France – Un mois après qu’Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, le ministre de la santé en a dévoilé le contenu ce mardi, après avoir largement évoqué le fardeau de la maladie pour les femmes qui en souffrent [1,2].
Stop à la douleur
Présentant la stratégie du gouvernement contre l’endométriose depuis l’hôpital Saint-Joseph à Paris – l’un des premiers établissements de santé à voir mis en place une prise en charge multidisciplinaire de cette maladie (voir encadré) – Olivier Véran a rappelé qu’« une femme sur dix est concernée par la maladie », des chiffres qu’il a qualifiés de « démentiels » et usant d’une comparaison imagée, « à peu près aussi grands que le silence dans lequel les femmes atteintes d’endométriose sont recluses depuis trop longtemps ».
« C’est normal que tu aies mal, tu as tes règles », voilà ce que ces femmes ont entendu, voilà la réponse tantôt fataliste tantôt résignée qu’elles ont obtenue, a-t-il continué dans un vibrant plaidoyer dédié à la gente féminine et aux douleurs gynécologiques, longtemps taboues, longtemps tues.
Je suis médecin et je sais que l’on ne devient pas médecin pour dire à un patient : « c’est normal que vous ayez mal », a-t-il insisté, reconnaissant au détour d’une référence à un poème de Baudelaire, qu’ « on ne peut pas demander [à la douleur] d’être sage » et de se « tenir plus tranquille ».
Programme de recherche et base de données d’envergure
Plus prosaïquement, le ministre de la santé a décrit ce que seront les trois grands domaines de la stratégie nationale de lutte contre « cette maladie qui était encore ignorée du grand public jusque récemment ». Premier axe : placer la France aux avant-postes de la recherche et l’innovation sur l’endométriose car si « la recherche sur l’endométriose menée jusqu’à présent en France est dynamique », « ses résultats sont encore lacunaires » et « ne permettent pas encore de comprendre en détail les origines et les mécanismes de cette maladie ». De plus « il n’y a pas encore suffisamment d’équipes impliquées » a signalé Olivier Véran. Or, pour lutter efficacement contre l’endométriose, il est indispensable d’en savoir le plus possible sur ses causes, les différentes formes qu’elle peut prendre et de développer des moyens innovants de la diagnostiquer et de la traiter. Deux actions prioritaires seront donc mises en œuvre. L’une sera menée sous l'égide de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui va mettre en place un programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) doté de plus de 20 millions d’euros sur cinq ans et qui regroupera l’ensemble des meilleurs chercheurs de toutes les disciplines pouvant intervenir dans le champ de l’endométriose. L’autre devra se donner comme objectif de constituer une des plus grandes bases de données épidémiologiques au monde sur l’endométriose.
Filières spécifiques dans chaque département
Deuxième axe de la stratégie : garantir un diagnostic rapide et l’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire. Le délai moyen de diagnostic de l’endométriose est de sept ans, a rappelé le ministre, un délai considéré comme étant ni « raisonnable », ni « acceptable ». Pour y remédier, la France devrait se doter « de filières territoriales permettant à chaque Française, où qu’elle soit dans le pays, d’avoir accès à une prise en charge adaptée et de qualité ». Des filières territoriales spécifiques à l’endométriose verront ainsi le jour dans chaque région de France d’ici à 2023. Cette mesure sera financée grâce à un budget de 4,5 millions d'euros annuels. Pour aider au diagnostic précoce, les milieux scolaires et professionnels seront sensibilisés à cette maladie pour « pouvoir la reconnaître lorsqu’ils se trouveront en face d’elle ». « L’endométriose sera également inscrite dans le carnet de santé, et recherchée dans le cadre des différentes consultations obligatoires effectuées dès l’adolescence, et lors des consultations longues de santé sexuelle accessibles à tous gratuitement jusqu’à 25 ans ».
De même, les dispositifs permettant la prise en charge financière des soins relatifs à l’endométriose seront améliorés et évalués. « Certaines formes d’endométriose sont aujourd’hui reconnues comme des affections de longue durée, au titre du dispositif ALD 31, a expliqué le ministre. Or, ce dispositif n’est pas assez utilisé par les Françaises qui y sont éligibles, à la fois parce que son fonctionnement n’est pas harmonisé sur l’ensemble du territoire, et parce qu’il est trop mal connu. C’est pourquoi les critères d’attribution de l’ALD 31 seront unifiés entre les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), et des actions de communication seront menées afin d’informer les Françaises atteintes d’endométriose sur leurs droits ».
Le « réflexe endométriose »
Troisième et dernier axe, la communication, la formation et l’information de l’ensemble de la société sur l’endométriose car « il faut bien nommer les choses, il faut les décrire, il faut les regarder en face » a indiqué Olivier Véran, de façon à créer un « réflexe endométriose » comme l’a souhaité le président de la République. A ce titre, chaque étudiant professionnel de santé sera sensibilisé à cette pathologie et à sa reconnaissance. De même, chaque professionnel en exercice sera incité à suivre des formations gratuites permettant de renforcer sa connaissance de cette maladie et les infirmiers scolaires, médecins du travail, médecins du sport y seront aussi sensibilisés.
Olivier Véran a aussi annoncé la mise en place dans les prochaines semaines de campagnes de communication de grande ampleur « pour faire connaître cette maladie à toutes les Françaises et à tous les Français, de tous les milieux et de toutes les générations ». En particulier au mois de mars de chaque année, où se tient la Semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose.
Une fois n’est pas coutume, la stratégie annoncée par le président de la République ne concernera pas seulement le ministère des Solidarités et de la Santé, mais une grande partie du Gouvernement en associant chacun des ministères autour d’actions fortes qui seront mises en œuvre au cours des prochains mois et années.
Pionnier dans le domaine, l’hôpital dispose depuis plus de 10 ans d’un centre dédié à la prise en charge de l’endométriose. Un bilan complet des lésions est réalisé par échographie, IRM, scanner, et écho endoscopie digestive pour chaque nouvelle patiente. A l’issue duquel le dossier sera discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire, si une chirurgie est envisagée, afin d’apporter la réponse thérapeutique la plus adaptée. Si la nécessité d’une intervention chirurgicale est confirmée (atteinte digestive), alors la patiente est reçue conjointement par un chirurgien gynécologue et un chirurgien digestif rompus aux techniques mini-invasives. Une consultation antidouleur dédiée a été ouverte : à côté des traitements médicamenteux, d’autres thérapies complémentaires sont proposées comme l’acupuncture, la sophrologie, la mésothérapie et l’ostéopathie. Le centre de l’endométriose de l’Hôpital Paris Saint-Joseph s’intègre dans le réseau ville-hôpital endométriose dénommé : Résendo qui dispose d’un site Internet, très complet, qui permet d’obtenir toutes les informations utiles concernant l’endométriose et sa prise en charge personnalisée à destination tant des patientes que des professionnels de santé.
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Citer cet article: Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose : les détails - Medscape - 16 févr 2022.
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