encore un certain nombre de gens non vaccinés dans les EHPAD : 10 % des plus de 65 ans, 11 % des plus de 90 ans qui n’ont pas été vaccinés correctement ou, voire, pas du tout. Donc effectivement – et c'est la spécificité française – une vaccination dans la tranche des 5 à 11 ans qui est probablement la plus basse d’Europe, autour de 5 %, alors que certains pays comme l’Espagne ont dépassé les 50 % de vaccination dans cette tranche d’âge.

Trois explications

Cette résurgence a 3 explications. La première, c’est évidemment la levée des mesures barrières, la deuxième, c’est l’insuffisance vaccinale, probablement, des enfants, qui fait une circulation virale très importante dans ces familles, et troisième élément, c’est la dominance du variant BA.2, donc le sous-variant d’Omicron dont on sait que la transmissibilité est élevée de 30 % par rapport à Omicron qui était, lui-même, très élevé par rapport au variant historique ou autres variants de préoccupation.

Alors, tout cela a été modélisé par Simon Cauchemez de l’Institut Pasteur. Pour l’instant, les choses sont un peu tranquilles par rapport au remplissage hospitalier, à la pression hospitalière et en réanimation. Dans tous les différents scénarios qui incluent le fait que les Français aient anticipé dès le 7 mars la levée les mesures le 14 mars, nous aurions une sixième vague qui serait inférieure à la cinquième vague.

Quelques bonnes nouvelles

Pour la science, quelques bonnes nouvelles, quand même. Un papier du New England, daté du 9 mars, un papier japonais, une correspondance qui teste toutes les molécules, anticorps monoclonaux et surtout antiviraux, donc le remdésivir, le molnupiravir, le nirmatrelvir – c’est-à-dire le Paxlovid –. La conclusion est qu’ils ne sont pas affectés dans leur efficacité antivirale directe par le variant Omicron, mais on n’a pas de données pour le variant BA.2.

Les mauvais chiffres de la mortalité

Plutôt plus préoccupant, ce sont les données concernant la mortalité. Une énorme étude publiée dans le Lancet le 10 mars, une énorme étude de modélisation sur la surmortalité dans 74 pays avec six modèles différents et qui ne donnent pas – alors, bien sûr, c’est rapporté à la période COVID, donc janvier 2020 à décembre 2021 – et ils ne donnent pas le chiffre de 5,9 millions, qui est le chiffre officiel que l’on a sur les différents sites, mais un chiffre de 18,2 millions avec un intervalle de confiance entre 17 et 19,6, mettant en premier comme pays ayant un excès de mortalité la Russie, le Mexique, le Brésil et les États-Unis. Un papier, donc, préoccupant qui sera probablement à critiquer par les spécialistes de la modélisation.

Toujours sur la mortalité, un autre papier de Lancet Regional Health, qui est un papier allemand. C’est assez rare, c’est un papier sur les autopsies et c’est intéressant parce que ça tord le cou à une fake news qu’on entend souvent, notamment la notion de COVID accessoire, que les gens rentrent dans les hôpitaux avec un Covid mais qu’ils ne sont pas malades de leur Covid. Cette série autopsique arrêtée à octobre 2021, montre que sur 1 129 autopsies de patients ayant eu le Covid, la cause de la mortalité liée directement au Covid concerne 86 % des autopsies. Donc je crois que c’est deux éléments importants et qui éclairent une dimension de cette maladie.

Un surrisque cardiovasculaire et neurologique

Une autre préoccupation et un papier de Nature Medicine, du mois de mars, aussi, qui part d’une cohorte énorme de vétérans – 153 760 vétérans contaminés par le Covid comparés à un peu plus de 5,6 millions de sujets de contrôle contemporains et encore 5,8 millions de sujets contrôles historiques. Qu’est-ce que nous dit cette étude de cohorte cas contrôles ? C’est qu’au-delà de 30 jours après le Covid les patients gardent un surrisque cardiovasculaire qui inclut à peu près toutes les maladies cardiovasculaires, que ça soit ischémique, péricardite, myocardite, troubles du rythme, troubles thromboemboliques, etc., et que ce surrisque se maintiendrait sur une année. Donc, bien sûr ce sont des études de cohorte rétrospectives, mais on est dans une maladie différente et ces éléments-là méritent d’être explorés.

De même pour ceux qui s’intéressent à la neurologie, il y a un énorme papier de Nature sur une cohorte de 785 patients rentrés dans une biobanque, qui avaient entre 51 et 81 ans – qui ont eu, bien sûr, le Covid – et qui ont été analysés sur deux imageries à deux ou trois mois d’intervalle, 141 jours exactement en moyenne, et on voit la persistance de de troubles dégénératifs de disparition de la substance grise localisée, etc., qui interroge, au-delà de l’anosmie et des éléments neurologiques que l’on connaît, sur l’impact cognitif que peut avoir la Covid.

Voilà, c’est à peu près tout. Je finirai par un message, peut-être, d’espoir : c’est que malgré cette circulation virale extrêmement intense, on va peut-être passer un printemps sans nouveaux variants, mais ça, évidemment, je ne suis pas Madame Irma – on est juste dans la préoccupation de cette circulation virale très importante, même si la France est une population très majoritairement vaccinée. Merci à vous!

 

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