POINT DE VUE

De l’huile d’olive pour vivre plus longtemps ?

Pr Ph Gabriel Steg

Auteurs et déclarations

21 juin 2022

Le blog du Pr Gabriel Steg – Cardiologue

TRANSCRIPTION

États-Unis, France __ Bonjour aujourd’hui je voudrais vous parler des bénéfices de l’huile d’olive.

Pourquoi vous parler de cela ? Une étude réalisée par une équipe de Harvard vient de paraître. Elle regroupe les données de deux études portant sur les professionnels de santé américains et les a de nouveau analysés : l’étude des infirmières — 60 000 sujets — et l’étude des professionnels de santé — plus de 30 000 hommes, 90 000 sujets au total avec 28 ans de recul — s’est intéressée à l’association entre la consommation d’huile d’olive et la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toutes causes. Ce que rapportent les auteurs, c’est qu’il y a une association forte entre la consommation d’huile d’olive — en particulier plus de 7 g par jour — et une réduction de 19 % de la mortalité cardiovasculaire, mais également une réduction de la mortalité par cancer, une réduction de l’incidence des morts par maladies neurodégénératives et même, une réduction de l’incidence des morts par maladies respiratoires. Un résultat assez frappant, assez spectaculaire, évidemment, nous pouvons nous demander « est-ce que tout cela est vrai, est-ce que cette association est possible et est-ce que, véritablement, il faut se mettre à manger de l’huile d’olive et par quel mécanisme est-ce que cette dernière pourrait avoir tous ces bénéfices ? »

Les limites d’une étude observationnelle

L’huile d’olive, en particulier l’huile d’olive extra-vierge, a déjà fait l’objet de nombreuses études et il y a des raisons de penser, des raisons mécanistiques qui supportent des bénéfices cardiométaboliques de sa consommation, nous avons déjà pu le voir dans un essai randomisé espagnol que vous connaissez sûrement déjà : l’étude PREDIMED. Elle avait montré que la consommation d’huile d’olive extra-vierge — il est important qu’elle soit extra-vierge puisqu’elle est plus riche en phénols — était associée à une réduction des accidents cardiovasculaires, essentiellement liée à une réduction des accidents vasculaires cérébraux. De là à avoir une réduction des cancers, des maladies neurodégénératives et, encore plus, des maladies respiratoires, des décès par maladies respiratoires, c’est quelque chose qu’il est difficile à démontrer, et nous amène à nous poser la question de possibles facteurs de confusion. Bien que cette étude soit une grande étude liant beaucoup d’évènements, de faits et d’exemples robustes, elle est sujette à de multiples facteurs de confusion, comme toutes les études observationnelles.

Par exemple, notamment aux États-Unis, les sujets qui consomment de l’huile d’olive n’ont pas la même distribution en termes socio-économiques, en termes de revenus, de distribution géographique, d’habitudes de vie que les sujets qui consomment moins d’huile d’olive — la consommation d’huile d’olive doit être corrélé à beaucoup d’autres facteurs. Il faut rappeler que dans les études en matière de nutrition lorsque la quantité d’un aliment est augmentée, d’autres aliments sont moins fréquemment consommés ; ou que, si la consommation d’un aliment tel que l’huile d’olive croît, ce condiment doit souvent être associé à d’autres aliments qui pourraient avoir leurs propres propriétés bénéfiques ou délétères.

Par exemple, nous pouvons imaginer que l’huile d’olive est plus fréquemment associée à la consommation de salade, de tomates, de légumes et que les bénéfices observés et corrélés à sa consommation sont en fait, liés de façon indirecte à celle-ci et de façon directe à ces autres aliments. Par conséquent, ce sont des biais tout à fait classiques en matière d’études nutritionnelles.

Pas les même consommateurs d’huile d’olive

Enfin, cette étude est réalisée aux États-Unis où la consommation de base moyenne d’huile d’olive dans la population est faible, beaucoup plus que dans les pays méditerranéens tel que la France où la consommation d’huile d’olive est plus importante et où les différences observées seraient peut-être moindres.

Quelles hypothèses ?

Ce que je trouve intéressant, néanmoins, c’est que les auteurs reconnaissent eux-mêmes à la fin de l’étude qu’ils n’ont pas d’explication au bénéfice hypothétique allégué quant aux maladies neurodégénératives ou aux maladies respiratoires et que le meilleur argument qu’ils trouvent pour supporter leurs résultats observationnels, est de se référer à la grande étude randomisée espagnole PREDIMED qui avait démontré les bénéfices cardiométaboliques de la consommation d’huile d’olive extra-vierge. Il vaut donc mieux faire des études focalisées, randomisées qui constituent des degrés de preuve plus forts que de faire de grandes études observationnelles.

 
Il vaut donc mieux faire des études focalisées, randomisées qui constituent des degrés de preuve plus forts que de faire de grandes études observationnelles.
 

Alors, faut-il consommer de l’huile d’olive et en grande quantité ?

C’est très vraisemblablement bénéfique sur le plan cardiovasculaire, probablement sur le plan cardiométabolique, et doit être associé à d’autres habitudes de vie, d’autres facteurs qui pourraient être bénéfiques sur d’autres maladies sans que, nécessairement, cela joue un rôle causal — mais nous ne pourrons le savoir tant que nous ne disposerons pas d’études prospectives randomisées.

En conclusion, je pense que cette étude est intéressante à la fois par ses forces, son caractère spectaculaire, mais en même temps ses grandes faiblesses, ses grandes limites qui sont celles des études observationnelles dans ce domaine.

Je vous souhaite un bon appétit et un repas largement arrosé d’huile d’olive.

Merci et à bientôt sur Medscape.

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