Paris, France – A l'automne 2020, le rapport des 1000 premiers jours était remis au secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles.
Fruit d'un travail collectif d' une commission de 18 experts présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, il souligne, données scientifiques à l'appui, l’importance des 1 000 premiers jours de l'enfant, période essentielle des premiers apprentissages, du développement cognitif et affectif, de la sociabilité,... Un accent a aussi été mis sur l'accompagnement des parents, lesquels peuvent connaître des difficultés à l'arrivée d'un bébé.
« Le rapport des 1000 jours met en avant l'importance du soutien à la parentalité dès le départ et pour tout le monde. Car tout le monde peut être concerné par le burn-out parental », explique la Pre Rebecca Shankland (professeure de psychologie du développement, Université Lyon 2) qui a détaillé cet aspect lors d'une session dédiée à la périnatalité [1] à l'occasion du congrès de l'Encéphale 2022 .
Le burn-out parental, honte et culpabilité
Membre de la commission d'experts du rapport des 1000 jours, Rebecca Shankland s'est intéressée au phénomène d'épuisement parental, ou burn-out parental, un trouble considéré comme une conséquence du stress chronique des parents. Il peut toucher tous les parents. « Il entrave les possibilités à gérer les situations complexes du quotidien nécessitant de l'adaptation et de la créativité », indique l'oratrice.
Celle-ci livre précisément les quatre dimensions au burn-out parental :
l'épuisement psychique et moral dans son rôle parental : « C'est la difficulté dès le lever de savoir comment on va arriver au bout de la journée, avec des débordements de colère. C'est vraiment spécifique au rôle de parent. Au travail, on retrouve vitalité et stimulation », explique-t-elle.
Distance émotionnelle avec son enfant : « Les études longitudinales montrent que l'épuisement émotionnel arrive en premier. Dans un second temps, il y a une distance émotionnelle vis-à-vis de son enfant, ce qui peut expliquer une augmentation des négligences et des maltraitances », poursuit-elle.
Perte de plaisir et d'accomplissement dans son rôle de parent : Le parent qui souffre de burn-out ne prend plus de plaisir à voir son enfant grandir ni à avoir des interactions avec lui.
Contraste avec le soi parental passé : « Les parents nous disent qu'ils ne se reconnaissent pas. Il y a une distinction qu'eux-mêmes identifient et qui est elle-même une source de souffrances », détaille-t-elle.
L' épuisement parental a des conséquences extrêmement délétères pour toute la famille. Chez le parent en burn-out, il y a une augmentation des pensées suicidaires, de l'abus de substances psychoactives, de troubles du sommeil et « un fort sentiment de culpabilité et de honte de ne pas arriver à assumer ce rôle de parent comme on le souhaiterait », décrit Rebecca Shankland. Il y a également des répercussions sur le couple : dès le départ, la personne atteinte de burn-out perd son principal soutien, donc perd un facteur protecteur essentiel en santé mentale. De fait, le burn-out d'un des parents augmente les conflits dans le couple et le risque de burn-out du conjoint. Il peut aller jusqu'à provoquer une séparation. L'enfant est loin d 'être épargné : le burn-out parental multiplie par dix le risque de maltraitance.
Cela dit, certains parents évitent l'épuisement parental grâce à certaines ressources personnelles qui permettent de réduire l'impact des facteurs de stress liés à l'arrivée d'un enfant dans la famille. « Plus que les facteurs externes, ce sont les facteurs individuels qui jouent le plus sur le développement du burn-out parental, comme la régulation du stress et des émotions », explique-t-elle.
A l'occasion d'études en cours, des premiers facteurs de risque individuels de développer un burn-out parental ont été identifiés. Parmi eux, Rebecca Shankland cite « les ruminations abstraites, c'est-à-dire la tendance à ressasser des éléments négatifs du passé ou à avoir une anticipation anxieuse des événements futurs », mais aussi le perfectionnisme parental.
Pleine conscience
Que peuvent faire les professionnels de santé ? « Dans le cadre de la commission des 1000 jours, on s'était fixé comme objectif de mieux identifier les facteurs protecteurs et évaluer les interventions de prévention et de réduction du burn-out parental pour prévenir notamment les violences éducatives ordinaires existantes », indique Rebecca Shankland.
Impossible de parvenir à des recommandations malheureusement sur les pratiques les plus utiles. De fait, la chercheuse a constaté qu'il y avait trop peu d'études, menées dans les règles de l'art (effectif, randomisation...) pour conclure à un effet de ces interventions – TTC classiques, pleine conscience, psychoéducative, intervention hybride..., dans la réduction ou la prévention de l'épuisement parental.
Cela dit, elle souligne l'importance du diagnostic précoce des signes d'épuisement parental pour « éviter de tomber dans la spirale où le soutien du conjoint se perd et où des violences éducatives ordinaires, voire de la maltraitance, se mettent en place ». Face à ces premiers signes, elle conseille de recourir à des programmes de pleine conscience qui promeuvent le développement d'une attitude bienveillante envers soi, « c'est-à-dire l'inverse de l'autocritique que les parents ont tendance à avoir ». Cette attitude autocritique est un facteur de risque de burn-out mais aussi de dépression.
En revanche, la régulation des émotions et la régulation du stress sont des facteurs protecteurs du burn-out. Aussi l'oratrice conseille l'application gratuite Presenz ainsi que le site http://parentsurlefil.com/ , mis en ligne par l'université de Louvain, laquelle propose également des formations pour les professionnels de santé.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le burn-out parental, ravageur pour le parent, le couple et l'enfant - Medscape - 18 févr 2022.
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