PADHUE : des praticiens étrangers refoulés d’établissements de santé

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

24 février 2022

France — Alors qu'ils ont réussi le concours d'épreuves de vérification des connaissances (EVC), des praticiens étrangers (PADHUE) sont refoulés des établissements où ils devaient effectuer leurs stages. Et ce, tandis que des chefs de service perdent les postes de PADHUE dans leurs établissements, du fait d'une nouvelle procédure mise en place. Le centre national de gestion (CCNG) a proposé des pistes pour sortir de ce marasme.

Sur le papier, la réforme est méritocratique et devait permettre aux praticiens diplômés Hors union européenne (PADHUE) d'accéder à des postes de praticiens dans des établissements en fonction de leur classement au concours d'épreuves de vérification des connaissances (EVC). Dans la pratique, cette réforme tourne au fiasco. Retour en arrière. Un décret publié en juin 2020 modifie sensiblement le mode de recrutement des PADHUE dans les établissements de santé.

À la procédure en cours, de gré à gré entre le chef de service et le PADHUE, le ministère de la santé a substitué un mode de recrutement fondé sur le mérite, après le passage du concours EVC (épreuves de vérification des connaissances) : « Pour chaque profession et, le cas échéant, chaque spécialité, le jury établit une liste par ordre de mérite des candidats reçus, dans la limite du nombre maximum de personnes susceptibles d'être reçues aux épreuves de vérification des connaissances. [...] Pour chaque profession et, le cas échéant, chaque spécialité, les lauréats choisissent, dans l'ordre du classement, le poste dans lequel ils réaliseront le parcours de consolidation des compétences. » Ce mode de recrutement est calqué sur celui des internes, et avait reçu l'aval des syndicats de PADHUE.

Priorité aux médecins français

Cette réforme devait être mise en œuvre pour les concours à compter du 1er janvier 2021. Ainsi, un arrêté du 9 juillet 2021 établissait un nouveau calendrier de passage du concours qui devait être organisé à partir du 22 novembre 2021.

Les lauréats de ce concours devaient choisir définitivement leur poste le 15 février 2022. Mais rien ne s'est passé comme prévu, tant pour les établissements de santé que pour les PADHUE. Un PADHUE* qui avait réussi fin novembre ce concours, a donc commencé par prendre contact avec les chefs de services des établissements désignés par le ministère de la santé pour accueillir des PADHUE. Et là, ce fut la douche froide : « Les chefs de service en vue de ses vœux de classement ne sont pas au courant qu'un lauréat doit arriver chez eux - et de plus, ils ne se plaignent pas particulièrement d'un manque de médecins. Ils disent que leur « priorité ce sont les médecins français » voir qu'ils « ne laisseront pas les lauréats opérer/ recevoir des patients », nous a confié ce PADHUE. Et ce n'est pas la seule déconvenue : « Certains des hôpitaux ouverts aux lauréats ne sont pas qualifiants pour obtenir l'équivalence au bout de 2 ans, car les établissements sont trop petits pour pouvoir remplir le cahier des charges nécessaires à son obtention. » Rappelons que c'est à l'issue d'un stage de deux ans après la réussite de leur concours (dite phase de consolidation) que les lauréats PADHUE peuvent obtenir leur autorisation d'exercice.

 
Certains des hôpitaux ouverts aux lauréats ne sont pas qualifiants pour obtenir l'équivalence au bout de 2 ans.
 

Chefs de service furieux

Coté chef de service, ce n'est pas mieux. Si certains d'entre eux ne souhaitent pas accueillir les PADHUE qui leur sont affectés, d'autres, qui en attendaient, n'ont pas d'autorisation pour en accueillir. C'est le cas du Dr François Braun, chef de service des urgences de l'hôpital Metz-Thionville : « jusqu'à présent j'avais deux postes de PADHUE. Mais j'ai eu la désagréable surprise de ne plus en avoir un seul avec la nouvelle procédure. Si le ministère de la santé ne bouge pas, cela met en péril notre activité », nous a-t-il confié. Face au chaos qui s'annonçait, le centre national de gestion, qui gère la carrière des PADHUE, a dû prendre des décisions.

 
Jusqu'à présent j'avais deux postes de PADHUE. Mais j'ai eu la désagréable surprise de ne plus en avoir un seul avec la nouvelle procédure. Dr François Braun
 

Nouveau délai pour la prise de poste

Ainsi, dès le 11 février, il faisait paraitre un arrêté rectificatif pour repousser la date de choix définitif de poste du 15 février au 3 mars. Idem pour les PADHUE placés sur liste d'attente : la date de leur affectation définitive a été repoussée au 15 mars. Parallèlement, le CNG organisait une réunion exceptionnelle sur le sujet le vendredi 18 février, avec les représentants des PADHUE. Le Dr Nefissa Lakhdara, secrétaire générale du syndicat national des PADHUE (SNPADHUE), en était.

Des problèmes sur la procédure « stock »

Le CNG, selon le Dr Lakhdara, a évoqué les deux principales procédures en cours pour autoriser l'exercice des PADHUE en France : le concours EVC et la procédure dite « stock ». Cette dernière procédure, réservée aux PADHUE ayant exercé au moins deux ans entre 2015 et 2021, se fait sur examen de dossier par des commissions régionales et nationales, qui accordent le droit à une autorisation d'exercice ou non, et peuvent aussi prescrire une période d'essai de deux ans, appelée phase de consolidation. « Pour ce qui est de la procédure stock, les commissions régionales n'ont pas instruit les dossiers si bien que le CNG n'a pas pu, en commission nationale, les examiner. Les PADHUE perdront leur statut mais aussi leur autorisation d'exercice temporaire puisqu'elles expirent toutes au 31décembre 2022. Le PADHUE passe sous le statut de praticien associé (PA) beaucoup moins avantageux, le privant même des congés pour formation. Pour expliquer ce retard, le CNG invoque le rôle des praticiens, présents dans les commissions régionales, et qui ne trouvent pas le temps de se réunir. Nous avions pour la plupart déposé nos dossiers en octobre 2020 et la commission nationale, à partir de la date de dépôt de dossiers, avait un an pour statuer. « Rappelons que l'absence de réponse au bout de douze mois « vaut refus de délivrer l'autorisation d'exercice », selon le décret du 7 aout 2020. Il y a donc le feu au lac pour nombre de PADHUE qui ont déposé leurs dossiers fin 2020, et qui n'ont toujours pas de réponses...

 
Pour la procédure stock, les commissions régionales n'ont pas instruit les dossiers si bien que le CNG n'a pas pu les examiner. Les PADHUE perdront leur statut. Dr Nefissa Lakhdara
 

Pistes de sortie de crise

Quant à la procédure EVC, selon le Dr Lakhdara, « les établissements choisis ne proposent pas forcément de parcours de consolidation adéquat. Qui plus est, tel que cela a été défini, le PADHUE est désormais affecté deux ans dans son poste, aucune mobilité ne lui est accordée pour satisfaire à son parcours de consolidation. Par exemple, sur une maquette de médecine générale, on est amené à faire différents stages. Là, au vu de la nouvelle procédure, le PADHUE n'aura pas la possibilité de faire ces différents stages, et risque de se faire retoquer lors de l’examen de son dossier par la commission nationale. »

Tous les acteurs sont mobilisés pour trouver les meilleures solutions face aux différentes situations.

Selon d'autres représentants de PADHUE présents lors de cette réunion, le CNG aurait évoqué différentes pistes pour sortir de ce mic-mac.  Ainsi, le centre national de gestion aurait proposé, aux lauréats du concours EVC, de repousser de six à huit mois leur prise de poste. Pour les PADHUE qui émargent aussi bien dans la procédure stock que dans la procédure EVC, il pourrait être possible de décaler de dix-huit mois leur prise de poste, pour choisir laquelle des affectations leur semblent la plus favorable. Pour les PADHUE actuellement à l'étranger, soit un tiers des lauréats, ils pourraient prendre leur poste dès début mars. Enfin, le CNG pourrait ajouter une liste complémentaire pour porter à 1900 le nombre de postes ouverts. Seulement, pour le Dr Lakhdara, rien n'a été gravé dans le marbre : « Il s'agissait d'une discussion, rien n'a été acté. Nous attendons pour notre part la publication de textes rectificatifs. » Joint par Medscape, le CNG a pour sa part assuré que « le ministère de la santé, en lien étroit avec les agences régionales de santé et le Centre national de gestion, a bien conscience de ces difficultés. Tous les acteurs sont mobilisés pour trouver les meilleures solutions face aux différentes situations ».

 

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