Etats-Unis--Si pour les plus chanceux, le Covid-19 dure quelques jours avec des symptômes mineurs, on estime que 37 % de ceux qui contractent le SARS-CoV-2 auront des symptômes qui durent des semaines, des mois, voire des années. L'un d'entre eux est le brouillard cérébral caractérisé par des pensées plus lentes, de la confusion, des difficultés de mémorisation ou encore des facultés de concentration moindres.
Ces patients souffrant d'un brouillard cérébral pourraient retrouver leurs capacités mentales grâce à une approche déjà éprouvée sur les conséquences des AVC, des traumatismes crâniens ou encore de troubles post-viraux. Il s'agit d'approches fondées sur la neuroplasticité, c'est-à-dire la capacité des réseaux de neurones cérébraux à changer, s'adapter et se renforcer, comme un muscle qui aurait été entraîné.
« La capacité du cerveau à se remettre d'une blessure, c'est ça la neuroplasticité. Dans notre clinique de rééducation, j'ai travaillé avec des patients qui ont eu une tumeur cérébrale ou qui ont eu des séquelles de la chirurgie ou de la radiothérapie ou encore avec des patients qui avaient contracté le virus du Nil Occidental (ou West Nile Virus), le VIH ou une méningite », indique Tom Bergquist (neuropsychologue, Mayo Clinic , Rochester, Etats-Unis). « Il n'y a pas une semaine qui passe sans que je vois quelqu'un en convalescence du Covid », poursuit-il.
Réinitialiser le cerveau
Une des approches utilisée par la clinique est l'apprentissage « sans erreur », qui consiste chez un patient avec des difficultés de mémoire à répéter l'information un certain nombre de fois sans erreur. La répétition aide à récupérer les capacités de mémorisation amoindries pendant l'infection, explique Tom Bergquist.
Ces approches ont aidé des patients ayant présenté un brouillard cérébral après d'autres infections virales. Ben Ahrens, co-fondateur et directeur général de re-origin , une entreprise qui propose un traitement s’appuyant sur la neuroplasticité, raconte qu'il y a souffert de troubles cognitifs pendant longtemps à cause de la maladie de Lyme. Contractée il y a 10 ans, celle-ci a provoqué chez lui un brouillard cérébral, des douleurs articulaires et des lésions cérébrales détectables au scanner pendant plusieurs années après l'infection.
Selon Ben Ahrens, les thérapies fondées sur la neuplasticité aident à combattre ce qui semble être un traumatisme persistant lié à des infections passées. Lorsque le traumatisme est réactivé par certains symptômes (mal de tête…), cela engendre une réponse immunitaire exacerbée qui induit les symptômes persistants.
« En substance, ce que nous pensons qui se passe ici est : le cerveau a appris que ces symptômes [liés à l’infection] représentaient un risque vital, ce qui peut en effet être le cas », indique Ben Ahrens « Une des missions du cerveau est de protéger l'organisme. Aussi une fois qu'il a appris à associer ces symptômes à un pathogène potentiellement très dangereux, même quand ce dernier est parti, des événements comme un simple mal de tête peuvent provoquer une cascade immunitaire ».
Des études en cours
Des études sont en cours à l'université d'Alabama (Etats-Unis) pour évaluer si une thérapie par la contrainte – une approche fondée aussi sur la neuroplasticité historiquement utilisée lors de la perte d'un membre ou du langage – serait aussi efficace pour les troubles cognitifs comme le brouillard cérébral.
Une des techniques qu’ils utilisent, appelée le « shaping » (façonnage), nécessite que la personne effectue à plusieurs reprises et de son mieux une fonction altérée – par exemple, des tâches ménagères. Ce programme d'entraînement est répété de multiple fois pendant plusieurs semaines à la clinique, puis on apprend aux patients à transférer ces capacités dans la vraie vie.
Les résultats sont prometteurs, indique le chercheur et professeur de psychologie à l'université d'Alabama Edward Taub. Le recours à cette technique pour des handicaps physiques a permis non seulement des améliorations cliniques mais des modifications cérébrales, ont constaté les chercheurs. Cela conduit à une augmentation de la matière grise – impliquée dans le contrôle du mouvement, la mémoire et les émotions – et a amélioré la substance blanche qui facilite la communication entre les zones cérébrales de matière grise.
Bien que les résultats des études cognitives n'aient pas été publiés, Edward Taub révèle que les patients souffrant d'un brouillard cérébral ont progressé après seulement 35 heures de thérapie et ont été améliorés quasiment de 100 % après six mois. « L'idée sous-jacente est que le cerveau est réactif à la pratique », explique-t-il. « La taille du territoire cérébral dédié à une fonction comportementale donnée dépend en fait des exigences pesant sur le cerveau ».
-L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “Scientists See Hope in New Therapy for COVID Brain Fog Patients”. Traduit/adapté par Marine Cygler.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: COVID : sortir du brouillard cérébral par la thérapie cognitive - Medscape - 21 févr 2022.
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