POINT DE VUE

Variole du singe : que sait-on à ce stade ?

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

2 juin 2022

Transcription/adaptation. Vidéo enregistrée le 29 mai 2022

 

Cas de Monkeypox : point de situation en France

Au 1er juin 2022 à 10h, 33 cas confirmés de Monkeypox ont été rapportés en France (Source : SpFrance) : 24 en Ile-de-France, 2 en Auvergne-Rhône-Alpes ; 1 en Haut-de-France, 1 en Centre-Val de Loire, 4 en Occitanie et 1 cas en Normandie. 

A ce jour, en Europe, ces cas sont survenus principalement, mais pas uniquement, chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), sans lien direct avec des personnes de retour de zone endémique.

Paris, France – Bonjour. Gilles Pialoux – je suis chef de service de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, à Paris, et professeur à Sorbonne université. Je suis content de vous retrouver sur Medscape édition française.

On ne va pas parler du Covid, aujourd’hui – c’est une bonne nouvelle. On va parler, bien sûr, du monkey pox, la fameuse variole du singe – que l’on ne devrait, d’ailleurs, pas appeler comme ça, puisque, précisément, le réservoir animal n’est pas circonscrit aux singes.

De quoi parle-t-on ?

Il existe quelques papiers intéressants sur lesquels on peut s’appuyer pour essayer de calmer un petit peu le jeu, si l’on peut dire, pour l’instant. On a une review récente qui est assez bien faite sur l’épidémiologie dans PLOS Neglected Tropical Diseases . Elle a compilé 1995 études pour finalement n’en retenir que 48, mais le papier est assez bien fait. Qu’est-ce qu’il nous donne comme information ?

D’abord il y a des informations historiques : c’est un virus des orthopoxvirus qui est très proche du virus de la vaccine – encore plus, d’ailleurs, que du virus de la variole humaine – virus à ADN, bien sûr, qui a émergé en 1958 d’un laboratoire danois, isolé sur des macaques importés d’Asie et qui donnait des épidémies sporadiques, essentiellement avec deux foyers africains qui correspondent, d’ailleurs, à 2 clades différents du virus – un clade d’Afrique de l’Ouest et un autre d’Afrique centrale, notamment en RDC où il y a eu plusieurs épidémies.

Est-ce que le l’augmentation des cas est un phénomène nouveau ?

La réponse est « non ». C’est bien expliqué avec de jolies cartes dans le papier de PLOS que je viens de citer. Pour donner 2 exemples, au Nigeria, qui est un des foyers de ces épidémies sporadiques : il y avait trois cas dans les années 70, on était à 180 cas à la fin des années 2000 – 2017/2019. Pour prendre la RDC, 511 cas étaient recensés dans les années 90 et plus de 28 000 cas sur les 20 dernières années.

Nous sommes dans un phénomène assez circonscrit et il y a eu différentes petites épidémies sporadiques, notamment aux États-Unis en 2003.

 
Nous sommes dans un phénomène assez circonscrit et il y a eu différentes petites épidémies sporadiques, notamment aux États-Unis en 2003.
 

L’apparition de cas européens autochtones

Ce qui fait le focus actuel, c’est à la fois la confirmation de l’augmentation des cas et l’apparition de cas européens chez des gens qui n’avaient pas voyagé, justement, dans ces foyers africains. Des cas décrits en Grande-Bretagne, en France, au Portugal, etc.

Pour la situation européenne, on peut citer deux chiffres : le chiffre en France à la date du 29 mai, est de 16 cas, dont 12 en Île-de-France – zéro décès – et pour la Grande-Bretagne on était au-dessus de 90 cas à la même date du 29 mai.

Quelle sévérité ?

Une équipe portugaise a indiqué qu’on était plutôt dans un lignage de la souche d’Afrique de l’Ouest, qui semble moins agressive. Il y a une discussion autour du taux de létalité. Sur les cas européens, à ma connaissance, il n’y a pas eu de de mortalité, mais, effectivement, dans les revues de la littérature il y a une létalité qui est entre 1 % et 10 %, mais qui touche essentiellement les pays émergents, notamment d’Afrique centrale et de l’ouest. Par exemple, aux États-Unis, en 2003, il n’y a pas eu de décès. Donc, il y a une certaine complexité à apprécier la gravité.

Quid de la transmission ?

Sur la transmission, même si on a une transmission interhumaine, notamment dans les cas de Grande-Bretagne, cette transmission n’a rien à voir avec celle du SARS-CoV-2 dans la mesure où il s’agit d’une transmission contact ou, éventuellement d’une transmission gouttelette, mais sans notion d’aérosol, donc probablement un R0 qui est assez faible.

Face à cette transmission, des règles de prudence ont été éditées par la DGS et par la Haute autorité de santé (HAS). La plupart des cas sont en isolement contact et gouttelettes. Pour une maladie bénigne, le plus souvent ils seront en isolement – jusqu’à la fin des croûtes.

C’est une pathologie avec une période d’incubation qui peut être assez longue –entre 5 et 21 jours.

Quelle clinique ?

La clinique est bien connue : apparition d’une fièvre, de céphalées, de courbatures, enfin, un syndrome viral. La particularité est d’avoir des lésions vésiculeuses, papuleuses qui ressemblent à la variole, avec une dominance des lésions muqueuses, avant apparition de croutes qui tombent.

Il semble – c’est une autre particularité de cette épidémie, mais il faut être extrêmement prudent – qu’il y a eu sur une surreprésentation des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes dans les cas observés en Grande-Bretagne. Mais, on ne sait pas si c’est un effet loupe – c’est-à-dire, est-ce que ce sont les centres de santé sexuelle britanniques qui sont extrêmement diffus sur le territoire qui ont permis ce dépistage, donc effet loupe, ou une transmissibilité plus importante liée au contact sexuel, puisque les rapports sexuels sont, par définition, même si ce n’est pas une maladie sexuellement transmissible, des contacts.

Sur le plan thérapeutique et vaccinal

Là aussi, nous disposons de données. Un papier du Lancet Infectious Diseases reprend, paradoxalement, les cas de Grande-Bretagne entre 2018 et 2021. Il est assez intéressant car il est paru le 26 mai. Il y a très peu de cas : sept, mais ils sont très bien documentés avec des données de virologie, des données thérapeutiques avec des antiviraux, notamment le brincidofovir – qui ne marche pas du tout, d’ailleurs, dans cette étude, en plus avec une augmentation des transaminases.

Concernant les données sur le vaccin, vous savez qu’il y a probablement une protection assez forte : au-delà de 80 % des gens de plus de 50 ans qui ont été vaccinés à l’époque où on vaccinait contre la variole, puisqu’il n’y a pas de vaccin, actuellement, contre ce monkeypox.

Il y a donc une recommandation de la Haute autorité de santé qui est tombée la semaine dernière et qui préconise la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale très réactive pour les personnes à risque en post-exposition avec un vaccin de troisième génération qui est mieux toléré et qui doit être administré dans les quatre jours après une exposition. Cela concerne évidemment les soignants et aussi les personnes immunodéprimées qui ont droit non pas à deux injections à 28 jours d’intervalle avec ce vaccin de troisième génération, mais à trois injections. D’ailleurs, à l’hôpital Bichat, qui est le centre de référence, il y a eu déjà des vaccinations de professionnels contacts.

 
À l’hôpital Bichat, qui est le centre de référence, il y a eu déjà des vaccinations de professionnels contacts.
 

Donc– une situation à surveiller. Probablement pas d’inquiétude et, comme l’a dit l’ONUSIDA, attention à la stigmatisation, notamment concernant les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Merci à vous.

 
Attention à la stigmatisation, notamment concernant les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
 

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